La Fille du RER
Le 13/03/2009 à 18:33Par Elodie Leroy
A l'origine de La Fille du RER, il y a la pièce RER de Jean-Marie Bisset mais surtout un fait divers survenu en juillet 2004, la plainte frauduleuse d'une jeune fille pour agression antisémite, qui avait déclenché l'émotion puis l'indignation générale. En partant de ce postulat, André Téchiné imagine un scénario fictif et tente à sa manière d'apporter une explication à un geste a priori incompréhensible, optant pour une construction en deux chapitres, l'un centré sur le contexte et l'autre sur les conséquences de l'acte. Plutôt que de plaquer une explication psychologique qui n'aurait pu être que réductrice, le cinéaste préfère s'attarder sur les interactions de la jeune fille avec son entourage et avec une famille juive qui se retrouvera sans l'avoir vu venir reliée à cette affaire.
La Fille du RER façonne un univers habité par des hommes et des femmes très ancrés dans la société d'aujourd'hui, un petit monde dont Jeanne, habituellement effacée, va subitement devenir l'épicentre. Le film repose en grande partie sur la prestation d'Emilie Dequenne, étonnante, mystérieuse, touchante dans le rôle de cette fille ordinaire, sans emploi, qui peine à se sentir exister entre une mère débordant d'attentions et un petit ami acaparant et dirigiste (Nicolas Duvauchelle). Comme le suggère le titre, qui à l'instar des media définit Jeanne uniquement à travers son acte, le point de vue adopté sur la jeune fille restera externe tout du long. Par son simple regard, la comédienne nous incite cependant à chaque instant à nous interroger sur ce qui se passe dans la tête de Jeanne, ce que cachent son extrême passivité ou ses actes autodestructeurs. Si l'antisémistisme ne constitue pas le sujet central de l'histoire, l'un des aspects les plus fascinants de La Fille du RER est bel et bien ce besoin d'identification de Jeanne à ces agressions, ce besoin infantile de se faire aimer pour un traumatisme imaginaire. Téchiné refuse au contraire d'amalgamer la communauté juive à ces persécutions, composant avec les Bleistein un portrait de famille qui s'attarde surtout sur les histoires de couple de Judith (Ronit Elkabetz) et Alex (Mathieu Demy), ou les conflits générationnels entre ce dernier et son père (Michel Blanc), l'avocat dont Jeanne utilise le nom pour donner crédit à sa fabulation.
La mise en scène d'André Téchiné se refuse à toute dramatisation des événements, et c'est là l'un de ses atouts, même si l'on pourra du même coup déplorer un certain manque d'intensité. Le traitement parfois comique de certaines situations justifie cependant assez bien ce parti pris, d'autant que les interactions entre les personnages évitent soigneusement les lieux communs, à commencer par la relation mère-fille qui occupe le coeur de l'histoire. Pour sa sixième collaboration avec le cinéaste, Catherine Deneuve incarne d'ailleurs à merveille cette éternelle maman qui en voulant aider sa fille se retrouve acculée à renouer avec son propre son passé et à dévoiler ses failles. C'est finalement sur le plan purement technique que La Fille du RER révèle ses plus grandes faiblesses, le montage trahissant un léger manque de soin lors de quelques fondus au noir excessivement appuyés ou au contraire de séquences souffrant de coupures abruptes. Des imperfections qui ne remettent nullement en question les qualités de ce film original et plus riche que sa simplicité ne le laisse paraître.