FilmsActu.com

Interview de Benoît Magimel (Mon Pote)

Le 02/12/2010 à 14:51
Par
Interview de Benoît Magimel (Mon Pote) Alors que Les Petits Mouchoirs cartonne dans les salles, Benoît Magimel est déjà de retour avec Mon Pote, où il partage l'affiche avec Edouard Baer. Il incarne un détenu qui parvient à convaincre le directeur d'un journal de l'engager. C'est le début d'une histoire d'amitié entre les deux hommes.

Nous avons rencontré Benoît Magimel qui, en plus de nous parler de Mon Pote et de son personnage, nous livre quelques éléments de ses méthodes de travail, en plus de revenir sur quelques films phare de sa carrière tels que La Fille Coupée en Deux de Claude Chabrol, Le Roi Danse de Gérard Corbiau et Nid de Guêpes de Florent Siri. Entretien avec un acteur doué au registre éclectique.


Filmsactu.com : Qu'est-ce qui vous a touché dans le personnage de Bruno et dans cette rencontre entre deux homme très différents l'un de l'autre ?

Benoît Magimel : J'ai surtout aimé l'histoire d'amitié. L'histoire est aussi inspirée de faits réels, ce qui apporte une dimension supplémentaire et ma conforté dans la nécessité de faire ce film. Mon personnage, Bruno, est extrêmement attachant. On a toujours montré les voyous comme des personnes torturées, avec beaucoup de noirceur, et Bruno est au contraire un personnage lumineux, souriant, plutôt léger malgré la lourdeur de son passé. Il y a aussi cette rencontre, cette histoire d'un homme qui tend la main à l'autre sans réfléchir, sans savoir qu'il va bouleverser la vie de l'autre, que je trouvais très touchante. A la fin de la lecture du scénario, j'avais le sourire. Je l'ai lu en même pas 24 heures et j'ai tout de suite appelé Marc, pour lui dire que j'avais été touché et que je voulais faire partie de l'aventure.

 

Interview de Benoît Magimel (Mon Pote)

 

On devine que le passé de Bruno va le rattraper et l'on s'attend à ce que le film sombre dans le drame. Pourtant, il conserve sa légèreté de ton. Etait-ce intentionnel dès le départ ?

Bien sûr. C'est une volonté de Marc. Il parvient à nous faire aimer tellement fort les personnages que l'on se sent bien. Il crée une intimité dans leur rapport qui apporte à l'histoire une dimension universelle. Les temps sont durs, tout le monde galère, et Marc nous propose un cinéma qui vous amène un peu de soleil, de bonheur, et vous explique que la vie n'est pas toujours noire et tragique. Il n'y a pas que de la merde en banlieue, il se produit aussi de bonnes choses. De même, il y a des prisons catastrophiques et des centres de détention où cela se passe autrement. Evidemment, ce n'est pas un film sur la prison. C'est un film sur l'amitié. Les histoires d'amitié m'ont toujours plu au cinéma et je me suis retrouvé dans cette histoire.

 

L'histoire est-elle très romancée par rapport à la réalité ?

Comme dans le film, Marc Esposito s'était rendu dans un centre de détention pour parler de son métier et un détenu à bel et bien glissé un mot dans sa poche, lui demandant s'il pouvait l'engager dans son journal - il travaillait à l'époque pour Première. En sortant, il a lu la lettre. Il a accepté et ils sont devenus potes. Aujourd'hui, Jean-Luc Levesque travaille toujours dans un magazine. Je crois qu'il s'agit d'un journal de bateau. Il est toujours marié à la même femme et son fils joue dans le film. Il s'en est donc vraiment sorti. Evidemment, les dialogues ont été écrits pour le film et la partie du casse est romancée : je ne suis pas sûr que Marc ait pu faire cela.

 

Interview de Benoît Magimel (Mon Pote)

 

Avez-vous rencontré Jean-Luc Levesque avant de jouer son rôle dans le film ?

