Cadavres à la pelle
Le 01/09/2011 à 13:45Par Camille Solal
Notre avis
John Landis revient après plus d'une décennie d'absence... Entre temps, le genre de la comédie a évolué de manière drastique : Leslie Nielsen est mort, Mike Myers joue chez Tarantino, Jim Carrey s'amuse tout seul avec des pingouins et Judd Apatow a été intronisé nouveau roi de la comédie US. Il est alors logique de se demander si le cru 2011 de Landis est propice à la célébration d'un renouveau ou s'il accuse ses années perdues. Malheureusement, si on aurait voulu un retour fracassant, il est un peu dommage de ne voir au final en Cadavres à la pelle qu'un petit film sans réelle prétention, un temps amusant mais peu mémorable. Découvrez ci-dessous la critique de Cadavres à la pelle en intégralité.
LA CRITIQUE DU FILM CADAVRES A LA PELLE
On l'aura attendu ce nouveau John Landis ! Voilà 13 ans qu'il n'était pas revenu avec un film sur grand écran, autant dire que l'attente aura été longue pour les fans du réalisateur. Cadavres à la pelle (Burke and Hare en V.O.) signe donc son grand retour et le moins que l'on puisse dire c'est que dès l'introduction, le ton est donné : "Ceci est une histoire vraie. A part pour les parties qui ne le sont pas" annonce le premier carton. On se met alors à espérer retrouver le mordant qui a fait le charme des Blues Brothers en leur temps. Et il faut avouer que ce sera le cas... Du moins durant la première moitié du film.
Car Cadavres à la pelle propose de prime abord une ambiance très séduisante et on appréciera naviguer dans cette époque très bien retranscrite où les décors et costumes font leur office. Mais, bien au-delà des accessoires de qualité, là où le film atteint une grâce qui l'élève au-delà des standards du genre, c'est lorsqu'il se joue des codes et confronte le spectateur à une société historiquement lointaine mais sociologiquement proche de la notre. Ainsi, on rit de voir une foule hargneuse demander la tête d'une vieille femme coupable de vol, d'alcoolisme sur voie publique et de prostitution mais on rit encore plus lorsqu'après la pendaison la foule retourne immédiatement vaquer à ses occupations comme si de rien n'était. Un pied-de-nez bien senti au public moderne, représenté ici comme un vulgaire consommateur insensible (une critique d'ailleurs déjà employée dans la scène finale de The Truman Show de Peter Weir). Cet équilibre entre humour standard - voir un chouïa attendu - et humour raffiné se retrouve aussi dans des dialogues très ciselés ("Ce n'est pas une prostituée, c'est une actrice !" s'exclame par exemple Burke avant qu'Hare lui réponde : "Mais quelle est la différence ?" ou encore lorsque Burke défend le travail de sa bien-aimée : "C'est un théâtre William, ce n'est pas un lieu pour l'honnêteté").
Malheureusement, si le film démarre bien, il faut avouer qu'il accuse un très sérieux coup de mou passée la moitié, et ce, jusqu'au générique de fin. Finalement, c'est peut-être au moment où l'on se rend compte que le film a un sérieux problème de budget (accumulation des scènes d'intérieur et redondance des scènes extérieures - le décor du début est le même que celui de fin -) qu'on se rend aussi compte qu'il emmagasine des scènes de parlotes molles, sans surprises ni enjeux. De plus, même si nous ne sommes pas trompés sur la marchandise, il faut avouer que l'histoire de Cadavres à la pelle appelait, de prime abord, à un film plus traditionnel. En effet, la vraie affaire de Burke et Hare possède tout de même un fond politique pour le moins sérieux avec ses causes (la pauvreté de la population et la crise de la médecine) et ses conséquences (la création de l"Anatomy Act 1832" qui permit aux médecins de travailler sur des donations de corps et qui mit fin au marché des cadavres). Le problème, c'est que si on ne doit bien sûr pas juger le parti pris de Landis de traiter cette affaire sur le ton de la comédie légère, on peut néanmoins regretter que le film lorgne plus du côté d'I Sell the Dead que de Guns 1748. D'ailleurs, alors qu'on pourrait penser que le principe de la comédie aurait dû être propice à toutes les folies, il faut bien avouer que ce Cadavres à la pelle demeure bien gentillet. C'est d'autant plus dommage que le manque d'originalité des meurtres ne reflète pas ceux de la véritable histoire des deux hommes et que Landis réalise souvent des passages efficaces qui auraient pu instiguer un film sensiblement différent... (on pense notamment à une scène où le duo, tapi dans l'ombre, s'apprête à attaquer leur victime dans une ruelle malfamée avec une ambiance froide et oppressante).
Cependant, même si l'intérêt est un peu plombé par ce gros problème de rythme, on peut néanmoins noter qu'il est soutenu de bout en bout par des acteurs intégralement acquis à sa cause. En effet, même si Simon Pegg est un peu en deçà de ses performances passées (celles de Shaun of the Dead et Hot Fuzz notamment), on retiendra tout de même le jeu de la très pétillante Isla Fisher et celui du pince sans rire Andy Serkis. Finalement, c'est dans le traitement infligé à des seconds rôles certes savoureux mais surtout considérablement inconsistants que se reflète le plus gros couac du film. Car lorsqu'on sait que le casting se compose de Tom Wilkinson, Bill Bailey, Christopher Lee et du génial Tim Curry, on réalise que sous-exploiter ces acteurs relève presque de l'hérésie. Et c'est bien le problème de Cadavres à la pelle : avoir un sujet intéressant et un cast de talent et faire passer le tout par le prisme d'une comédie malheureusement sans prétention, à la fois ni scandaleuse ni particulièrement étonnante et surtout, très vite oubliable.