Jack le chasseur de géants : La critique du film de Bryan Singer
Le 22/03/2013 à 15:52Par Jonathan Butin
Jack le chasseur de géants ne cherche pas à dissimuler sa substance sous une étouffante couche de hype gothique ou de gore à outrance. Nettement moins sombre, il prend le contre-pied des récentes adaptations cinématographiques des contes de Blanche Neige et Hansel et Gretel. Assumant joyeusement sa légèreté et la faiblesse de son scénario, le long métrage de Bryan Singer ne propose que du fun. Simplement, honnêtement. Deux heures de fun sans aucun temps mort au cœur d'un univers détaillé et chatoyant rendu crédible par des effets spéciaux bluffants. Découvrez ci-dessous notre critique complète de Jack le chasseur de géants...
Dernière livraison en date de ce que l'on pourrait appeler la mouvance des contes remasterisés, initiée en 2010 par Tim Burton et son Alice au pays des merveilles, Jack le chasseur de géants se propose de remettre au goût du jour le grand classique du foklore anglais qu'est Jack et le haricot magique. XXIème siècle oblige et parce qu'un chasseur de géants sera toujours plus attirant qu'un haricot, même magique, Bryan Singer (Usual Suspect, X-Men 1 et 2) a apporté quelques menus changements à l'histoire originale en commençant par troquer la poule aux œufs d'or et la harpe parlante (qui fait tout de même un caméo) contre une couronne magique et une bonne grosse armée d'immondes géants numériques spécialement mobilisés pour titiller le palpitant des amateurs de tolkienneries cinématographiques.
Le film s'émancipe du conte dès les premières minutes alors que l'on assiste au coucher du jeune Jack et que son père lui narre une fois encore la légende du roi Erick le rouge qui envoya jadis les géants voir si l'herbe était plus verte dans les nuages à l'aide d'une couronne magique permettant de contrôler la volonté de ces ignobles et très grandes créatures (ça alors...). Quelques années et la peste plus tard, Jack (Nicholas Hoult) vit seul avec son oncle qui, un beau jour, l'envoie au marché du château de Cloister afin de vendre leur dernier cheval (une vache dans le conte). Jack, qui est un peu benêt, se fait refourguer une poignée de haricots contre le précieux animal. Heureusement pour lui, ils sont magiques. La scène du marché est surtout l'occasion de faire la connaissance d'un autre ajout notable par rapport au conte : la princesse Isabelle (Eleanor Tomlinson), descendante du roi Erick, qui a cela de particulier qu'elle ne supporte pas de rester les fesses posées sur un trône (royal le trône). Ainsi, la jeune femme, d'abord en quête d'aventures, ne tardera pas à se retrouver en détresse lorsque, par un malheureux concours de circonstances, l'un des haricots magiques emportera d'un même coup la maison de Jack et la princesse au septième ciel, littéralement. Faisant fi de son vertige, Jack se joint à l'équipe de sauvetage constituée du chef de la garde royale Elmont (Ewan McGregor), de Roderick (Stanley Tucci) à qui Isabelle est promise ainsi que d'une poignée de grimpeurs. Jack va alors découvrir contre toute attente que la fin des haricots peuvent aussi devenir le début de l'aventure.
Soyons francs, côté scénario, l'association Singer / McQuarrie nous avait habitué à mieux (Ennemi Public, Usual Suspect, Walkyrie). Cousu de fil blanc, le script n'est absolument pas le point fort de Jack le chasseur de géants. Ce n'est pas non plus la profondeur des personnages qui se révèle très vite inversement proportionnelle à la taille des géants. Au moins on nous épargne la psychologie de bazar. Non, l'intérêt de ce blockbuster est ailleurs.
Il faut se rendre à l'évidence, l'époque où le dessin animé avait le monopole des adaptations de contes est bel et bien révolue. On ne parle plus désormais qu'infographie, images de synthèse et photo-réalisme. L'avantage évident de cet état de fait est d'avoir permis la matérialisation d'univers dont l'existence était jusqu'ici cantonnée à l'imaginaire collectif, avec le talent d'un dessinateur pour unique moyen de représentation. Ironiquement, c'est l'avènement de ces technologies qui permet aujourd'hui de redécouvrir sous un angle nouveau des histoires vieilles de plusieurs siècles et de réaliser toute l'ampleur de leur véritable potentiel onirique et spectaculaire. Et du potentiel, il y en a dans Jack et le haricot magique, jugez plutôt : une tige qui relie la terre et le ciel, un pays caché dans les nuages, des géants cannibales... De grandes épopées ont vu le jour à partir de moins que ça. De ce côté là, Jack le chasseur de géants n'a pas à s'en faire, il assure le spectacle. Que ce soit les effets spéciaux saisissants, le rendu de la 3D, le faste des costumes ou les paysages somptueux, d'un strict point de vue esthétique, Bryan Singer réalise un sans faute. Néanmoins, l'apparence même des géants pourra diviser par son côté cartoon, rendant les monstres plus attachants et maladroits que véritablement menaçants. Même le général Fallon, le chef bicéphale de la meute, n'arrive jamais à inspirer la peur (en grande partie à cause d'une seconde tête qui ressemble trop à celle de Gollum pour que l'on puisse prendre le malheureux au sérieux). Tous disposent, de plus, d'un sens de l'humour flatulant du meilleur goût, assez déconcertant de la part de Singer. Un parti pris qui a tout de même le mérite de contrebalancer la violence de certaines scènes (des personnages rejoindront le plancher des vaches plus vite qu'ils ne l'ont quitté, d'autres finiront directement dans le gosier d'un géant...) et de rappeler au jeune public que des gens meurent certes, mais aux mains de créatures qui pètent et qui rotent.
Ce choix douteux ne nuit cependant en rien à la qualité globale du divertissement proposé qui surpasse de loin celle des derniers portages de contes en date sur grand écran. Mené tambour battant par un Bryan Singer qui n'a pas perdu le sens du rythme, Jack le chasseur de géants est servi par des effets spéciaux époustouflants et des comédiens à la bonne humeur communicative. Malheureusement, la réalité n'est pas un conte de fée et le monde d'Hollywood n'a rien à voir avec celui de Cloister. Le très mauvais démarrage de Jack le chasseur de géants aux États-Unis (où le film a fait moins de recettes lors de son premier week-end d'exploitation qu'un certain John Carter à la même période l'année dernière, un assez mauvais signe...) pourrait bien avoir raison de son avenir d'autant qu'ils se retrouve en concurrence directe avec une autre usine à rêve : Le Monde Fantastique d'Oz de Sam Raimi... C'est d'autant plus dommage que ce Jack le chasseur de géants mérite vraiment son happy ending.