Si la Haute Définition s’avère moins flagrante que sur les autres titres Gaumont préalablement testés par nos soins, la restauration de cette oeuvre majeure de Robert Bresson demeure confondante. Le N&B sec et abrupt n’est évidemment pas très riche et nuancé mais s’avère lumineux, les contrastes étant bien gérés tout du long en délivrant une jolie gamme de gris. Le grain est limité bien qu’un voile grumeleux est perceptible sur les visages des comédiens tout au long du film, y compris lors des fondus enchainés. La stabilité est certes de mise mais la compression s’avère parfois chancelante sur les séquences nocturnes, certaines étant d’ailleurs parasitées par de petits halos lumineux. Au final, le master HD n’a guère l’occasion de briller de mille feux, d’autant plus que Robert Bresson use d’un seul et même objectif centré sur son personnage, éliminant ainsi d’emblée toute profondeur de champ. Nous restons donc constamment l’œil fixé sur le personnage principal agissant dans des décors dépouillés, limitant ainsi l’apport de la HD finalement appréciable au niveau de la luminosité des scènes diurnes et du piqué de l’image.
Retrouvez nos captures Blu-Ray en Full HD (1080p) :
L’éditeur livre une fois de plus une piste mono DTS HD Master Audio d’une limpidité renversante, restituant à merveille la voix-off omniprésente du personnage principal ainsi que la Grande Messe de Mozart ponctuant le film à plusieurs reprises avec une magnifique montée des choeurs. Si nous ne déplorons aucune saturation des dialogues (enregistrés en postproduction), notons tout de même une résonance des voix allemandes comme c’était déjà le cas sur le mixage des Maudits de René Clément également sorti chez Gaumont. Devant cette apparente sobriété se cache en réalité un travail gigantesque attribué à l’environnement sonore caractérisé par le passage voisin d’un tramway ou d’un train (très présent dans la séquence de l’évasion), les bruits de pas soulignant les rondes, ainsi que les tirs à la mitraillette rappelant au prisonnier l’imminence de son exécution. Tout ce travail de mixage est habilement restitué par ce mixage mono qui n’en finit pas d’étonner.
L’Essence des formes (45min49)
Sans surprise nous retrouvons le documentaire déjà présent lors de la sortie du film en DVD en mai 2010. Ce module est d’autant plus précieux qu’il donne la parole en priorité à François Leterrier alias Fontaine dans le film de Robert Bresson, qui revient sur sa quasi-unique expérience en tant qu’acteur (il ne tournera après que le Stavisky d’Alain Resnais) puisqu’il s’est ensuite uniquement consacré à la réalisation. Parallèlement, se croisent les propos des cinéastes Iradj Azimi et Bruno Dumont, les directeurs de la photographie Pierre Lhomme (ayant collaboré avec Robert Bresson sur Quatre nuits d'un rêveur) et Emmanuel Machuel (L’Argent, 1982) et la script-girl Geneviève Cortier (Une femme douce, Lancelot du Lac, Au hasard Balthazar). Enchainant les anecdotes toutes plus intéressantes les unes les autres, François Leterrier se livre entre autre sur les conditions de tournage tout en expliquant que Robert Bresson n’aurait sûrement pas apprécié que l’on parle des secrets de son film ou que les spectateurs le regardent sur un écran autre qu’au cinéma. La psychologie du personnage principal est ici largement analysée tout comme la conception unique du cinéma par Robert Bresson, tandis que Bruno Dumont s’exprime sur l’austérité du film, son découpage, le rythme, l’image dépouillée, le phrasé atone des comédiens ainsi que, et cela ne nous étonne guère, de la portée spirituelle de l’histoire et de la mise en scène. Un esprit d’ascèse repris et disséqué par tous les intervenants qui n’oublient pas d’évoquer le travail sur le son, le montage ("le plus important pour lui était la collure entre deux plans" déclare Geneviève Cortier) et la direction d’acteurs avec lesquels le réalisateur refaisait parfois jusqu’à 50 prises pour trouver l’intonation juste…alors que le film était entièrement repris en postsynchronisation.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce (3min09).