Interview de Lamberto Bava
Le 13/07/2009 à 06:59Par Yann Rutledge
Sa relation avec son père, Mario Bava
Mon père était quelqu'un d'unique, aussi bien en tant que père de famille qu'en tant que réalisateur. Bien que je travaillais en tant qu'assistant sur ses tournages, il savait que je voulais également devenir réalisateur. Pour m'aider il m'a alors proposé de l'aider à écrire pour lui et à m'occuper de la seconde équipe. Je crois d'ailleurs que la première fois que j'ai été à la tête d'une seconde équipe c'était à Paris. En 1970, je crois. On tournait en Espagne pour un film dont seul le titre espagnol me revient : Un'accetta per la luna di miele (Une hache pour la lune de miel alias Il rosso segno della follia). Une partie du film se déroulait à Paris, je suis monté donc avec une petite équipe pour y tourner quelques plans. Le rôle d'un assistant c'est de regarder. Regarder pour apprendre. Ma technique tient ainsi un peu de mon père et en même temps elle a quelque chose de différent.
Son entrée au cinéma
Quand gamin j'allais sur les tournages de mon père, j'étais très timide. Toute cette équipe m'intimidais. Mais lorsque j'ai eu 15-16 ans, j'ai passé un été avec mon père sur un péplum, Gli invasori (NDLR : La ruée des Vikings, 1961) et c'est sur ce tournage que je me suis dis que peut-être je pouvais faire quelque chose dans le cinéma. Deux ans plus tard, je ne me souviens plus comment ni pourquoi, j'ai commencé à travailler avec mon père en tant que second assistant, puis de fil en aiguille, en 1965 sur La Planète des vampires je suis passé premier assistant. J'ai également travaillé par la suite avec d'autres réalisateurs : Dario Argento sur Inferno et Ténèbres ainsi que Ruggero Deodato sur Le dernier monde cannibale. J'avais pas mal travaillé aussi dans la publicité. Pendant 8-10 ans. Je suis passé par tous les postes, de l'assistanat à la production puis réalisateur. Je crois que c'est très important de travailler dans la publicité. C'est une école qui t'apprend la gestion du rythme. Par exemple pour le marché allemand j'ai fais de petits spots de sept secondes. Pour raconter une histoire en sept secondes, il faut du talent. Puis en 1980,j'ai eu l'occasion de réaliser mon premier long métrage en 1980, Baiser Macabre avec Pupi Avati à la production.
A propos de Dario Argento
J'ai rencontré Dario par l'entremise de Daria Nicolodi sa compagne d'alors. Mon père avait travaillé avec elle sur le téléfilm La Vénus d'Ille d'après Prosper Mérimée et Shock. Nous allions souvent chez eux parler de tout et de rien, de cinéma et plus particulièrement de cinéma fantastique. Dario m'a un jour tout simplement demandé si je voulais être son assistant. Ca c'est fait très simplement. D'ailleurs pour la petite histoire, mon fils (NDLR : Fabrizio Bava) a fait trois films en tant qu'assistant avec Dario (rires). De la même façon, un jour Dario m'a proposé de produire mon prochain film si je lui présentait une idée satisfaisante. J'en ai discuté avec mon ami Dardano Sacchetti (NDLR : scénariste aussi bien sur L'au-delà et Frayeurs de Luio Fulci que Les guerriers du Bronx de Enzo G. Castellari) et nous sommes revenus auprès de Dario avec trois idées. Il m'appelle dans la soirée et me dit que sur les trois, il aime beaucoup celle où des monstres sortent de l'écran et envahissent une salle de cinéma pour terroriser le public ado.
Bande annonce américaine de Démons
"Un bon film, c'est avant tout une bonne histoire"
Je pense qu'une même histoire peut être racontée de plein de manières différentes. Il y a autant de façons de raconter une histoire qu'il y a de réalisateurs. Aussi bien dans le cinéma fantastique que dans le cinéma "normal", je crois que le plus important dans un film c'est l'histoire qui est racontée. Un bon film c'est avant tout une bonne histoire. Je n'ai pas toujours été l'instigateur de mes films. J'ai toujours estimé tout au long de ma carrière que si quelqu'un me donnait un scénario et que je l'aimais, je le réaliserai. En ce qui concerne mon dernier film Ghost Son, c'est moi qui en ait eu l'idée. Mais parce que le personnage principal est une femme, j'ai préféré m'associer avec une femme-scénariste pour écrire le scénario.
Sa transition vers la télévision
A partir des années 80, il n'y avait presque plus de producteurs de cinéma, c'est alors la télévision qui a pris le relais. D'ailleurs en fin de chaîne de la vie d'un film, il y a toujours le marché vidéo puis la télévision. Je trouvais à l'époque qu'il n'y avait pas assez de fantastique à la télévision. Je voulais donner aux téléspectateurs la possibilité de voir du fantastique. J'ai par exemple fais La Caverne de la Rose d'Or avec Alessandra Martines qui a eu un grand succès aussi bien en Italie qu'à l'international. Mais ma façon de tourner est exactement la même quand je réalise un film pour le cinéma que pour la télévision. Pour la télé, je fais peut-être des gros plans plus marqués mais je tourne quand même en pellicule 35mm, avec des effets spéciaux, de grands décors, des chevaux, des bateaux etc... Pour la fantasy il faut voir les choses en grand ! Mais j'ai arrêté parce que les grandes chaînes de télévision ne me donnent plus les moyens financiers de réaliser mes propres projets. Je prépare en ce moment mon nouveau film, un vrai film de cinéma, que j'espère pouvoir tourner en automne.
Le cinéma fantastique actuel
Il y a aujourd'hui pas mal de pays qui produisent du bon cinéma fantastique. La France déjà, mais aussi l'Espagne (REC, L'orphelinat...), la Suède... J'aime également beaucoup les films asiatiques. J'étais il y a trois ans au festival de Pusan (NDLR : le plus important festival international du film en Asie) et tout le monde s'accordait d'ailleurs pour dire que le cinéma d'horreur asiatique emprunte énormément au cinéma d'horreur italien. Quant au cinéma américain, pas grand chose de neuf n'a été produit dernièrement. Enfin si, le premier Saw est pas mal. Mais ce que j'aime par-dessus tout au cinéma, c'est quand l'histoire est forte, originale. Ce qui n'a plus trop le cas aux Etats-Unis...
Son film préféré. Celui de son père.
C'est difficile de choisir un film... Pour un réalisateur, un film c'est comme un enfant. Il les aime tous sans exception. Mais s'il faut en choisir, je dirais Démons, La Caverne de la Rose d'Or et Ghost Son, mon dernier film. En ce qui concerne les films de mon père, sans aucun doute Les Trois visages de la peur, Opération peur et La Baie sanglante. Je suis toujours surpris de voir à quel point La baie sanglante a encore aujourd'hui beaucoup d'influence sur nombre de jeunes réalisateurs.