Bill Nighy, l'interview Rock'n Roll
Le 06/05/2009 à 11:31Par Michèle Bori
De passage à Paris pour la promotion de Good Morning England, nous avons pu le rencontrer. Comme vous allez le constater, après quelques questions de mise en bouche, la conversation a vite bifurqué vers une discussion autour du Rock'n Roll. Ca tombe bien, c'est l'élément central du film de Curtis !
Quelques années après Pirates des Caraïbes, vous revoilà à tourner sur un bateau !
Oh mon dieu, qu'est ce que c'est compliqué ! Surtout d'un point de vue logistique en fait, car il faut se dire que ce genre de tournage nécessite que 140 personnes se rendent sur un bateau tous les jours... et on se sent vite à l'étroit à 140 sur ce genre de rafiot ! Mais heureusement, passer plusieurs semaines en mer avec des mecs comme Nick Frost ou Philip Seymour Hoffman rend le temps beaucoup moins long. Et il faut dire aussi que Richard Curtis a su installer une atmosphère de travail très décontractée qui a rendu le tournage en mer au final très agréable.
Comment a évolué la relation entre les membres du casting durant le tournage ?
Vous savez, les acteurs sont habitués à rencontrer des gens nouveaux, travailler avec eux, et puis se dire "au revoir" dans des laps de temps très réduits et en essayant de bien s'entendre. Ceux de ce film étaient plutôt bons pour ça ! Aucun d'eux n'était carriériste, ou ne cherchait à tirer la couverture sur lui. Ils étaient drôles, gentils ... et démocrates. (rires) Beaucoup d'entre eux sont des acteurs de comédie à la base. Et contrairement aux acteurs dit "classiques", ils sont ouverts à l'improvisation. Ils sont super marrants, alors pourquoi se priver ? C'est d'ailleurs une des différences principales qu'il y a avec Love Actually, où nous ne faisions "que" de jouer les dialogues qui étaient écrits. Sur ce film, Richard Curtis nous a encouragés à improviser, à aller chercher des choses qui n'étaient pas sur le papier.
Vous êtes content d'avoir eu une scène avec plein de femmes nues ?
Je pense qu'elles étaient 30 ou 35, totalement nues pour ce passage ! Et on a refait cette scène encore et encore et encore ... Mais elles étaient charmantes. Avec de très beaux corps et de très beaux seins. Je ne me suis jamais autant rincé l'œil que ce jour-là ! C'était une expérience très bizarre, très frustrante : se retrouver comme ça dans une pièce pleine de femmes nues... c'était une première pour moi en tout cas, je devrais peut-être sortir plus souvent.
Quel écho moderne voyez-vous dans ce film ?
Le film est très moderne dans son fond, ce n'est pas une œuvre nostalgique ou un film pour vieux cherchant à raviver le souvenir d'une époque révolue. Les thèmes y sont universels. Good Morning England parle d'amitié et d'amour de la musique. Et quelle musique ! Il doit y avoir 54 morceaux, dont certains font à mes yeux parti des meilleures chansons jamais écrites. Des chansons qui ont traversées le temps. Pas besoin d'avoir connu les années 60 pour les apprécier. Et vous savez, contrairement à ce que pensent les marketeux, les jeunes aiment voir des vieux se tourner en dérision. C'est pourquoi, à mon avis, le film parlera et saura toucher la jeune génération.
Etiez-vous un fidèle auditeur de radio Caroline ?
Oui, comme presque tout le monde à cette époque-là vu que cette radio avait 22 millions d'auditeurs en Angleterre ! Ca fait presque un anglais sur deux, rendez-vous compte ! Radio Caroline était la seule radio où l'on pouvait entendre du rock'n roll, du rythm and blues ou de la soul music, des genres musicaux interdits ailleurs, en particulier sur la radio nationale la BBC. Les radios pirates ont donc été une bénédiction pour tous ceux qui voulaient écouter cette "nouvelle musique"... Hendrix, les Rolling Stones, les Who, les Small Faces, les Kinks, tous ces groupes ont vraiment marqué la naissance d'un genre.
Avez-vous rencontré des animateurs de radio Caroline pour préparer le film ?
Oui, car notre consultant était Johnny Walker, un grand DJ de Radio Caroline à l'époque, qui a écrit un livre qui a beaucoup aidé Richard Curtis pour le scénario du film. J'ai aussi rencontré Dave Cash, un autre des DJ. Récemment, à l'occasion d'une tournée en Australie, j'ai pu rencontrer quatre des animateurs de Radio Caroline, qui étaient australiens. Ils m'ont dit qu'ils étaient tous fans du film, car Good Morning England parle, comme le dit dans une scène Philip Seymour Hoffman, du "meilleur moment de leur vie" (ndla : en VO, "the time of their lives"). Cette expérience les a vraiment marqués.
Vous reconnaissez-vous dans les personnages du film qui se cachent pour écouter la radio ?
Oh oui ! Je ne pouvais pas cacher ma radio sous mon oreiller, car ma radio devait faire environ un mètre de haut... mais je me suis souvent relevé le soir après que mes parents se soient couchés pour aller allumer le poste et écouter du rock avec le volume au minimum !
Vous êtes fan de rock donc ?
Oui, j'aime le rock et j'adore la soul music. Dans les années 60, les blancs se sont mis à écouter de la musique "de noirs". Même en Angleterre, c'est vous dire ! Et moi, j'adorais ce nouveau son, celui de Led Zeppelin, des Stones ... je crois que mon artiste préféré, celui qui a le plus eu d'importance dans ma vie, dans les bons comme dans les mauvais moments, c'est Bob Dylan.
A propos de musique, j'ai noté quelques-uns des morceaux présents dans la BO du film. Je vais vous dire les titres et à vous de me dire la première chose à laquelle ils vont font penser !
