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Girlfriend Experience

Le 09/07/2009 à 13:58
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Notre avis
5 10 Totalement affranchi du système hollywoodien, Steven Soderbergh embauche la starlette du porno US Sasha Grey et livre avec Girlfriend Experience un petit film arty sur la (vieille) question du sexe comme marchandise. Sans pour autant que l'expérience tourne au fiasco, cet essai ne va pas plus loin que son hypothèse de départ et cache derrière son élégance formelle un triste manque de substance et d'émotion.

La critique de Girlfriend Experience, un film de Steven Sorderberg La critique de La critique de Girlfriend Experience, un film de Steven Sorderberg, un film de Steven Sorderberg
La présence de la pornstar Sasha Grey [1] dans le rôle principal influe-t-elle sur notre lecture du film ? Ou est-ce que Steven Soderbergh a consciemment voulu faire un parallèle entre ces deux professions décriées, entre la carrière de cette escort girl et celle des actrices de films X ? On optera pour la seconde option tant les indices pour un tel rapprochement sont légions : Sasha Grey (alias Chelsea à l'écran) sait pertinemment qu'elle ne pourra pas poursuivre sa carrière d'escort girl/actrice éternellement, les années jouant contre elle, il lui faut donc préparer sa reconversion (la littérature pour l'une, la production pour l'autre) . Dans ce marché (la prostitution de luxe ou l'industrie pornographique), une escort girl/actrice plus jeune et plus fraiche en remplacera encore et toujours une autre ; face à son client, Sasha/Chelsea se doit de jouer le rôle de l'innocente (ce n'est pas la vraie Chelsea/Sasha que les clients veulent mais ce qu'ils veulent qu'elle soit), etc. A l'instar d'une actrice porno, l'entreprise de Chelsea est son corps. Il lui faut ainsi pour se positionner dans le milieu avoir un physique irréprochable, se mettre en valeur par le biais de photos érotiques, d'un site internet ainsi que par de critiques positives de journalistes (l'un d'eux proposera gratuitement une critique dithyrambique en échange de ses services). Il en ressort que si Soderbergh avait voulu faire dans la controverse, Girlfriend Experience aurait parfaitement pu s'intituler Pornstar Experience.

La critique de La critique de Girlfriend Experience, un film de Steven Sorderberg, un film de Steven Sorderberg
Tourné au mois d'octobre 2008, durant les élections présidentielles américaines et en pleine crise boursière, Girlfriend Experience est un film peuplé de yuppies obnubilés par la baisse de leur chiffre d'affaire, le bon placement boursier en cas de crise et John McCain ("ce n'est pas un mauvais bougre" dira l'un, "il est juste dans le camp de ceux qui ont tout fait foiré"), préférant se confier, discutailler sur leurs petits soucis avec Chelsea que de la sauter toute la nuit. Ils considèrent cet escort girl non pas comme un objet à fantasmes, mais comme une oreille attentive et consolatrice. Ce n'est en finalité pas l'expérience d'une petite amie qu'ils recherchent mais l'expérience d'être son petit ami.

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Mix entre le flottement arty de Bubble [2] et la froide sensualité de Hors d'atteinte, Girlfriend Experience ne suit aucune structure chronologique stricte mais s'amuse avec le temps à coups de flash-back, de flash-foward et d'ellipses, sautant continuellement d'un client à un autre, de sa vie professionnelle à sa vie personnelle. Caméra numérique au poing, le cinéaste scrute le visage de l'escort girl cherchant à déceler la vraie Chelsea, celle-là même qu'elle camoufle à ses clients. Seulement voilà, élégant formellement, ce dispositif cache le rachitisme du discours, Soderbergh et ses deux scénaristes (David Levien et Brian Koppelman, responsables de Ocean's 13 mais surtout scénaristes du futur Frankie Machine de Michael Mann !) n'ayant pas grand chose d'autre à dire et n'étayent que partiellement leur hypothèse escort girl = pornstar = entrepreneur. De substance et d'émotion, Girlfriend Experience en manque terriblement. Une froide distance qui était déjà en cause dans son diptyque sur Che Guevara et Bubble. Le cinéaste palmé pour Sexe, mensonge et vidéo aurait-il peur de pénétrer dans l'intimité de ses personnages afin d'en saisir leur dualité constituante ou cherche-t-il de façon maladroite (et pas très honnête) à s'approcher du regard froid que certain porte à Antonioni ?


[1] Avec à son actif près de 200 films (aux titres aussi dément que Asstravaganza 3, White Chicks Gettin' Black Balled 22 ou Barefoot Confidential 49) en trois ans, Sasha Grey a reçu le prix "Best Oral Sex Scene" (on vous laisse traduire) aux Adult Video News Awards de 2008 et a été sacrée meilleure
performeuse la même année par la X-Rated Critics' Organization. On comprend un peu mieux pourquoi Soderbergh s'est tourné vers elle.

[2] A noter que Steven Soderbergh réitère avec Girlfriend Experience le même procédé que pour Bubble il y a quatre ans en proposant son film en salle, en DVD et en VOD le même jour aux Etats-Unis. Parce qu'un petit film arty n'a que très peu de chance de se faire sa place dans les salles de cinéma seules, Soderbergh mise sur la complémentarité des différents supports afin de créer un buzz et permettre une plus large disponibilité du film. Un dispositif impossible à mettre en place en France, l'exploitation d'un film suivant une stricte chronologie des médias.







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