Sandman : bientôt la série télé ?
Le 02/09/2010 à 18:30Par Michèle Bori
Suite de contes (ou fables) étroitement liés, Sandman raconte les "aventures" de personnages dépeints comme des incarnation anthropomorphique du Destin, de la Mort, du Rêve (le Sandman, le "héros" de la saga), de la Destruction, du Désespoir, du Désir et du Délire. Des sortes de Dieux (mais pas vraiment), qui se mêlent à d'autres protagonistes issus de la culture populaire (Barbie par exemple, ou quelques super-héros), religieuse (Abel et Caïn), mythologique, voire carrément littéraire, pour parler de la vie, de la mort, du regret, des souvenirs et de beaucoup d'autres choses. Un concept assez abstrait sur papier, mais qui prend tout son sens sous la plume de Gaiman et sous les crayons de Mike Dringenberg, Sam Kieth, Kelley Jones, P. Craig Russell, Frank Quitely, Milo Manara ou encore Michael William Kaluta, quelques-uns des dessinateurs ayant participé à cette aventure qui a duré de 1989 à 1996, avant que Gaiman ne s'attaque au spin-off de la série, centré sur le personnage de Death, la soeur de Dream.
Mais pourquoi attendre aujourd'hui pour s'attaquer à une adaptation ? Petit retour en arrière. A l'occasion de la sortie en salles de Coraline, nous avions eu le privilège d'interviewer Neil Gaiman. A l'époque, nous lui avions demandé si une adaptation de Sandman était d'actualité. Voici ce qu'il nous avait répondu. "J'ai eu un long entretien il y a quelques mois avec les pontes de la Warner. Ils voulaient que je leur fasse un exposé sur Sandman, que je leur parle des personnages et des intrigues exploitables au cinéma. Je leur ai parlé pendant plus de 2 heures, en abordant tout ce qu'il y avait à savoir. A la fin, ils avaient l'air perdu et l'un d'eux m'a demandé : 'Mais ... qui est le méchant de l'histoire ? Parce que si la saga Harry Potter a eu autant de succès, c'est parce que le méchant était facilement identifiable.' Je leur ai alors expliqué qu'il n'y avait pas de grand méchant dans Sandman. Ils se sont regardés un instant, et m'ont dit qu'ils me recontacteraient."
Voilà qui nous amène directement au deuxième point que nous évoquions en introduction, ou pourquoi cette information nous a mis une boule au ventre. Lorsqu'on sait que les gens de chez Warner ne voyaient Sandman que comme une méthadone féerique à la saga Harry Potter qui prendra bientôt fin, on peut légitimement se dire qu'ils feraient mieux de ne pas y toucher. Extrêmement complexe et plutôt opaque pour quiconque n'aurait pas un minimum de culture littéraire et mythologique, Sandman fait partie de ces oeuvres qui ne peuvent être résumées à ce high-concept si cher à la production télévisuelle. Pour se faire une idée, on pourrait comparer Sandman à l'oeuvre littéraire de JRR Tolkien (toutes proportions gardées), que Gaiman admire par dessus tout. Et se frotter à Sandman, c'est un peu se frotter à une adaptation qui regrouperait Le Seigneur des Anneaux, mais aussi le Silmarillon et le Livres des Contes Perdus. Autant dire un beau casse-tête ! Il n'y a qu'à voir des tomes comme Fables et Réflexions ou Au bout des mondes - qui en apparence se présentent comme des successions de petites histoires sans réelles connexions, mais qui en fait nous introduisent une multitude d'éléments qui prendront leur sens dans le chapitre phare de la saga, Les Bienveillantes, véritable bijoux d'émotions et de narration - pour se convaincre qu'on ne peut réduire Sandman à une histoire de gentils et de méchants.
Bref, si l'on attend avec impatience de savoir comment Warner va faire évoluer son projet, on se demande simplement si le studio trouvera les collaborateurs adéquats pour retranscrire sur grand écran toute l'ampleur et la folie du comic-book de Gaiman. Et hélas, nous ne pouvons nous montrer que sceptiques lorsque nous apprenons qu'Eric Kripke - le créateur de la sympa mais pas franchement fine série Supernatural - serait en tête de lice pour diriger cette adaptation. Un choix qui laisse perplexe et qui nous laisse penser, hélas, que si Sandman voit le jour en série télé, il devra sans doute passer par la case "vulgarisation" pour atteindre un large coeur de cible. Le syndrome Smallville frappera-t-il encore ? Il ne reste plus qu'à attendre pour avoir la réponse à cette cruelle question.