Ca marche.
All Day and All of the Night, des Kinks.
Les Kinks sont géniaux. C'est du pur R'nB. You really got me est un des meilleurs morceaux de nouveau rock jamais enregistré. Tellement funky !
Jumping Jack Flash, des Rolling Stones
Je me souviens d'une anecdote en rapport avec cette chanson. J'avais 21 ans, et j'avais été invité à une soirée à la campagne, au milieu d'une ferme. Et en arrivant, ils passaient ce morceau. Alors j'ai bondi en dehors de la voiture, j'ai atterri sur le dancefloor et j'ai dansé toute la nuit. Bon, j'étais pas tout à fait clean... mais à l'époque, Jumping Jack Flash me rendait dingue ! Pour moi, les Stones sont les plus grands.
Vous avez vu Shine a Light à ce propos ?
Oui, j'ai trouvé ça magnifique, un bel hommage au groupe. Je suis heureux qu'un film les montre tel qu'ils sont aujourd'hui, à 60 ans passés, car ils sont encore brillants.
Et avez-vous pu rencontrer Keith Richards durant le tournage de Pirate des Caraïbes ?
Oui, j'ai eu cette chance. C'était une étrange rencontre, car je ne savais pas quoi lui dire ce jour-là. Je suis un de ses plus grands fans ! En fait, je savais que je n'avais rien de spécial à dire, juste à être moi et me comporter comme avec n'importe qui d'autre. Mais je n'ai pas réussi, et j'avais juste envie de le harceler : "Merci, merci, merci...merci pour le bonheur que vous m'avez apporté". C'est probablement ce que tout le monde doit lui dire, et il doit en avoir marre je pense ! Finalement j'ai juste pris une photo avec lui. (rires)
Alors on continue : I Feel Free, de Cream.
Quel beau morceau, si doux... J'ai lu une interview d'Eric Clapton qui disait qu'au moment d'enregistrer cette chanson, il ne l'aimait pas. Il la trouvait trop "pop". C'est un peu vrai... mais pour de la pop, c'est sacrément cool !
My Generation, des Who.
Ca c'est un pur morceau aussi ! Lorsqu'il dit "Why don't you all f-fade away" en trainant sur le F de "fade", c'était carrément cool dans les années 60, car on savait qu'il avait envie de dire "fuck off" au lieu de "fade away". J'adore les Who aussi, Keith Moon était un génie.
The Wind Cries Mary, de Jimi Hendrix.
Une des mélodies les plus mélancoliques jamais enregistrée. C'est une chanson si mystérieuse ... et en plus, elle a une résonnance toute particulière pour moi, puisque ma fille s'appelle Mary.
Father and Son, de Cat Stevens.
Cat Stevens a vraiment écrit de très belles chansons. Celle-ci fait parti des plus belles. Dans Good Morning England, les morceaux sont très bien intégrés au film, surtout celui-là, qui intervient à un moment où les paroles prennent toutes leurs significations.
Nights in White Satin, de Moody Blues.
Ah... je n'aime pas trop cette chanson. Elle ne m'inspire rien de spécial. J'aime bien les premiers albums des Moody Blues en fait. J'aime bien la chanson Go Now, qui est une reprise de Bob Dylan. En fait, je trouve qu'une fois que Clint Warwick et Denny Laine partis (le second pour former les Wings), la poésie et les paroles n'étaient plus aussi efficaces.
A Whiter shade of Pale, de Procul Harum.
Ca me rappelle une autre anecdote. Je m'étais cassé de chez mes parents quand j'avais 16 ans, j'avais décidé de prendre la tangente. Et je me suis retrouvé à Paris, loin de chez moi vu que c'était la première fois que je partais seul de la sorte, dans un pays étranger qui plus est. Me voilà donc à Paris, dans une boutique, un vendeur de disque... et il passe cette chanson. A cet instant précis, en écoutant les paroles, j'ai vraiment eu le mal du pays. Je me disais que quelque chose était en train de se passer en Angleterre, et moi je n'y étais pas.
Wouldn't it be nice, des Beach Boys.
Une chanson qui me donne envie de chanter ! Et entêtante avec ça ! Peut-être ce que Brian Wilson a fait de mieux.
Let's Dance, de David Bowie
Quel morceau encore une fois ! Quelle perfection ! Je me souviens avoir vu un concert de Bowie, retransmit en live à la télévision. Bowie est un garçon réservé, mais lorsqu'il se met à bouger, à danser... des rockers, c'est sans doute celui qui a le plus le sens du rythme. Lorsqu'il bouge sa jambe, mon dieu, c'est tellement funky !
Et si vous deviez faire la bande-originale de votre vie, on pourrait y trouver quels titres ?
Hum... c'est intéressant comme question. Il y aurait surement quelques premiers titres des Rolling Stones, comme 2120 South Michigan Avenue, Empty Heart, Confession the Blues. Il y aurait Drive my Car des Beatles, Ain't that particular de Marvin Gaye, Come see about me par Jr. Walker and the All Stars... Des chansons de Bob Dylan bien sûr : Girl From the North Country, Mama You been on my Mind, Like a Rolling Stone, Bob Dylan's Dream. Anyway, Anihow, Anywhere des Who aussi. I Never Loved a Man The Way I Love You d'Aretha Franklin. Stone Free par Jimi Hendrix. Ballerina, I'll Be Your King et Crazy Face par Van Morrisson. Stage Fright par The Band. N'importe quelle chanson d'Eric Clapton ! Et une dernière pour la route : Sign on the Window de Bob Dylan.
Sacrée BO ça !
Yeah !
Propos recueillis par Pierre Delorme.
Remerciements à Jean-Pierre Vincent, Sophie Saleyron... et à toute l'équipe de Microfilms.