Nos Souvenirs Brûlés
Le 29/01/2008 à 08:05Par Caroline Leroy
A l'heure où son film Brothers est en train de faire l'objet d'un remake aux Etats-Unis, la réalisatrice danoise Susanne Bier voit son premier film américain sortir sur nos écrans. Drame intimiste traitant dans un premier temps de la difficulté de surmonter la disparition d'un être cher, Nos Souvenirs Brûlés s'oriente peu à peu vers le thème plus large de la guérison. Celle d'une femme anéantie par la mort soudaine de son mari, à laquelle vient se greffer le chaotique retour à la vie d'un homme marginalisé par sa toxicomanie. Bien que la réalisatrice tente tout au long de son film de lier ces deux destins, à partir du moment où Audrey (Halle Berry) recueille le meilleur ami de son mari défunt, Jerry Sunborne (Benicio Del Toro), force est de constater qu'elle est nettement plus juste lorsqu'elle s'intéresse à la souffrance de ce dernier qu'à celle de son héroïne. Ce déséquilibre dans le traitement psychologique et cinématographique des deux personnages principaux condamne rapidement le film à échouer dans son objectif premier, celui d'atteindre à l'universalité des sentiments.
Le principal souci de Nos Souvenirs Brûlés tient à son parti-pris de mise en scène, aussi prompt à ravir les uns qu'à exaspérer les autres. Adepte du dogme, Susanne Bier s'attache à coller au plus près de ses personnages - trop près sans doute. A force de multiplier les gros voire très gros plans sur les yeux, la bouche, les mains, les doigts de pieds et à peu près toutes les parties du corps et du visage de Halle Berry, elle désamorce rapidement tout sentiment d'empathie pour le personnage tant cette proximité est imposée, assénée de force, détournant peu à peu l'attention du profond désarroi d'Audrey. Plutôt que la suggestion, la cinéaste opte pour une forme de pudeur artificielle, irritante la plupart du temps car parfaitement redondante avec le propos du film. A l'inverse, elle aborde avec une finesse remarquable le mal-être de Jerry, happé dans la spirale de la déchéance et méprisé par celle qui lui tend la main. C'est donc vers l'entourage d'Audrey, et tout particulièrement vers Jerry que le regard se tourne pour ne plus le quitter. C'est aussi le personnage de Jerry qui permet aux autres d'exister, d'émouvoir : le développement de la relation complexe qu'il entretient avec la fille aînée d'Audrey, Harper (Alexis Llewellyn), offre certains des moments les plus poignants du film. Plus étonnant encore, le personnage-même du mari décédé, Brian (David Duchovny), apparaît plus humain et plus touchant à travers le regard de son ami que de celui de son épouse.
Si Susanne Bier avait mis autant de retenue à dépeindre la lente remontée à la surface d'Audrey qu'elle n'en met à faire vivre le personnage de Jerry à l'écran, avec ses hauts et ses bas, Nos Souvenirs Brûlés aurait été le film d'une vraie rencontre d'acteurs. Au lieu de cela, Halle Berry se retrouve peu à peu à servir de faire-valoir à Benicio Del Toro, malgré les efforts très lourds de la réalisatrice - et elle sait filmer - pour obtenir l'effet inverse. On la remerciera tout de même d'avoir offert à l'acteur l'un de ses plus beaux rôles. C'est bien simple, il n'a sans doute jamais été aussi bouleversant.