Interview de Reshef Levy (Mes Plus Belles Années)
Le 24/12/2008 à 09:15Par Elodie Leroy
Enorme succès public et critique dans son pays, Mes Plus Belles Années est une chronique familiale touchante qui retrace par la même occasion l'ambiance des années 80 en Israël. A l'occasion de la sortie du film dans les salles française le 24 décembre, le cinéaste Reshef Lévy a fait un petit détour par Paris et a accepté de répondre à quelques unes de nos questions.
FilmsActu.com : Mes Plus Belles Années est votre premier long métrage, dans quelle mesure est-il autobiographique ?
Reshef Levy : Mes Plus Belles Années est effectivement mon premier film en tant que réalisateur, bien que ce soit le second que j'ai écrit. J'avais participé à diriger le précédent, mais celui-ci est le premier que je puisse revendiquer de A à Z. Je dirais qu'il est à moitié autobiographique. Je viens moi-même d'une famille de six frères et soeurs, quatre garçons et deux filles. J'étais très proche de l'un de mes frères, même si nous n'étions pas jumeaux comme dans le film. D'ailleurs, j'ai estimé que je devais le créditer lui aussi au scénario. Je me suis aussi beaucoup inspiré de mon propre père, qui était un homme très cultivé, un intellectuel qui parlait sept langues couramment, alors que pour ma part je complexe de n'en maîtriser que trois. De même, pour le personnage de la mère, j'ai voulu rendre hommage à ma propre mère qui se consacrait elle aussi entièrement à sa famille, avec une grande détermination.
Pourquoi avoir choisi d'en faire une famille avec seulement des fils ?
Je voulais mettre l'emphase sur la rivalité qui peut exister entre les enfants dans une famille, surtout vis-à-vis d'une mère qui a forcément son préféré. La situation ressortait de manière plus évidente de cette manière. Si j'avais inclus des filles, cela aurait quelque peu changé la donne. Tant qu'il n'y a que des fils, il est facile de montrer que la mère a son préféré. Avec une fille, les relations deviendraient nécessairement plus complexes. Mais cela ne veut pas dire que je ne considère pas qu'il est aussi bien d'avoir des filles ! J'ai moi-même des filles, vous savez, et je les adore !
Le film s'attarde beaucoup sur la relation entre les deux frères. On a l'impression qu'ils représentent chacun leur tour une entrave au bonheur de l'autre.
J'ai toujours été fasciné par la gémellité. Les jumeaux ont grandi ensemble depuis leur naissance, ils sont issus du même oeuf, ils ont le même code génétique. C'est pourquoi les gens pensent automatiquement qu'ils auront le même caractère, ce qui est faux puisqu'ils peuvent avoir des destinées très différentes. A travers cette relation, je voulais aussi montrer qu'il faut en quelque sorte parvenir à surmonter ses rapports familiaux pour s'épanouir dans la vie. Quand vous êtes jeunes, si vous dites que vous voulez faire des films, vos parents vous diront que c'est trop risqué, qu'il vaut mieux devenir comptable ou banquier. Vos frères et soeurs vous diront quant à eux que vous n'avez pas le profil ni la force pour y arriver. Il faut parvenir à surmonter tout cela pour réaliser ses rêves et c'est très difficile.
On ressent un vif sentiment de culpabilité de la part d'Erez, notamment vis-à-vis de son père après l'accident. Etait-ce conscient dès l'écriture du scénario ?
En fait, si vous regardez bien, ce sentiment de culpabilité existe bien avant l'accident, il est là depuis le début. D'ailleurs, élever des enfants passe par tout un tas de mensonges : les parents idéalisent toujours ce qu'ils étaient quand ils étaient jeunes. Ils vous disent : "Quand j'avais ton âge, je passais mon temps à étudier, je ne courrais pas après les filles". Or, il est évident que ce n'est pas vrai. Même s'ils partent d'une bonne intention, ces mensonges ont aussi pour effet de provoquer chez vous un sentiment d'anormalité, ce qui engendre un sentiment de culpabilité. Là encore, je voulais faire ressortir l'idée selon laquelle la réalisation de nos rêves passe par la trahison de nos proches. Oui, il faut trahir ses proches pour suivre sa voie. Bien entendu, au stade de l'écriture, je n'imaginais pas que mon film parlait de tout cela. Ce n'est qu'après coup que je l'ai réalisé, et j'ai été stupéfié par cette idée de trahison.
Comment avez-vous sélectionné les titres de la bande originale ?
J'ai bien sûr travaillé avec un conseiller. Je voulais retranscrire l'ambiance et la "senteur" de cette période. J'ai été attentif à chaque titre, tous m'évoquent quelque chose de personnel. Ce sont aussi les titres que les jeunes écoutaient inlassablement dans les années 80.
Comment voyez-vous la jeunesse d'aujourd'hui par rapport à celle des années 80 ?
A l'époque, il n'y avait pas de portable ni d'ordinateur. Les jeunes ne se donnaient pas rendez-vous sur les chat Internet comme ils le font maintenant. Mais vous savez, les enfants restent les enfants. Je regarde les miens et je ne les trouve pas très différents de ce que j'étais à cet âge là. Quant aux adolescents, ils sortent peut-être un peu moins que nous le faisions à l'époque. Et encore, ce n'est même pas sûr.
Comment avez-vous choisi les comédiens ?
J'ai fait passer beaucoup d'auditions pour trouver les acteurs principaux. J'ai pris un certain risque en sélectionnant Yuval Scharf, l'interprète de Neta. Elle n'avait aucune expérience du cinéma ni même de la télévision. En ce qui concerne Schmil Ben Ari [le père, ndlr] et Orly Silbersatz [la mère, ndlr], ce sont des célébrités en Israël. Pour Orly Silbersatz, je dirais que c'est plutôt elle qui m'a fait passer une audition, en me demandant où je placerais la caméra dans tel ou tel cas. Je n'avais jamais vu ça ! Ce sont vraiment des comédiens que j'apprécie énormément depuis longtemps et j'ai eu beaucoup de chance de les avoir.
Quel a été l'accueil du public en Israël ?
Le film a connu un énorme succès. C'est le plus gros carton du cinéma israélien depuis vingt ans. Tout le monde est allé le voir et les critiques étaient très bonnes. Nous avons aussi reçu plusieurs prix aux Israeli Film Academy Awards, l'équivalent des Oscars chez nous.
Propos recueillis par Elodie Leroy
Remerciements à Tristan Tramoni