Non, je ne l'ai rencontré qu'à la fin du tournage, quand il est venu nous rendre visite. Selon moi, ce n'était pas une nécessité. Tout était dans le scénario. C'est toute la différence avec un personnage historique que tout le monde s'est approprié, et pour lequel on ressent le besoin de faire des recherches. En plus, aujourd'hui, Levesque doit avoir une cinquantaine d'années, donc je n'aurais pas forcément retrouvé le modèle que j'aurais aimé avoir. S'il avait eu mon âge, j'aurais peut-être été curieux de voir comment il s'habillait, comment il était. Mais dans son cas, ce n'était pas nécessaire. En revanche, son regard était extrêmement important. Quand on a eu fini le film, j'étais très anxieux à l'idée de lui déplaire ou que le personnage ne reflète pas ce qu'il était, même si je savais qu'il faisait bien la part des choses. Mais je crois qu'il a plutôt apprécié.

 

Aviez-vous peur en le rencontrant avant le tournage de ne pas pouvoir construire librement votre version du personnage ?

Non, pas vraiment. Peut-être que si j'avais débuté dans ce métier, cela aurait pu me perturber. Mais aujourd'hui, cela ne m'inquiète pas. Quand j'ai joué Alfred de Musset ou Louis XIV, j'avais la trouille. J'avais conscience que je m'attaquais au Patrimoine français. Tout le monde a imaginé Musset, tout le monde l'a lu, donc je les avais un peu à zéro. Avec Louis XIV, je me sentais déjà un peu mieux. C'est surtout pour Musset que j'étais très impressionné. Mais avec l'expérience, on s'inquiète de moins en moins. A un moment donné, il faut évacuer tout ça pour laisser sa propre interprétation prendre le dessus. D'autre part, on travaille avec soi, avec son corps, avec sa voix, donc il faut apprendre à se faire confiance. Il est bon d'amasser énormément d'informations, de s'en nourrir, et puis il vient un moment où il faut tout envoyer valser pour se libérer. Malgré vous, vous vous êtes tellement imprégné de ces informations que tout ressort naturellement. Quand j'ai fait Le Roi Danse, j'ai dû prendre des cours de danse baroque pendant la préparation, et je me suis entraîné trois mois pour apprendre les entrechats et exécuter les chorégraphies. Mais j'ai appris qu'on progressait beaucoup plus en prenant le temps de s'arrêter de temps en temps qu'en cherchant à travailler à tout prix tous les jours. Il faut savoir marquer des pauses au cours desquelles on ne fait plus rien qui ait à voir avec ce que vous êtes en train de travailler. Vous oubliez tout et une fois que vous reprenez, comme par miracle, vous vous apercevez que vous avez tout assimilé, que tout est évident. C'est une méthode de travail que je recommande. En tout cas, elle marche très bien pour moi.

 

Interview de Benoît Magimel (Mon Pote)

 

Connaissiez-vous bien Edouard Baer avant de faire le film ?

Nous avions déjà fait un court métrage ensemble il y a une quinzaine d'années, mais nous nous étions perdus de vue. Nous nous sommes vraiment découverts sur ce film. Nous avons beaucoup travaillé avec Marc sur le scénario et les dialogues, afin de rajouter des choses ou préciser certains traits des personnages. Marc s'est montré très ouvert. Quant à Edouard, c'est un grand bosseur. Derrière cette incroyable décontraction qu'on lui connait, cette facilité à placer toujours le bon mot au bon moment, c'est aussi quelqu'un qui travaille énormément. Il n'y a pas de secret. Gardez à l'esprit qu'à chaque fois que vous le voyez faire quelque chose qui vous semble naturel et facile, il y a énormément de travail derrière.


Comment avez-vous travaillé la démarche et la voix de Bruno pour le rendre crédible en tant qu'ex-détenu ?

