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Wendy et Lucy

Le 07/04/2009 à 22:33
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Notre avis
8 10 Un joli film de femmes avec la sensibilité du regard de la cinéaste et l’humilité d’une actrice au sommet. Le genre de révélation qui donne beaucoup avec trois fois rien.

Critique Wendy et Lucy

Pas grand-monde ne s'était précipité pour découvrir Old Joy en salle il y a deux-trois ans et pour cause : personne n'en a entendu parler. Ceux qui l'avaient vu, en revanche, étaient tombés de leur chaise. Ça racontait l'histoire de deux mecs paumés dans la région des sources chaudes qui se rendaient compte arrivés à l'âge de raison qu'ils avaient épuisé tout ce qui restait de leur amitié. Résultat : l'un des plus beaux films du cinéma indépendant US de ces dernières années. Wendy et Lucy réitère cet exploit avec une telle discrétion qu'il risque de passer sous le radar. Il tient aussi de la confession intime, du secret murmuré. La différence, c'est que, cette fois-ci, la réalisatrice Kelly Reichardt observe une femme comme elle et non plus deux hommes (son regard faisait justement la force de son précédent long métrage). Tout juste revoit-on Will Oldham, l'un des deux acteurs de Old Joy, au détour d'une scène, comme une réminiscence fantomatique.

 

Critique Critique Wendy et Lucy

 

Le «road-movie» est un genre qui apparaît en période de grands bouleversements, et donc de grandes incertitudes. L'errance est censée y symboliser la recherche des réponses que les personnages pensent toujours trouver plus loin devant eux parce qu'ils n'ont plus rien à attendre de ce qu'ils laissent derrière. C'est le côté sombre. La destination de Wendy, c'est l'Alaska, Eldorado de terre promise. Tout déraille lorsque Lucy, son chien, disparaît. Sans que ce soit dit, ni même surligné avec une dramatisation excessive, les rôles s'inversent : Wendy devient le chien ivre d'amour qui aboie avant de parler. C'est le double fictionnel de la réalisatrice mais aussi de l'actrice Michelle Williams, fleur fanée devenue androgyne, hantée par l'absence de l'homme et aujourd'hui de Heath Ledger.

 

Critique Critique Wendy et Lucy

 

A l'écran, il ne se passe a priori rien, ou si peu : une errance, des rencontres spectrales, des micro-événements. Influencée par le néoréalisme italien (un individu désarmé face aux injustices sociales), Kelly Reichardt, connue pour avoir collaboré avec Hal Hartley et Todd Haynes, a pris pour habitude de construire des fugues avec trois fois rien et beaucoup d'empathie. Alors que l'on pouvait craindre que cette cinéaste creuse une veine behaviouriste héritée du cinéma des Dardenne et autres Lodge Kerrigan (Keane) avec opportunisme, elle transcende l'argument, en tire quelque chose d'indéfinissable, proche de la grâce. Surtout, elle saisit l'air du temps.

 

A l'arrivée, au-delà de son inconsolable tristesse et de sa solitude nue, son cinéma rend compte du besoin impérieux des laissés-pour-compte de se perdre dans la nature et de prendre des trains aux destinations inconnues pour se retrouver. On ne va pas vous mentir: l'art de Wendy et Lucy ne rime pas avec gaudriole hystérique et éclats pétaradants. Mais le combat de l'héroïne pour conserver une dignité et une humanité dans ce monde de conjonctures touche comme un crève-cœur. Ceux qui aiment ce que l'on voit trop peu souvent (les monologues muets, la mélancolie de plomb, le temps suspendu, les quêtes silencieuses, le cafard des lendemains blafards, les larmes qui ne coulent pas et les chemins caillouteux) peuvent espérer un grand moment.

 








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