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The Master : un film décevant et passionnant à la fois !

Le 28/11/2012 à 16:07
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Notre avis
7 10 Si les trois comédiens principaux du film sont absolument brillants ; si la mise en scène de Paul Thomas Anderson est l'une des plus audacieuses qu'on ait vue cette année ; et si le film est ponctué çà et là de séquences magistrales, difficile d'écrire que The Master fait partie des plus grandes œuvres de son réalisateur. Ce serait peut-être même plutôt l'inverse ... Une déception donc, mais pas inintéressante pour autant. Découvrez ci-dessous notre critique de The Master de Paul Thomas Anderson.

The Master : la critique du film

The Master : la Critique (2013)

 

Lorsqu'on est fan de Paul Thomas Anderson et qu'on va voir un film qui s'appelle The Master, on se pose forcément une question différente des autres spectateurs : qui est vraiment ce fameux "Master" du titre ? Le "Maître de cérémonie" du film, incarné par Philip Seymour Hoffman, sorte de projection cinématographique d'un célèbre gourou américain dont on taira le nom pour éviter d'attirer ici ses fidèles les plus accros au spammage de forums ? Ou alors le réalisateur lui-même, qui nous offre ici, à nous ses disciples-cinéphiles, sa dernière prêche pelliculée… En 16 ans de carrière et seulement cinq films (sans compter le dernier), PTA s'est forgé à grand coups de chef d'œuvres une aura d'auteur/entertainer unanimement reconnue. Finis les comparaisons avec Scorsese ou Altman, Paul Thomas Anderson est aujourd'hui considéré comme un réalisateur ayant sa propre "vision du monde", un metteur en scène à la fois faiseur et penseur qui n'a plus besoin de filmer dans les traces de ses aînés pour prouver qu'il a des choses à raconter. Son dernier film en date, The Master, s'affiche d'ailleurs clairement dans la lignée des précédents, avec ces mêmes interrogations sur le rêve américain, sur l'appartenance à un groupe et sur la recherche d'une figure paternelle supérieure - le thème le plus récurrent dans la filmo du bonhomme. Mais The Master est également un film sur la déception. La remise en question. Le doute. Des sentiments qui ont trouvé un écho chez l'auteur de ces lignes …

 

The Master : Critique (2013)

 

Si les trois comédiens principaux du film sont absolument brillants et parviennent à nous épater à chaque réplique ; si la mise en scène de PTA – qui a bien évoluée depuis Boogie Nights – est l'une des plus audacieuses qu'on ait vue cette année ; et si le film est ponctué çà et là de séquences tour à tour poignantes (le premier interrogatoire de Freddie), troublantes (la "discussion" entre Lancaster et sa femme dans la salle de bain), envoutantes (la première apparition de Martha), voire même choquantes (les scènes avec Doris), difficile d'écrire que The Master fait partie des plus grandes œuvres de son réalisateur. Ce serait peut-être même plutôt l'inverse, tant il est vrai que ce film nous aura laissé avec un petit goût d'inachevé dans la bouche. Une déception qui est bien sûr la conséquence de l'énorme attente suscitée par le projet audacieux (de par son cast, son réalisateur et son sujet) mais aussi par le constat que PTA semble s'orienter vers un cinéma plus abscons que jamais.

 

Punch Drunk Love, aussi réussi soit-il, avait amorcé un changement assez radical dans la note d'intentions narrative de PTA. Un changement qui se faisait encore plus ressentir dans le controversé There Will Be Blood, adoré par certains, mais qui avait "ennuyé" pas mal de spectateurs, certainement déboussolés par cette succession de tableaux où seule l'émotion créée par la performance des comédiens semblait primer. The Master pousse l'expérience d'un cran encore. Plus heurté, plus sauvage, plus intellectualisé aussi, et donc clairement moins fluide, moins sensitif qu'un Magnolia - où PTA parvenait sans peine à tenir le spectateur pendant 3 heures sans le lâcher une seconde – The Master navigue sur un  rythme étrange, pas toujours des plus agréables. Le résultat n'est pas inintéressant, loin de là, mais il arbore une pose très expérimentale. Trop expérimentale sans doute, d'autant plus que les 2h17 de métrage sont baignées dans une ambiance "déphasée" qui n'incite pas forcément à l'empathie : l'histoire est racontée via le prisme d'un personnage timbré (et pas très sympathique), le score de Johnny Greenwood joue à outrance la carte du contrepoint et PTA s'amuse sans doute trop avec les attentes du spectateur – attentes hélas pas toujours récompensées - pour permettre à ce dernier d'adhérer totalement à son récit. Il en résulte une œuvre un tantinet opaque, qui semble raconter beaucoup de choses … et pas grand-chose à la fois.

 

Mais …

 

The Master : Critique (2013)

 

Mais si c'était ça, en fait, le but de Paul Thomas Anderson ? Revenons à ce que nous disions plus haut, comme quoi le Master du titre n'était pas Lancaster, mais Anderson. Ou plutôt, Anderson qui se met dans la position de Lancaster. Peut-on imaginer qu'en multipliant à l'écran les effets de manches grandiloquents, les scènes aux intentions divergentes et les grandes phrases à la profondeur toute relative, le réalisateur de Magnolia ait volontairement créé la même relation entre lui et ses spectateurs que celle qu'il existe entre ces deux personnages centraux ? C'est une éventualité. Mais dans ce cas-là, cela remettrait considérablement en perspective le véritable message de The Master. Un message à mettre en parallèle avec le rapport qu'entretient PTA avec son métier, son œuvre et ses fans.

 

Inconsciemment, il se pourrait qu'Anderson se soit rendu compte que son statut de "maître" du cinéma  pourrait, à terme, le rendre plus proche d'un T.J. Mackey (Tom Cruise dans Magnolia) ou d'un Daniel Plainview (Daniel Day Lewis dans TWBB) que des Jim Kurring (John C. Reilly dans Magnolia) et Barry Egan (Adam Sandler dans Punch Drunk Love) pour qui il a une affection particulière. C’est-à-dire, plus proche d'un manipulateur d'émotions salué pour ce qu'il dit, que d'une personne honnête aimée pour ce qu'elle est. Un drame pour celui qui, depuis plus de 10 ans, parle essentiellement de la déception provoquée par une figure supérieure (père, mère père de substitution, Dieu …). Dès lors, de la même manière que The Master ne dénonce pas tant l'œuvre des "gourous" que l'importance qu'on leur accorde (d'où, ce fameux test de Rorschach au début du film), PTA évoque ici la portée de son travail et, par extension, son rôle moral en tant qu'auteur/réalisateur. Ces hommes dont on attend qu'ils montrent la voie, qu'ils viennent explorer l'âme de leurs personnages pour nous permettre d'appréhender nos propres questionnements. Une responsabilité lourde à porter, surtout si l'on veut rester sincère. Avec The Master, PTA enverrait un message à ceux qui s'en remettent à lui (ou, plus généralement, au cinéma) pour les faire réfléchir, leur expliquant que la parole d'un artiste n'est pas une finalité en soit, mais un point départ pour de nouvelles questions. Ici, comme Lancaster Dodd, il ne ferait que nous dire : "Above all, I am a man. Just like you". Si tel était le cas, ce qu'on choisira de croire, il se pourrait que The Master soit l'œuvre la plus sincère de son réalisateur. La moins évidente également. La plus trouble, la plus imparfaite. Bref, la plus humaine …


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