DVD 1
Les scènes commentées par Jean-Jacques Beineix
Jean-Jacques Beineix avait jusqu'à maintenant commenté tous ses films dans leur intégralité avec toujours beaucoup de précision. Pour l'Edition spéciale de Diva, le réalisateur ne commente que 8 scènes d'environ 36 minutes au total. Voici le détail ci-dessous avec extraits choisis de ses propos :
1) La scène d'ouverture (9min26)
Le réalisateur y aborde les enjeux que représente le générique pour un film, crucial pour capter d'emblée le spectateur. Ayant opté pour des images arrêtées, Beineix développe ensuite les enjeux du film qu'il décrit comme un détournement de genre, en l'occurrence du film policier grimé en « opéra-policier ». Dès cette scène d'exposition, le jeu du double est mis en avant, le bon et le mauvais, le reflet, le jeu des apparences... Autre transformation notable avec le roman de Delacorta, le personnage principal est facteur et non plus coursier pour une maison de disques. Comme précédemment dans ses commentaires audio, Beineix égratigne la critique et insiste sur « ce qu'elle n'a pas vu ou vu à tort ». C'est tout à son honneur de vouloir remettre les pendules à l'heure et réhabiliter son film, même si le public s'était déplacé en masse dans le monde entier pour l'acclamer. Contrairement aux critiques de l'époque, notre interlocuteur insiste sur le fait que rien n'était laissé au hasard.
2) Le loft de Gorodish (2min42)
Diva est un film-témoignage de la ville de Paris du début des années 80. Jean-Jacques Beineix désirait un espace scénique dans lequel pouvaient déambuler ses personnages et non pas être à la mode comme l'avait fait remarquer la critique.
3) Le loft de Jules et la visite d'Alba (4min15)
Avec émotion, le metteur en scène parle des petits immeubles de la banlieue de Saint-Ouen, aujourd'hui rasés. Dans cette scène, Beineix traite de l'avènement de la technologie et l'art qui côtoie le moderne (les autos qui font référence à des compressions du sculpteur César). Des voitures accidentées deviennent des œuvres d'art après un accident. Ce jeu de symbole a une fois de plus été mal perçu par la critique. Diva est qui plus est symbolique de l'irruption de la publicité dans notre quotidien. Ici, Beineix use du second degré afin de démontrer l'évolution de la société : « Faire comprendre que la société change grâce aux personnages, non pas de manière didactique mais aux moyens de l'image. Cette profonde réflexion a su toucher le public du monde entier. Diva est un film sur la dérision de la publicité et non pas sa célébration comme la presse a pu le dire à sa sortie ».
4) Conférence de presse (1min09)
Cette courte scène a été l'enjeu de tractations avec la production qui n'en voulait pas. Pourtant, tout ce qui y est dit est le leitmotiv de Diva : « C'est au commerce de s'adapter à l'art et non pas l'art de s'adapter au commerce. On le voit aujourd'hui avec le téléchargement ou le piratage qui font beaucoup de mal à l'art en général. »
5) La scène de la baguette (4min)
Cette scène où Gorodish se fait un casse-croûte au caviar a fait couler beaucoup d'encre. Beineix tourne en dérision la galaxie du luxe : « C'était alors le début du commerce du luxe. Je pouvais tourner en dérision l'image du caviar étalé sur une simple baguette de pain. C'est la rencontre du riche et du populaire. L'image du luxe change et devient un bien de consommation quelconque. Diva est un labyrinthe de propositions, l'envie d'arrêter les choses tout en laissant un jeu de miroirs. C'est ce qui en fait la force pour certains, ou la faiblesse pour d'autres spectateurs. »
6) Le phare de Gatteville (5min37)
Cette scène est l'occasion pour Beineix de rendre hommage à la Traction Citroën, qu'il surnomme affectueusement le Chevalier Blanc : « A l'époque, les critiques ont comparé Diva à un film BD. Mais il faut savoir que ce n'était pas un compliment à l'époque. La BD n'avait pas atteint ses lettres de noblesse et on a accusé le film d'être simple. Diva est faussement simple, joue avec les représentations, les clichés du genre et chaque intention est à double-sens. »
7) L'affrontement entre Fabbri et Bohringer (dans le décor de l'usine Citroën) (6min)
Il était amusant pour le metteur en scène de tourner dans l'usine Citroën car Diva est également une ode à la Traction : « Je détourne les lieux. On assiste à l'émergence d'une nouvelle époque, celle de l'industrie du software et du hardware et la technologie va permettre la rencontre des gens. L'usine devient un musée d'art moderne. Dans cette scène j'ai également voulu rendre hommage à Edgar P. Jacobs et La Marque Jaune. J'ai par ailleurs reçu un hommage de Jacobs qui avait vu le film et qui avait évoqué que si son œuvre devait être adaptée au cinéma, le garçon qui avait fait Diva serait le mieux placé pour le faire. »
8) La scène finale au Châtelet (4min21)
Jean-Jacques Beineix clôt son commentaire en résumant tout ce qui a été dit tout du long : l'alliance du film policier avec l'opéra, le jeu des apparences et du double, le sublime et le dérisoire...
DVD 2
Documentaire Bleu comme Diva – Souvenirs d'un film culte (1h11)
On comprend mieux maintenant pourquoi Jean-Jacques Beineix n'a pas enregistré de commentaire audio intégral pour son film tant ce documentaire tient lieu de rétrospective. C'est ici qu'il faudra vous diriger si vous désirez tout savoir sur son premier long-métrage. Vous retrouverez les propos du cinéaste mais aussi de son équipe technique, Vladimir Cosma (compositeur), Dominique Besnehard (directeur de casting), Hilton McConnico (chef décorateur), Monique Prim (première monteuse du film), et de ses acteurs, Frédéric Andréi (Jules), Dominique Pinon (Le Curé), Richard Bohringer (Gorodish).
