Cannes 2009 : Jour 3
Le 16/05/2009 à 12:07Par La Rédaction
La journée du vendredi au festival en 4 films, c'est ici, par écrit. Retrouvez également dans la vidéo les réactions des festivaliers à ces films ainsi que sur d'autres non chroniqués ici, comme le documentaire L'Epine dans le cœur de Michel Gondry...
Jane Campion peut se vanter d'être la seule femme de toute l'histoire du festival à avoir reçu une palme d'or en tant que réalisatrice, en 1993 avec La Leçon de Piano. Depuis, plus aucune nouvelle d'elle à Cannes. Elle revient donc en fanfare cette année avec Bright Star, une romance anglaise avec Ben Wishaw (Le Parfum), racontant l'histoire d'amour entre le poète John Keats et la jeune aristocrate Fanny Brawne. D'un classicisme indiscutable, Bright Star réunit tous les ingrédients esthétiques du genre, à savoir des costumes et décors soignés à l'extrême et une photographie magnifique. L'écrin est donc prestigieux, mais c'est le fond qui pose problème : il n'y a strictement rien d'original ici et les quelques thèmes un peu approfondis, comme les aléas de l'amour, n'ont pas la fraîcheur ou l'inspiration qu'un Stephen Frears pouvait leur donner dans le récent Chéri. A partir de là, il ne faut pas une demi-heure pour que l'ennui s'installe et les deux heures du film semblent passer au ralenti. Un phénomène assez fréquent dans les films présentés ces deux derniers jours à Cannes.
Après une parenthèse chinoise (Lust, Caution), Ang Lee est de retour aux Etats-Unis avec Taking Woodstock, pour nous raconter les coulisses du célèbre festival qui sur 3 jours rassembla tous les hippies fan de rock. L'histoire est donc celle de Elliott, le plus jeune directeur de la chambre de commerce que son minuscule village ait connu. Sautant sur l'opportunité de récupérer un festival de rock délaissé par un village voisin, il n'a pas idée que ce qui était prévu pour quelques milliers de visiteurs va devenir un évènement mondial en rassemblant plus d'un million...
Soyons clair : il n'y a rien de révolutionnaire dans Taking Woodstock, mis à part son casting où bon nombre de stars du cinéma indépendant américain ont accepté de participer même pour des petits rôles (Emile Hirsch, Paul Dano, ...). Néanmoins l'ambiance hippie baba-cool, la décontraction du récit, la solidité des acteurs (tous excellents, avec une mention spéciale à Liev Schreiber), et l'énormité de cette histoire extraordinaire arrivant à des villageois, rendent Taking Woodstock foncièrement sympathique. Il y aurait à redire sur la réalisation complètement plan-plan de Ang Lee, sur ses essais de split-screens qui ne servent à rien (un relent de Hulk ?), mais ce serait faire la fine bouche. Et surtout dans un festival qui jusqu'à présent ne nous a pas plus emballé que ça (à part avec Là-Haut).
Emile Hirsch et Ang Lee sur le tournage de Taking Woodstock
Film américain présenté à la Quinzaine Des Réalisateurs, Humpday part d'un postulat classique, à savoir l'intrusion dans la vie d'un couple d'un ami d'enfance du mari, mais s'avère plus original que prévu dans le traitement de ses thématiques. En effet, les deux hommes vont au cours d'une soirée arrosée se lancer un défi un peu particulier : tourner ensemble un film porno gay. Si le ton reste agréablement léger tout du long, se refusant à toute effusion mélodramatique même dans les scènes de ménage, Humpday n'en aborde pas moins avec une certaine finesse la fragilité du couple et de la notion de fidélité face aux frustrations personnelles de chacun. La cinéaste Lynn Shelton joue la carte du réalisme à travers une réalisation dépouillée mais porteuse d'un réel point de vue sur ses personnages, leurs pointes d'égoïsme, leurs préjugés. L'humour se révèle vite communicatif dans ce film rythmé par des dialogues savoureux et interprété par des un trio de comédiens très naturels et convaincants.
Nous avons réussi à nous incruster à une projection de The Descent : Part 2, présenté au Marché du Film. Suite directe de l'excellent The Descent, ce second opus n'arrive malheureusement pas à la cheville du film de Neil Marshall. Passons sur le fait que l'existence d'une suite mettant en scène la même héroïne ait pour grave inconvénient d'invalider le dénouement du précédent. De toute façon, The Descent : Part 2 se contente de reproduire bêtement les effets de claustrophobie qui ont fait le succès du premier avant de virer à l'hystérie collective. Exit la métaphore sur l'univers mental de l'héroïne, le propos sur la survie et le retour à l'état sauvage se voyant quant à lui amené sans aucune subtilité, voire avec vulgarité. Cela dit, il faut reconnaître que The Descent 2 se montre pour le moins généreux en matière de massacres gore. Ca s'arrache les boyaux, ça s'enfonce des perceuses dans la cervelle et ça écrabouille des têtes à qui mieux mieux, certains passages ayant à ce titre provoqué une véritable hilarité dans la salle lors de la projection. Une suite inutile, donc, et qui donne parfois davantage l'impression d'assister à une parodie qu'à un véritable film d'horreur mais qui s'avère tout de même presque divertissante.
Enfin, dans le cadre de CANNES CLASSICS, Martin Scorsese, invité d'honneur, venait présenter Les Chaussons Rouges, le chef d'œuvre réalisé en 1948 par Michael Powell et Emeric Pressburger, avec dans les rôles principaux Moira Shearer et Anton Walbrook. Un grand moment de cinéma dont l'inoubliable scène du ballet n'a pas fini de nous envoûter. Les Chaussons Rouges est un choix logique de la part de Martin Scorsese qui rappelons-le a grandement participé à faire redécouvrir le cinéaste majeur qu'était Michael Powell. La séance s'est déroulée en présence de Thelma Schoonmaker-Powell, épouse du cinéaste et monteuse attitrée de Scorsese.
Dans le compte rendu de demain, nous vous parlerons entre autres du film de Jacques Audiard Un Prophète...