My Magic
Le 03/11/2008 à 18:23Par Elodie Leroy
Après la disparition de ses grands studios, le cinéma singapourien a dû attendre le début des années 90 pour renaître difficilement de ses cendres. Depuis Mee Pok Man en 1995 et 12 Storeys en 1997, Eric Khoo est considéré comme l'un des acteurs majeurs de ce renouveau, un statut qu'il entérine non seulement en signant en 2005 le très beau Be With Me, mais aussi en produisant les oeuvres de jeunes talents prometteurs, tels que Royston Tan (15, 4:30). Figure emblématique d'un cinéma d'auteur aussi riche que ses moyens sont limités, Eric Khoo fait partie à l'instar de Royston Tan des rares cinéastes de Singapour dont les films s'exportent par le biais des festivals, les productions plus populaires ne franchissant que rarement les frontières du pays. Tourné en moins de dix jours, son nouveau long métrage, My Magic, a tout de même eu les honneurs d'une présentation en compétion au Festival de Cannes 2008, où il a d'ailleurs reçu à juste titre un accueil très chaleureux.
Plantant son décor dans les quartiers pauvres de Singapour, My Magic raconte l'histoire d'un père qui, afin de regagner la confiance de son fils, va renouer avec son passé à travers son ancier métier, celui de prestidigitateur. Mais il va par là même devenir l'objet d'une cynique exploitation de la part de son employeur qui entretient des liens avec la mafia locale et voit en lui une poule aux oeufs d'or. De par ses plans majoritairement fixes et ses décors très restreints, My Magic laisse transpirer à chaque séquence la modestie de son budget et flirte au premier abord d'un peu trop près avec le genre rébarbatif de la chronique sociale démonstrative. Mais les apparences sont parfois trompeuses. Si le magicien et son fils se débattent bel et bien contre des conditions de vie misérables, le véritable intérêt du film repose avant tout sur la manière dont ils vont peu à peu se reconnecter l'un à l'autre, se retrouver après des années à vivre côte à côte comme des étrangers. My Magic relie misère sociale et misère affective pour finalement raconter une histoire aussi simple que touchante, celle d'une réconciliation et d'un sacrifice.
Véritable prestidigitateur et ami de longue date du cinéaste, Francis Bosco a pleinement participé à l'écriture de son personnage. Il impressionne non seulement par son maniement du feu mais aussi par sa présence, par l'empathie qu'il inspire immédiatement dans le rôle de ce paumé en quête de rédemption. La réalisation tout en douceur ne se compromet jamais dans la recherche de scènes lacrymales faciles et dessine les émotions des personnages avec une grande pudeur, jouant sur la dualité presque naïve de l'univers du film. Ainsi, à la violence sordide et à la cruauté encaissées au quotidien par le magicien, qui explosent d'ailleurs le temps d'une séquence de torture presque insoutenable, s'oppose la pureté des sentiments du petit garçon, imprégnant le film d'une émotion diffuse qui atteindra son paroxysme lors d'une dernière séquence d'un onirisme et d'une poésie inattendus. C'est précisément là que réside la véritable magie du film, dans cette capacité à faire poindre la lumière dans un océan de noirceur.