Scott Pilgrim vs The World
Le 01/12/2010 à 10:45Par Michèle Bori
Imaginatif, rythmé, généreux, drôle, original, s'inspirant pêle-mêle des codes du cinéma, du jeu-vidéo et de la BD, Scott Pilgrim vs. the world est un OFNI (objet filmique non identifié) qui séduira les amoureux de grands délires cinématographiques autant qu'il lassera un public peut-être peu enclin à un tel mélange des genres. Le Speed Racer de 2010 en quelque sorte, en plus fun et moins pompeux.
Découvrez ci-dessous la critique de Scott Pilgrim vs the World.
Critique Scott Pilgrim vs the World
Avant le film Scott Pilgrim, il y avait Scott Pilgrim le comic-book. Romance chevaleresque à la sauce geek écrite et dessinée par Bryan Lee O'Malley, cette série en six volumes raconte comment Scott Pilgrim, un jeune canadien dans la vingtaine, va devoir affronter sept démons pour pouvoir sortir avec la fille de ses rêves, la troublante Ramona Flowers. Une histoire tout simple (en apparence) qui a d'abord séduit son lectorat grâce à un style visuel, une narration et un humour bien particuliers. Grand amateur de pop-culture, le réalisateur Edgar Wright s'est bien vite jeté sur l'adaptation de cette BD, y voyant sans doute un terrain de jeu propice à quelques expérimentions visuelles qui lui trottaient dans la tête. Et après les deux moments de bonheur qu'étaient Hot Fuzz et Shaun of The Dead, inutile de dire que Wright était attendu au tournant par de nombreux fans tombés sous le charme de l'univers ultra référencé du Britannique. En adaptant Scott Pilgrim vs. the world, Wright tente de brosser ce public-là dans le sens du poil et nous offre certainement le film le plus ouvertement geek vu depuis longtemps. Croisement improbable entre le cinéma, le jeu vidéo et la BD, Scott Pilgrim risque en ce sens de diviser les spectateurs : d'un côté ceux qui, comme nous, rentreront complètement dans le délire visuel et auditif du film, et de l'autre, ceux qui décrocheront une fois passé le premier quart d'heure, lassés de côté par ce mélange des genres frôlant parfois l'ingestion.
Si vous avez vu la bande-annonce de Scott Pilgrim vs. the World, vous savez clairement à quoi vous attendre. Coloré, déjanté, musical et inventif, l'univers de Scott Pilgrim est aussi généreux qu'il est segmentant. Difficile en effet de regarder ce film sans se dire qu'il apparaitra comme un gros foutoir totalement puéril pour quiconque n'aurait pas un minimum la fibre geek. Mais pour les autres : quel pied ! Avec sa mise en scène multipliant les idées de découpage et de montage, sa narration clairement héritée des jeux vidéos (le film se présente comme un enchaînement de sept affrontements pouvant être apparentés à des "niveaux" de plus en plus difficiles), sa bande-son surchargée à l'extrême et ses clins d'œil répétés à une certaine culture pour moins de 35 ans, Scott Pilgrim est une orgie sensitive de sons et de lumières qui donne irrémédiablement la banane. On peut parfois penser à Speed Racer des frères Wachowsky qui, il y a quelques années, avait tenté pareil challenge. Sauf que le film de Wright dispose de quelques atouts que n'avait pas son aîné, à savoir l'humour, le fun et des acteurs parfaits dans leurs rôles, de Michael Cera à Mary Elizabeth Winstead, en passant par Kieran Culkin, Chris Evans (parfait dans son imitation de Hugh Jackman) et Brandon Routh.
Quelques petits plus font que contrairement à Speed Racer, Scott Pilgrim ne semble jamais chercher à filmer plus haut que sa caméra. Et au final, il en résulte 1h30 d'audace visuelle qui nous laissent avec des plans pleins les yeux et confirment que Wright est avant tout un amoureux d'images voulant faire plaisir à un public qui, comme lui, pense que le septième art peut parfois s'inspirer de médias plus jeunes pour offrir quelque chose de nouveau, aux confluents des genres. Robert Bresson disait qu'il existe deux sortes de films : ceux qui emploient les moyens du théâtre et se servent de la caméra afin de reproduire, et ceux qui emploient les moyens du cinématographe et se servent de la caméra afin de créer. Scott Pilgrim vs. the World fait indubitablement partie de la seconde catégorie.
Article publié le 25 octobre 2010