Zack et Miri font un porno
Le 08/09/2010 à 12:10Par Arnaud Mangin
Comédie romantique revue et corrigée par Kevin Smith, Zack et Miri font un porno étale la finesse légendaire du cinéaste au service d'un détournement sans retenue d'une réelle efficacité. Injurieux, grossier, sexy, vulgaire et même scato, le film accumule finalement des qualités qui s'annoncent d'elles-mêmes !
Sortie DVD et Blu-Ray : 6 octobre 2010
Malgré sa popularité aux Etats-Unis, le nom de l'acteur/réalisateur/producteur/scénariste Kevin Smith reste relativement inconnu en France, et ce malgré tout de même le succès de Dogma. En résulte une distribution totalement hasardeuse de ses films en France, certains franchissant la barrière du grand écran, parfois des chanceux (l'excellent Clerks 2), parfois des carrément mauvais (le récent Top Cops). Toujours est-il que son opus de 2008, Zack et Miri font un porno souffre du même symptôme médiatique. Un symptôme qui relève ici de l'injustice caractérisée puisque le film figure parmi les grandes réussites du réalisateur. Légèrement en dessous de son improbable chef d'œuvre Jay et Silent-Bob contre-attaquent, certes, Zack et Miri s'impose comme une comédie romantique d'une tenue savoureusement borderline, assumant perpétuellement la vulgarité de son sujet, manipulée avec brio.
En fait, Zack et Miri font un porno se sert - ou se joue gentiment - du cinéma de Judd Appatow. En lui empruntant une partie de son casting, la caractérisation du vulgos classe et passe-partout ainsi qu'une assimilation à la morale à la fois posée mais pas assénée de façon cléricale. Mieux encore, il se débarrasse de ce qui est lourd chez son voisin (films trop longs, rythme déclinant, désamorçage du burlesque) pour mettre de sérieuses louches de sa patte immature. Et chez Smith (comme chez ses copains Trey Parker ou Sacha Baron Cohen), la vulgarité est un atout, même une qualité ! En partant de son postulat un peu con-con, où deux colocataires mixtes qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts essaient de faire fortune en montant un porno amateur avec leurs amis, le réalisateur va jusqu'au bout de son idée en y allant sans retenue. Au programme donc, une liberté de langage outrancier (avec une mention spéciale pour Justin Long, en roue libre), des délires graphiques et une normalisation des déviances sexuelles jusqu'à en faire un univers cohérent. Même l'héroïne principale, icône de la douceur et de la pureté, revendique expressément ses envies de baiser.
Smith pose donc son univers là, dans un monde où le cul est un concept à lui seul, joyeusement exploité et détourné en dévoilant quelques aspects de cette industrie via son ton de geek légendaire. Et le résultat est drôle, très drôle même. De part les ficelles scénaristiques utilisées, nous renvoyant un peu à celles d'un Full Monthy, de ses situation incongrues (les fans de Star Wars vont être servis), comme de sa palette de personnages réellement ravagés. C'est surtout là que l'on reconnait l'univers communautaire de Smith, vouvoyant un peu celui de Captain Orgazmo, où l'on retrouve l'énorme Jason Mewes (le chevelu du duo Jay et Silent Bob) en excentrique rouleur de mécaniques dont le corps est autant open que sa tête est vide.
Autant d'ingrédients qui font du film, sans mauvais jeu de mot, un joyeux bordel d'une efficacité quasi-constante. Son absence sur les grands écrans français est d'autant plus incompréhensible, là où bon nombre de très mauvais produits de la même catégorie franchissent nos frontières sans difficulté. Zack et Miri font un porno a au moins le mérite de réévaluer les aprioris que l'on peut parfois avoir pour les produits direct-to-vidéo.