Je dois dire que j'ai beaucoup mis de moi dans ce personnage. Je n'irai pas jusqu'à dire que je me suis reconnu, parce que je ne suis pas un voyou, je n'ai pas l'expérience de la prison. J'ai en revanche des amis qui ont eu quelques difficultés de parcours. J'ai essayé d'imaginer, avec mon expérience de vie, quel type de personnage il fallait dessiner. Quand vous êtes un gaulois en prison, il faut tout simplement vous faire respecter. C'est la loi du plus fort qui prime. Toutes les prisons ne sont pas des coupe-gorges, mais il faut quand même s'imposer. De même, quand vous êtes dans une cité, il faut être bien entouré, mais au final c'est aussi celui qui a les plus grosses épaules qui se fait respecter. Je me suis dit qu'un un Blanc, un "gaulois" comme lui, devait avoir de l'expérience. Il a forcément dû pratiquer un sport de combat et n'a plus rien à prouver. Mais au début du film, il est un peu empâté parce qu'il est usé, sachant c'est son troisième séjour en prison. J'ai imaginé que pendant les deux précédents, il faisait de la musculation et qu'il était toujours sur le taquet, mais qu'à ce stade, il est en train de baisser les bras. Il en a marre. Un peu comme les sportifs de haut niveau ou les boxeurs, qui s'entraînent sans relâche et font énormément de concessions en s'astreignant à des régimes draconiens. Quand ils arrêtent leur carrière, ils se relâchent. Ils n'ont plus envie de se battre. C'est trop dur. C'est pareil pour Bruno. Il n'a plus envie de se battre. Il est dans la prison, il dort 24h sur 24 et il a juste besoin d'un petit coup de main pour s'en sortir. C'est comme ça que je l'ai imaginé.

 

Interview de Benoît Magimel (Mon Pote)

 

Il y a une scène où il montre sa violence.

Oui, parce que sa collègue se fait bousculer et à ce moment-là, le bonhomme se réveille en lui : il ne comprend pas l'attitude de l'autre, ce n'est pas comme cela qu'il a été élevé, et tout d'un coup, cette violence ressort. Le pire, c'est que cette réaction le met en danger, notamment vis-à-vis de Victor qui l'a engagé. Je trouvais que cette scène apportait de l'enjeu et j'ai demandé à Marc de montrer qu'il avait cette capacité à réagir très rapidement. Il fallait montrer qu'il n'était pas encore tiré d'affaire, mais aussi qu'il avait survécu jusqu'ici grâce à cette capacité. Par contre, pour ma part, je serais incapable de faire ça. Ce n'est pas mon genre. Je serais plutôt celui qui tente de tempérer la situation et de calmer les gens. C'est pour ça que c'est du cinéma. D'ailleurs, c'est une des raisons pour lesquelles les voyous fascinent autant : ils ont cette liberté que tout le monde aimerait avoir et ils profitent de la vie au maximum. Faire un braquage comporte tellement de risques, puisque que vous vous exposez à prendre dix ou quinze ans, que lorsque vous êtes en liberté, vous en profitez à fond. C'est ce que nous voulions montrer. Ces gars-là ne sont pas des taciturnes. Ce sont des bons vivants, des gens comme vous et moi, sauf qu'ils font un autre métier. Bruno n'a pas de sang sur les mains, il est plutôt réglo dans ce qu'il fait. Il vole des voitures, il aide de temps en temps à braquer une banque, mais il n'y a jamais de cadavre.

 

Quel genre de réalisateur est Marc Esposito avec ses acteurs ?

Il est très délicat, très respectueux, presque trop. J'ai dû lui dire à plus d'une reprise qu'il pouvait se détendre et venir nous voir sans avoir peur de nous déranger. C'est quelqu'un d'attentionné et de sensible. Je l'avais rencontré brièvement dans un festival il y a une dizaine d'années. Il présentait alors son documentaire sur Patrick Dewaere, et quand j'ai vu le film, je me suis dit qu'il devait être quelqu'un de bien. Le film dégageait une sorte de délicatesse, de pudeur. Marc est quelqu'un de pudique et c'est quelque chose que j'apprécie beaucoup. C'est aussi un très bon metteur en scène. Il œuvre pour notre confort en travaillant avec trois caméras en permanence, ce qui nous met très à l'aise. On sait que si quelque chose se produit, ce sera dans la boîte.

