Tokyo Girl Cop
Le 11/02/2009 à 08:37Par Caroline Leroy
Une super-héroïne qui réduit ses adversaires au silence à l'aide d'un yo-yo, voilà un concept qui semble tout droit échappé d'un manga. Et pour cause. Tokyo Girl Cop, ou Yo-Yo Girl Cop sous son appellation internationale, est la toute dernière adaptation de Sukeban Deka, un manga à succès de Shinji Wada publié au Japon entre 1976 et 1982. Porté à l'écran au cours des années 80 sous la forme d'une série live éponyme puis d'un long métrage dans lesquels l'actrice Yuki Saito prêtait ses traits à la téméraire et bagarreuse Saki Asamiya, le titre est ressuscité en 2006 par Kenta Fukasaku, le réalisateur controversé d'un Battle Royale II de triste mémoire. La jeune délinquante infiltrée au lycée sur ordre gouvernemental revêt cette fois l'apparence de Aya Matsuura, l'actrice Yuki Saito se contentant d'une caméo clin d'œil dans le rôle de sa mère. Matsuura est à peu près inconnue du public cinéphile, mais pas vraiment de la jeunesse locale. A l'instar de ses jeunes partenaires féminines dans le film, Rika Ishikawa (qui joue sa rivale Reika Akiyama) et Yui Okada (son amie Tae Konno), elle est une idole révélée au sein du célèbre Hello ! Project, sorte de pendant féminin de la Johnny's Jimusho qui règne sur l'industrie de fabrication d'idoles masculines japonaises. Si l'on ajoute à ce casting peu crédible le souvenir des piètres compétences de directeur d'acteurs du fils de Kinji Fukasaku sur Battle Royale II (dont les pauvres Riki Takeuchi et Shûgo Oshinari avaient notamment fait les frais), il y a de quoi craindre le pire en abordant Tokyo Girl Cop. Le résultat des courses n'est pas aussi catastrophique que ces appréhensions légitimes amènent à le croire, même si certains soupçons en viennent inévitablement à se confirmer.
Navigant entre le polar d'action et le school drama si cher aux mangakas et scénaristes japonais, Tokyo Girl Cop parvient à maintenir l'attention durant à peu près tout le déroulement de son histoire rocambolesque. Le prétexte invoqué pour immerger de force la jeune délinquante dans l'ambiance lycéenne importe finalement assez peu. L'introduction du film est plutôt ratée et ne sert qu'à annoncer la couleur du côté de l'emballage du produit : à savoir une réalisation digne d'un téléfilm et une direction d'acteurs parfaitement inégale, à l'image du jeu de Aya Matsuura, tantôt assuré, tantôt à côté de la plaque. En agent du gouvernement cynique mais attachant, Riki Takeuchi se montre autrement plus convaincant que dans BR II et c'est déjà ça. Le rythme étant au moins aussi soutenu que dans un drama, on ne s'ennuie pas en découvrant ce milieu scolaire rongé par les persécutions en tout genre et hanté par d'étranges individus peu recommandables. Avec son histoire de site internet qui recueille les confidences des lycéens maltraités pour les inciter à se libérer par le suicide, Kenta Fukasaku se frotte au Suicide Club de Sono Sion sans lui arriver à la cheville, mais Tokyo Girl Cop a suffisamment vite fait de bifurquer vers le n'importe quoi pour qu'on ne s'en offusque pas. L'interprétation minimaliste et nonchalante de Shunsuke Kubozuka (le frère cadet de Yôsuke Kubozuka, presque aussi dérangé que lui), la caméo amusante de Tak Sakaguchi sont autant de petites satisfactions qui aident à supporter jusqu'à un certain point le manque d'ambition artistique évident de l'ensemble - et accessoirement le jeu catastrophique de Yui Okada.
Mais à mesure que le temps passe, il est fatalement un moment où l'on se prend à imaginer ce qu'aurait pu être un tel projet, aussi farfelu soit-il, entre les mains de quelqu'un d'autre. De Hideaki Anno par exemple, dont le Cutie Honey est autrement plus énergique et décomplexé; ou encore de Ryuhei Kitamura, dont le goût pour le délire visuel s'associe à une solide maîtrise de la réalisation. On pense fatalement à Kitamura durant la scène d'action affreusement pauvrette que nous sert Fukasaku en guise de climax. Il aurait fallu son imagination et son audace pour rendre crédible cet improbable combat de yo-yo (!) entre Aya Matsuura et Reika Ishikawa. Revêtues pour l'occasion de leurs tenues les plus sexy, elles n'en paraissent que plus misérables tant la mise en scène s'acharne à mettre en exergue la lenteur et la maladresse de leurs mouvements. Un constat d'autant plus amer qu'il y avait là vraiment matière à produire un spectacle original et enthousiasmant.