Claude Chabrol (1930-2010)
Le 13/09/2010 à 13:00Par La Rédaction
C'est ce samedi que Claude Chabrol s'est éteint, des suites d'une maladie cardiaque. Une triste nouvelle tant Chabrol avait à la fois marqué le cinéma français de sa patte immédiatement identifiable, mais aussi car l'homme en lui-même s'était imposé comme une personnalité assez unique. Passionnant, très intelligent, éclectique dans ses goûts, Claude Chabrol faisait preuve d'une audace, d'un franc-parler, d'un regard acerbe sur les mœurs de notre société et d'un sens de la dérision, qu'on pourrait résumer à un excellent moment de télévision où, pour illustrer que le ridicule ne tue vraiment pas, il s'était mis une grande plume entre les fesses en plein prime-time devant les caméras.
Ses films parlent évidemment d'eux-mêmes : franchissant sans hésitation la barrière de la violence dans des moments de fulgurance (on se souvient tous du final de La Cérémonie, au fusil de chasse), Chabrol a développé une œuvre parlant des travers humains, de ses pires facettes, avec un regard social affuté. Il aura réalisé entre 1959 et 2009 pas moins de 57 films (dont trois sketchs) et 25 téléfilms, et joué dans 37 films.
Né le 24 juin 1930 à Paris, ce fils de pharmaciens passe sa jeunesse à Sardent, dans la Creuse, où ses parents l'envoient pendant la guerre, et où il tient un ciné-club. Revenu dans la capitale, il fait des études de droit, et surtout, fréquente les cinémas avec avidité - en particulier la Cinémathèque, où, sous le regard du fondateur Henri Langlois, il fait connaissance avec François Truffaut, Jean-Luc Godard, Jacques Rivette et les autres futurs membres de la Nouvelle Vague, qui, pour l'heure, explicitent leur vision du septième art dans la revue "Les Cahiers du cinéma". Attaché de presse à la Fox, il profite d'un héritage reçu par sa femme pour créer sa maison de production, finance le court-métrage "Le Coup du berger" de son compère Jacques Rivette, et, en 1959, réalise son premier long-métrage : "Le Beau Serge", avec Jean-Claude Brialy. Tandis que "Les 400 coups" de Truffaut et "A bout de souffle" de Godard sont dans les starting-blocks, la Nouvelle Vague est née.
Claude Chabrol tourne à toute vitesse, trop heureux de pouvoir appliquer lui-même ses principes de mise en scène détaillés en long et en large dans "Les Cahiers du cinéma". Son deuxième film, "Les Cousins", remporte l'Ours d'Or au Festival de Berlin, tandis qu'en 1960, "Les Bonnes femmes" est une photographie très juste de la jeunesse. Néanmoins, le réalisateur acquiert déjà cette réputation qui lui collera à la peau, celle d'un cinéaste ayant tendance à bâcler ses projets, et dont la carrière compte autant de hauts que de bas. Quoi qu'il en soit, il signe à la fin des années 70 une période majeure dans sa carrière, inspiré par sa muse, l'actrice Stéphane Audran, qu'il épouse en 1964 (ils divorceront en 1980). "Les Biches", "La Femme infidèle", "Que la bête meurt", "Le Boucher", "Juste avant la nuit" ou "Les Noces rouges" se révèlent, en effet, de purs chefs-d'oeuvre. Ces films noirs sont ancrés dans un milieu que l'auteur connaît bien, pour y avoir grandi, et dont la démythification et la satire deviendront sa marque de fabrique : la bourgeoisie.
En 1972, il signe un de ses plus grands succès populaires : "Docteur Popaul", avec Jean-Paul Belmondo. Continuant d'enchaîner les projets tous azimuts (sa filmographie compte dans les soixante-dix films, une grande partie ayant été tournée dans les années 60 et 70), il réalise en 1978 une nouvelle perle, "Violette Noziere", un drame sur le mystère d'une jeune empoisonneuse, avec Isabelle Huppert. D'autres films noirs font date dans les années 80 : "Les Fantômes du chapelier" avec Michel Serrault, "Poulet au vinaigre" et "Inspecteur Lavardin" avec Jean Poiret, "Masques" avec Philippe Noiret. En 1988, il offre un nouveau grand rôle à Isabelle Huppert, celui d'une femme pratiquant des avortements illégaux dans "Une affaire de femmes".
Le metteur en scène ralentit un peu son rythme de tournage durant la décennie 90. Après avoir filmé Isabelle Huppert en "Madame Bovary", il retrouve le goût du film noir en dirigeant Marie Trintignant dans "Betty", Emmanuelle Béart dans "L'Enfer", ou encore Isabelle Huppert, épaulée par Sandrine Bonnaire, dans "La Cérémonie", qui retrouve le niveau de réussite de ses grands films de jadis. Les années 2000 sont marquées par de jolies réussites, telles "Merci pour le chocolat", "La Fleur du mal" ou "La Demoiselle d'honneur", mais c'est surtout en 2009, "Bellamy" qui sort du lot, en marquant la rencontre avec une autre légende du cinéma français : Gérard Depardieu. Quoi qu'il en soit, même si ses thrillers sont souvent imparfaits ces dernières années, ils n'en restent pas moins savoureux, et sont toujours très attendus par la horde de fidèles de ce vrai grand du septième art. L'un des derniers vétérans de la Nouvelle Vague s'en est allé.
Filmographie (réalisateur au cinéma) :
- Le Beau Serge (1959)
- Les Cousins (1959 - Ours d'or du Festival de Berlin)
- À double tour (1959)
- Les Bonnes Femmes (1960)
- Les Godelureaux (1961)
- Les Sept Péchés capitaux (1962 – réal d'un sketch)
- L'