Interview A bout portant : Nicky Naudé
Le 01/12/2010 à 18:40Par Arnaud Mangin
A bout portant est sans conteste le thriller d'action évènement de la semaine, d'autant plus qu'il est français ET réussi. Gilles Lellouche y passe le film à courir, fuyant la police ainsi que de dangereux tueurs. Interprète de l'un des bad guys principaux du film, Nicky Naudé s'est illustré dans de nombreux rôles physiques au cinéma comme dans Les Rivières pourpres, Le Pacte des loups, Hitman, Total Western, Arsène Lupin ou La Mémoire dans la peau, mais également dans des registres plus dramatiques dans des films plus intimistes ou à la télévision. Autant de performances qui en font un comédien multi-facettes et ce dernier a accepté de parler avec nous de la position du "méchant de service" dans le cinéma d'action.
Comment êtes-vous arrivé sur le projet ?
Il existe des petits stages pour comédiens que l'on appelle le training d'acteurs auxquels il m'arrive d'assister et Fred Cavayé, qui a réalisé le film, y était présent en tant qu'intervenant. Pour l'occasion il m'avait fait jouer un morceau de Pour Elle dans lequel je reprenais le rôle de Vincent Lindon et le feeling est passé immédiatement. Pendant un an on s'est donné des nouvelles l'un de l'autre en se promettant que l'on ferait le suivant ensemble. Il a tenu parole. L'expérience du tournage fut vraiment difficile sur un plan physique, Fred nous demandant énormément chaque jour. Mais comme c'est un collaborateur agréable, un metteur en scène talentueux, et quelqu'un avec qui on accroche sur le plan humain, je garde un souvenir très positif du tournage !
C'est effectivement un rôle très physique et nous sommes habitués à vous voir dans ce type de personnage. Vous a-t-il choisi pour cet aspect en particulier ?
La première fois que nous avons discuté, il m'a confié qu'il m'avait déjà vu quelque part sans savoir où précisément. Je lui ai cité des exemples de films dans lesquels j'ai participé, et lorsque je suis arrivé à La Mémoire dans la peau, dans lequel je joue le rôle de Castel qui fait un corps à corps avec Matt Damon, il a flashé immédiatement. Il adore la trilogie Bourne, plus particulièrement le premier film, et il n'arrête pas de me parler de ça. Lorsqu'il me présente à des gens, il cite toujours ce film ! Par ailleurs ça l'a vraiment rassuré par rapport au personnage qu'il m'avait proposé puisqu'il était nécessaire que le physique puisse suivre. C'est un personnage qui a vraiment sa place au sein de l'intrigue et dont les performances physiques sont justifiées parce qu'il est très ambivalent.
C'est encore un méchant !
Malgré lui, je dirais... Ce n'est pas un enfant de cœur, mais c'est un homme de main. C'est-à-dire quelqu'un qui a fini par se faire manipuler et convaincre par une personne au dessus de lui, sans foi ni loi, que c'est dans leur intérêt de commettre des actes graves. C'est une chose que l'on n'a pas le temps de comprendre dans un film comme celui-ci, parce que les états d'âmes de certains seconds rôles ne sont pas au cœur du sujet, mais il y a forcément une raison à tout ça. Qu'est ce qui pousse un type à devenir un tueur en obéissant à des consignes aberrantes ? D'autant plus que je l'ai pensé et imaginé comme quelqu'un se posant malgré tout certaines limites. Il est même choqué par certaines choses auxquelles il assiste. Un exécutant n'est sans doute pas foncièrement un méchant dans l'âme, mais simplement quelqu'un au service d'une cause. Même si elle n'est pas noble.
Au cinéma, un homme de main du côté des méchants est souvent de la chair à canon puisqu'il est là pour être éliminé par le gentil. Comment aborde-t-on cet aspect en tant qu'acteur et comment lui-donne-t-on un maximum de profondeur ?
Il faut prendre totalement part à l'histoire dans laquelle cet homme évolue. Je lis tout d'abord le scénario, je me fais une idée générale de l'intrigue et après je fais une proposition au réalisateur concernant mon personnage. Si elle lui convient, il n'y a plus qu'à tourner et se laisser diriger par son metteur en scène. Mon personnage fait partie d'une équipe et je m'imprègne des autres membres de cette équipe. A Bout portant, ce n'est pas un film très causant, un peu comme le cinéma de Melville, et chez Melville on se souvient des seconds couteaux parce qu'ils dégagent quelque chose de fort. Aujourd'hui, il y a tellement de films où un héros rentre dans une pièce et tue tout le monde sans qu'on ait eu le temps de voir quelle tête avaient les gars : je trouve ça dommage. J'en ai joué (pas mal) des bad guys comme ça, donc je commence à être un peu rôdé, et je comprends surtout que ce sont eux qui font exister les premiers rôles. D'ailleurs, quel que soit mon rôle, quel que soit l'importance de ma participation dans un film, je l'interprète toujours comme si j'avais le premier rôle. Il faut servir l'histoire et être à son service. Parce que si l'on reste dans un coin, les bras ballants en se disant "De toute façon, j'ai qu'un second rôle", ça se verra. Je suis content car aujourd'hui on me voit de plus en plus dans différents rôles, qui ne se résument pas uniquement à des bad boys de service. Mais il est vrai que jouer les méchants est toujours assez jouissif !...
C'est souvent ceux dont on se souvient le plus.
Parce qu'un méchant au cinéma doit avoir une "gueule" en plus de commettre des horreurs. L'un ne va pas sans l'autre. Par exemple, dans Les Incorruptibles de Brian De Palma, il y a un tueur à gage qui fini balancé d'un toit par Kevin Costner. C'est un second rôle, mais c'est probablement l'un des personnages les plus charismatiques du film. Ce n'est "qu'un tueur", mais ce type là, on s'en souvient ad vitam aeternam.
Il y a une chose que l'on sait moins, c'est que vous avez également des envies de mise en scène et que vous préparez un long métrage qui s'inscrit également dans une tradition du cinéma de genre. Pouvez-vous nous en parler ?
Ca fait longtemps que je désire aussi réaliser, donc actuellement quand je ne joue pas, j'en profite pour écrire mon projet de long. Je cible effectivement ce genre de cinéma viscéral. Ce sera un film qui s'intéressera à l'intimité d'une famille de gangsters, un film de chair, un film d'hommes et de femmes parce j'ai envie de parler du quotidien de la vie de ces gens-là. Evoquer que ce n'est pas facile d'être la femme d'un gangster, aborder le milieu sur un plan multi générationnel, sur le destin de gens qui ont un père et un grand-père issu de la voyoucratie. Je le conçois comme un film choral, qui comportera des scènes d'action, mais elles serviront l'histoire avant tout. Mais le poumon de tout ceci sera la relation entre deux frères. L'un sera interprété par moi-même et j'espère bien que Gérard Lanvin incarnera mon frangin pour l'occasion. C'est un homme entier, que je respecte profondément pour sa nature et son travail. Pour le reste de cette famille j'écris en ce moment à différentes personnes comme Cécile de France, Marc-André Grondin et Philippe Nahon qui avait déjà participé à ma première réalisation de court métrage L'Ancien. Je vais tout faire pour que ce projet voie le jour en 2012...
Photos : Shannon Naudé