 

Interview de Benoît Magimel (Mon Pote)Nid de Guêpes de Florent Siri

 

 

Y a-t-il des scènes dont vous gardez un souvenir particulier ?

Oui. Piloter une Formule 1 était un grand moment pour moi.

 

Vous l'avez vraiment pilotée ?

Bien sûr ! C'était très dur. Je ne sais pas si vous vous y connaissez mais vous avez les Kart, ensuite il y a la Formule Ford, puis la Formule 3 et enfin la Formule 1. Imaginez que la Formule 1, à côté de la Formule 3, c'est comme le lièvre et la tortue. Piloter une Formule 1 est très impressionnant. A peine vous allumez le moteur que ça hurle. Vous êtes allongé dans la voiture, à trente centimètres du sol et vous avez des harnais pour vous protéger. Le démarrage est très compliqué et une fois que vous êtes parti, ça fait mal ! Les sensations sont incroyables. Vous êtes à 240, et quand vous rétrogradez, vous vous retrouvez en deux secondes à 30. C'est de l'adrénaline pure. Pour vous donner un exemple, j'ai fait 25 tours et c'est au bout du 14e que j'ai commencé à me sentir bien et à savourer. Une fois que vous avez bien le circuit en tête, vous pouvez y aller. Pour ceux qui, comme moi, aiment les voitures, faire cette expérience est une chance. Mais c'est accessible à tous. Il faut dépenser un peu d'argent mais vous pouvez faire des stages de Formule 1.

 

Interview de Benoît Magimel (Mon Pote)Le Roi Danse de Gérard Corbiau

 

 

En général, qu'est-ce qui vous pousse vers un rôle ? Cherchez-vous à retrouver une part de vous ou au contraire à vous éloigner de vous-même ?

J'ai très longtemps cherché des rôles qui s'éloignaient beaucoup de moi. Je n'avais pas envie de travailler avec ma personnalité ou de mettre ma vie en avant. J'ai aussi toujours essayé de faire des choix très différents d'un film, qu'il s'agisse de jouer un roi de France, un ouvrier dans des mines de charbon, un voyou ou un fils de dandy. Faire des grands écarts m'a toujours plu. Par exemple, dans La Fille Coupée en Deux de Chabrol, je jouais un gamin insupportable. Je m'amuse avec ces rôles-là. J'aime l'exubérance et j'aime jouer.

 

Qu'en est-il des films d'action ? Vous en avez déjà quelques uns à votre actif.

J'adore. C'est toute mon enfance. En France, on a le savoir-faire qu'il faut, mais il nous manque juste un peu de moyens. Cela dit, quand je fais un film comme Nid de Guêpes, je suis très fier. C'est un film qui dépote. D'ailleurs, Bruce Willis l'avait remarqué et avait demandé à Florian Siri de réaliser Otage. Je n'ai pas de registre de prédilection. J'aime les films de genre, les films d'action, les films intimistes. De temps en temps, j'aime aussi faire un petit film qui fait réfléchir. Je cherche à travailler avec des metteurs en scène différents et je ne veux pas m'enfermer dans une case, tout simplement.

 

Les Petits Mouchoirs remporte actuellement un énorme succès. Pensez-vous que cela aura un impact sur votre carrière ?

Je suppose. Cela aura forcément un impact. Les succès ont toujours un peu d'impact, tant sur le plan personnel que professionnel. J'ai été ravi de faire ce film. C'est hallucinant qu'il marche aussi bien. Il est d'excellente qualité mais nous sommes tous un peu dépassés par son succès. On en mesurera l'impact un peu plus tard.

 

Propos recueillis par Elodie Leroy






Depuis 2007, FilmsActu couvre l'actualité des films et séries au cinéma, à la TV et sur toutes les plateformes.
Critiques, trailers, bandes-annonces, sorties vidéo, streaming...

Filmsactu est édité par Webedia
Réalisation Vitalyn

© 2007-2024  Tous droits réservés. Reproduction interdite sans autorisation.