Comme on l'avait déjà remarqué lors de ses précédents commentaires (disponibles chez M6 Vidéo), Beineix est passionné, aime ses films et les défendra toujours. « On est arrivé au bon moment » dit-il en parlant du projet. Ici, point d'images du film qui viennent parasiter les propos de chaque interlocuteur. Point commun entre les intervenants : la productrice Irène Silberman, absente du documentaire mais dont le portrait quelque peu amer est dressé par tous, surtout par Beineix, qui déballe leur relation mouvementée. C'est pourtant elle qui a conseillé au cinéaste de lire Diva de Delacorta. Beineix se met à la recherche du roman, le lit immédiatement et désire l'adapter. Il propose instantanément de le porter à l'écran pour un budget de 7 millions de francs. La productrice lui répond que c'est hors de question car c'est trop coûteux. Devant l'insistance du réalisateur (qui a fait ses armes avec Claude Berri et Claude Zidi en tant qu'assistant-réalisateur), Silberman s'incline. Les deux auront par ailleurs d'autres occasions de s'affronter, y compris sur le titre du film. Plus tard, ils se mettent à la recherche d'un scénariste : Silberman, désireuse de tout contrôler, ne veut pas de Sébastien Japrisot et Beineix a alors l'idée (originale à l'époque) de se tourner vers un artiste venant de la bande dessinée. Ce sera Jean Van Hamme, scénariste de Largo Winch, XIII, ou Blake et Mortimer.
Beineix avait connu Vladimir Cosma par l'intermédiaire de Claude Zidi. En 1977, Cosma avait par ailleurs composé gratuitement la musique du court-métrage de Beineix, Le Chien de Monsieur Michel. Ensemble, ils cherchent l'air d'opéra qui inspirera le compositeur. Les deux travaillent progressivement et, après quelques tensions, parviennent à se mettre d'accord sur la partition finale. Le morceau Promenade romantique que Cosma nous interprète au piano aura été le morceau le plus difficile à créer, Beineix rejetant les premières idées du compositeur.
Vient ensuite le défi de trouver la fameuse Diva, à savoir une chanteuse qui sache aussi jouer la comédie. Barbara Hendricks est approchée par le cinéaste mais c'est Dominique Besnehard qui découvre Wilhelmenia Wiggins Fernandez à l'Opéra de Paris. Dès qu'il la rencontre, le réalisateur tombe sous le charme et parvient à la convaincre (bien qu'elle ne parle pas un mot de français) de jouer dans le film. Concernant le personnage principal de Jules le facteur, Richard Anconina, 26 ans à l'époque, fut un temps envisagé, puis Christophe Lambert, que Dominique Besnehard trouvait bien trop beau pour le rôle. Frédéric Andréi sera finalement retenu.
Pour le rôle de Gorodish, Beineix pense à Gainsbourg. Le cinéaste va même jusqu'à lui demander mais le chanteur est trop occupé par sa musique et un album en préparation. Il envisage Jacques Dutronc puis Richard Bohringer, alors dans une mauvaise passe avec l'alcool et la drogue.
En 1978, Dominique Besnehard avait rencontré le directeur de la photographie Philippe Rousselot sur La Drôlesse de Jacques Doillon et conseille à Beineix de le prendre. Une fois engagé, Rousselot « amène » le chef décorateur Hilton McConnico, américain perdu à Paris. Le trio travaillera de manière très complémentaire.
Viennent enfin les souvenirs liés au montage du film avec Monique Prim. Connaissance et collaboratrice de Beineix, elle est engagée pour 11 semaines. Le montage s'effectue durant le tournage mais devant le métrage impressionnant tourné par le cinéaste, les délais ne sont pas respectés et la production décide de rejeter la faute sur la monteuse. Monique Prim sera remplacée par Marie-Josèphe Yoyotte, devenue très prisée par les cinéastes français. La production stresse de plus en plus devant les rushes. Ce n'est pas du tout le film policier auquel ils s'attendaient mais un film d'« opéra policier ». Décontenancés par ce mélange, ils croient le film perdu. A sa sortie le 11 mars 1981, Diva est conspué par la critique. Même les attachés de presse semblent le rejeter en bloc, pressés de se débarrasser de ce film « invendable ». La première affiche scande « Quand Paris ressemble à Chicago »... encore aujourd'hui, Beineix en reste dubitatif. La production décide de retirer le film de la province. A l'étranger, le film triomphe au Festival de Toronto. Diva ressort dans une salle à Paris, le Panthéon, et la bouche-a-oreille commence à se propager. Les Césars arrivent, Diva rafle celui de la première œuvre et trois autres Césars dont un pour Vladimir Cosma. Diva restera 8 mois au Panthéon où il engrange 800 000 nouvelles entrées, du jamais vu. Diva totalisera au final 2 281 569 entrées en France.
Ceux qui ont aimé Diva à sa sortie l'aiment toujours et ceux qui l'avaient détesté ne peuvent toujours pas le voir. Malgré les critiques, Diva a beaucoup influencé les cinéastes venus par la suite. Ce documentaire exclusif est un modèle du genre. Tout y est abordé avec enthousiasme et une passion communicative qu'il serait regrettable de rater, surtout si vous êtes fan du film. D'autant plus que Beineix est toujours aussi enjoué et disponible.
Bandes-annonces de la collection Beineix
La Lune dans le caniveau (1min54), Roselyne et les lions (2min17), IP5 : L'île aux pachydermes (2min13), 37°2 le matin (1min46) et Mortel Transfert (1min36).