Mes Plus Belles Annees
Le 24/12/2008 à 09:14Par Elodie Leroy
Pour son premier film, Reshef Levy nous plonge dans l'Israël des années 80 à travers un portrait de famille touchant et plus vrai que nature qui s'accompagne d'un point de vue très moderne sur la jeunesse de l'époque, encore insouciante et avide de liberté, avant que l'Histoire n'accomplisse son œuvre de broyeuse de rêves. Si Mes Plus Belles Années pèche un peu par manque d'audace sur le plan formel et reste donc trop classique pour révolutionner le genre, l'émotion l'emporte grâce à une écriture très nuancée des personnages, eux-mêmes interprétés par des comédiens brillants. Une oeuvre sincère et attachante.
Si bon nombre de spectateurs français furent conquis il y a quelques mois par Le Premier Jour du Reste de ta Vie de Rémi Bezançon, la nouvelle chronique familiale générationnelle à mériter toute l'attention nous vient d'Israël. Fort d'un succès record dans son pays, le plus grand depuis une vingtaine d'années pour un film local, Mes Plus Belles Années devrait gagner sans difficulté le coeur des âmes sensibles. L'histoire adopte le point de vue du jeune Erez (Michael Moshonov), un lycéen encore insouciant qui entretient une relation très proche avec son frère jumeau, Ofer (Oshri Cohen). Autour d'eux, trois autres frères mais surtout un père charismatique et une mère dévouée. Cette dernière ne cache pas ses préférences entre ses fils, dont certains s'effacent derrière les plus aimés. C'est d'ailleurs exactement ce qu'Erez choisit de faire lorsque Neta (Yuval Scharf), une jeune fille dont Ofer et lui tombent immédiatement amoureux, entre dans leur vie.
Si le triangle amoureux formé par Erez, Ofer et Neta constitue bel et bien l'un des fils directeurs de Mes Plus Belles Années, Reshef Levy s'intéresse avant tout aux relations complexes qui unissent les membres d'une même famille et à la manière dont les épreuves douloureuses vont constamment redéfinir l'équilibre du foyer. Entre amour inconditionnel et rivalités fraternelles, entre dévouement et sentiment de culpabilité, les rapports familiaux deviennent tour à tour source de force et entrave au bonheur, comme si l'épanouissement personnel de chacun passait inévitablement par la blessure d'un proche ou le conflit. Les sentiments qui habitent Mes Plus Belles Années trouvent une résonance universelle, ce qui n'empêche pas le récit d'être ancré dans un contexte spécifique, à savoir l'Israël du début des années 80. Le cinéaste profite des virées des jeunes gens pour retranscrire toute l'ambiance d'une époque et les préoccupations d'une génération, faisant à ce titre un emploi judicieux d'une bande originale aux petits oignons (dans laquelle on retrouve Mad World des Tears for Fears). Une époque marquée par l'insouciance, par l'aspiration à la liberté de moeurs, juste avant que l'Histoire ne vienne briser les rêves de chacun. Soyons clair, les événements historiques évoqués ne constituent pas le sujet principal du film mais plutôt une toile de fond. Certaines séquences pourront même paraître un tantinet naïve, notamment celle voyant Erez se rebeller contre les maltraitances perpétrées sur des prisonniers par ses supérieurs de l'armée. Il semble que le cinéaste ne cherche pas tant à retracer l'Histoire de son pays qu'à mettre celle-ci au service du développement de ses personnages, et sur ce plan au moins, il atteint largement son but.
On pourra reprocher à Mes Plus Belles Années quelques ellipses pas toujours heureuses ainsi qu'une mise en scène par trop classique, le manque d'audace de la narration conférant parfois au film des allures de déjà-vu. Ce qui ne veut pas dire que le scénario soit prévisible puisque les personnages semblent véritablement exister par eux-mêmes, toujours écrits avec justesse, authentiques du début à la fin. Il faut dire que les comédiens font un travail remarquable pour leur apporter toutes les nuances nécessaires, de Michael Moshonov qui porte brillamment le film sur ses épaules, à Orly Silbersatz et Schmil Ben Ari qui composent deux figures parentales imposantes, en passant par Yuval Scharf qui révèle une grande présence. Autant de contributions précieuses achevant de faire de ce premier film de Reshef Lévy une oeuvre vivante et attachante.