Le Crime est notre affaire

En 1999, Catherine Frot explose littéralement sous la direction de Pascal Thomas dans La Dilettante. Le duo se retrouve pour Mercredi, folle journée! et enfin Mon petit doigt m'a dit... en 2005, adapté d'Agatha Christie, qui attire près d'1,3 millions de spectateurs. Fort de ce succès public et critique, une suite était largement envisageable. Entre temps, le réalisateur se tourne vers une autre adaptation de la dame aux deux milliards et demi d'ouvrages vendus, L'Heure zéro. Malgré un casting plaisant, la déception est de taille et le succès modeste (500 000 entrées). En 2008, Pascal Thomas retrouve le couple Beresford pour Le Crime est notre affaire, qui dépasse toutes les attentes.

Rares sont les suites qui surpassent le film original et pourtant Le Crime est notre affaire est de celles-là. Encore plus ironique et burlesque que Mon petit doigt m'a dit..., le film de Pascal Thomas est non seulement un formidable divertissement mais surtout une merveille plastique instaurant une atmosphère singulière. Comme pour le premier film, les monstruosités surgissent au beau milieu des paysages paisibles, ici enneigés, le noir côtoyant le blanc immaculé.

Le problème de Mon petit doigt m'a dit... provenait de son rythme et de la séparation du couple au bout d'une demi-heure. S'amusant une fois de plus avec les clichés du genre tout en laissant les comédiens s'amuser comme de véritables gamins, Pascal Thomas gomme cette fois-ci les défauts que l'on pouvait reprocher au premier film. Catherine Frot et André Dussollier se délectent des bons mots écrits spécialement pour eux, Pascal Thomas leur offrant un véritable écrin dans lequel les personnages enquêtent au milieu de seconds rôles tous aussi allumés les uns que les autres. Catherine Frot prend visiblement un plaisir immense à enfiler les costumes de Prudence et écope par ailleurs de sa huitième nomination aux Césars. André Dussollier, plus présent à l'écran que dans le premier film, nous refait la célèbre scène de Sept ans de réflexion, vêtu d'un kilt et respectant visiblement la coutume écossaise. Claude Rich cabotine merveilleusement dans le rôle de Roderick Charpentier, vieux châtelain grippe-sous, tandis que les parfaits Chiara Mastroianni, Melvil Poupaud, Christian Vadim, Alexandre Lafaurie et Hippolyte Girardot épaulent magistralement ce jeu de pistes où chacun semble avoir quelque chose à se reprocher.

Pascal Thomas s'amuse une fois de plus à brouiller les pistes temporelles. La magie des décors et des costumes rétro contrastent intelligemment avec un portable tiré d'une poche. Mais dans quel monde sommes-nous ? Un complet décalage faisant ressortir l'absurdité d'un monde et de son irréalité déjà omniprésent dans Mon petit doigt m'a dit... Le cinéaste met les bouchées doubles à l'aide de certains effets spéciaux « direct » avec l'apparition fantomatique de Bélisaire ou celle de Prudence à l'intérieur d'un tableau. Des procédés « old-school » irrésistibles puisque s'insérant parfaitement dans ce roman-photo-bande-dessinée-parodique. Pascal Thomas s'entoure de la même équipe technique et disposant d'un budget deux fois supérieur à Mon petit doigt m'a dit... (de 5 millions à 12 millions quand même), réalise enfin avec aisance le film qu'on attendait. Une adaptation fidèle à l'univers d'Agatha Christie tout en le greffant à son propre univers. Le Crime est notre affaire déborde de charme, déroute le spectateur pour mieux l'impliquer dans l'histoire et lui donner un maximum de plaisir.

Que les fans se rassurent, il est indéniable que le couple sera de retour puisque la fille d'Agatha Christie, Rosalinde, a depuis cédé les droits d'un lot conséquent de nouvelles au cinéaste.