Nine
Le 05/03/2010 à 14:26Par Elodie Leroy
Sur le papier, Nine avait tout pour faire rêver : un casting somptueux, des costumes et des décors ambitieux et un sujet propice à faire poindre le drame tout en gardant la légèreté de mise dans une comédie musicale. Pourtant, Rob Marshall ne parvient pas à reproduire le coup d'éclat de Chicago et signe avec Nine un divertissement honnête mais sans saveur, naviguant entre joutes dansantes inspirées et choix visuels de mauvais goût. Un film à voir uniquement pour son casting glamour san rien attendre de plus.
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CRITIQUE NINE
Il y avait de quoi se réjouir rien que d'imaginer une comédie musicale avec le grand Daniel Day-Lewis entouré d'un casting féminin prestigieux puisque comprenant entre autres Nicole Kidman, Penelope Cruz, Marion Cotillard, Judi Dench ou encore Sophia Loren. Rien que ça. Le nom de Rob Marshall derrière la caméra n'était pas non plus pour déplaire, le souvenir de son flamboyant Chicago oscarisé en 2003 nous faisant presque oublier le trop anecdotique Mémoires d'une Geisha qu'il signa par la suite. En somme, sur le papier, Nine avait tout pour faire rêver, d'autant que les moyens employés sont à la hauteur des ambitions, entre les décors de l'intérieur du studio et les costumes somptueux portés par les comédiennes. Pourtant, la sauce ne prend qu'à moitié. L'utilisation des scènes musicales pour exprimer l'univers intérieur de Guido Contini (Daniel Day-Lewis), cinéaste renommé has been et séducteur incorrigible, était en soi une bonne idée. Mais pour un film qui repose sur une mise en abyme du cinéma comme reflet de la propre vie du personnage principal, Nine manque singulièrement d'onirisme. La faute à une réalisation sans grande inspiration et un traitement artistique trop banal, à commencer par la photographie qui tente vainement de reproduire l'effet d'une scène de Broadway, pour un effet variable allant du joliment factice au franc mauvais goût.
Si l'esthétique s'avère donc très inégale, à l'instar de la partition musicale, Nine est de justesse sauvé par son casting. Disons-le tout de go, le seul et unique personnage à bénéficier d'une écriture digne de ce nom est Guido, interprété avec une certaine profondeur par Daniel Day-Lewis. Et ce même si Nine révèle peut-être son seul point faible en tant qu'acteur : il ne sait absolument pas danser ! Ce qui est tout le contraire de certaines de ses partenaires, que l'on prend véritablement plaisir à retrouver tout au long du film. Chacune se voit ainsi allouer un moment de gloire à travers une scène musicale, la séquence la plus ludique s'avérant être le show de Kate Hudson, qui exploite joliment le format scope pour conférer au film l'ampleur et l'énergie dont il manque par ailleurs. Mais la limite d'un tel casting est que Rob Marshall se repose entièrement sur l'aura de ses comédiennes, les personnages dont il est question n'ayant finalement qu'un intérêt limité, si ce n'est de donner vie à une succession de stéréotypes féminins (la figure maternelle, l'amante passionnée avec une cervelle d'oiseau, la diva fatiguée de sa condition, l'épouse éplorée et culpabilisatrice, etc.). A force d'être placées sur un piédestal, toutes ces femmes paraissent désincarnées et ne dégagent pas la sensualité qu'elles devraient.
En dehors de leur numéro respectif, les actrices traversent donc le film comme autant de coups de vent, un parti pris qui n'est pas dénué d'une certaine logique puisque l'histoire est celle d'un homme fuyant qui, peut-être parce qu'il a perdu sa flamme d'artiste (et d'amoureux), s'apitoie constamment sur son propre sort sans égard pour son entourage. Le seul personnage féminin récurrent demeure Luisa Contini, interprétée par Marion Cotillard, qui apparaît sporadiquement tout au long du métrage. L'actrice écope du rôle le plus ennuyeux de tous, celui de l'épouse éplorée venant plomber l'ambiance avec des jérémiades trop clichées pour être émouvantes. La capacité pourtant naturelle de la comédienne française à inspirer l'empathie n'y fait rien, on s'ennuie ferme à chacune de ses interventions - à l'exception peut-être de sa scène musicale, où elle s'avère plutôt bonne chanteuse.
Profitons-en pour passer un petit coup de gueule contre les Golden Globes qui ont accordé une nomination pour le prix d'interprétation féminine dans un « premier rôle » à Marion Cotillard pour ses quinze à vingt minutes d'apparition à l'écran... Certes, même si le rôle nous a ennuyé, nous nous réjouissons de la voir obtenir une fois encore une reconnaissance internationale. Mais imaginer un seul instant qu'une Luisa Contini puisse être considéré comme un premier rôle rien que parce que celui-ci s'accompagne de l'adjectif « féminin » est assez consternant. Aurait-on imaginé l'année passée voir Pierce Brosnan nominé au Golden Globe du premier rôle masculin pour Mamma Mia ? Non car il s'agissait bel et bien d'un second rôle (en l'occurence lui aussi partagé avec tout un tas d'autres) derrière un premier rôle féminin. A l'heure où les actrices peuvent enfin prétendre au statut de têtes d'affiche (et il aura fallu le temps !), on ne peut s'empêcher de voir dans cette confusion entre premier rôle féminin et second voire sixième rôle du film une dévalorisation de leur statut.
Première publication le 27 janvier à 17h26