La restauration de chaque film a été réalisée sous le contrôle de Pierre Etaix lui-même. En raison des années et des mauvaises conditions de stockage, les éléments avaient été endommagés et risquaient de disparaitre. Une chose est sûre, c'est que toutes les poussières, rayures, tâches, émulsions, instabilités au niveau des raccords de montage, ont été purement et simplement éradiquées. Tous les films, courts et longs, ont retrouvé leurs couleurs et leurs formats d'origine tels que souhaités par l'auteur. La numérisation des éléments originaux (dégradés) a permis entre autre la restauration image par image de chaque film pour ensuite retravailler l'étalonnage, tout en restant fidèle à l'oeuvre originale. Seuls deux films étaient plus dégradés que les autres et ont demandé plus de travail : Tant qu'on a la santé (en raison de ses deux montages) et Le Grand Amour (premier film en couleur du cinéaste). Après la superbe restauration des Vacances de Monsieur Hulot en 2009, la Fondation Technicolor et la Fondation Groupama Gan se sont une fois de plus associées pour remettre à neuf l'intégrale de Pierre Etaix, soient huit films, grâce aux outils photochimiques et numériques qui ont permis de retrouver et surtout de restituer les textures originales des images ainsi que la richesse sonore des films. Le Soupirant et Yoyo sont présentés dans des copies N&B d'une propreté et d'une clarté incroyables, les génériques présentent une solide stabilité, les noirs sont denses, le piqué assez joli et les contrastes soignés. La résurrection est totale pour ces deux longs métrages même si nous constatons divers moirages sur les surfaces rayées et un grain un poil plus appuyé durant les dernières dix minutes du Soupirant. En ce qui concerne Yoyo, une première restauration avait été effectuée en 2007 pour que le film soit projeté au Festival de Cannes, avant d'être bloqué à nouveau pour des raisons juridiques. A l'occasion de la ressortie en 2010, une restauration numérique complémentaire s'est ajoutée à celle réalisée en 2007 et la copie qui en résulte est absolument magnifique.
Comme nous l'avons indiqué, le troisième long métrage de Pierre Etaix Tant qu'on a la santé a demandé quelques soins particuliers. Une première version du film sort en 1966 avec pour fil conducteur le personnage interprété par le réalisateur. Cinq ans plus tard, Pierre Etaix décide de revenir sur le montage en retirant le tableau intitulé "En pleine forme" pour le remplacer par celui faisant désormais office de première partie "Insomnie", faisant de En pleine forme un court-métrage à part entière et présenté en 2010 à l'occasion de la ressortie de ses films. L'équipe de la restauration a donc repris les meilleurs éléments des deux versions du film (celle de 1966 et 1971) pour procéder à un montage virtuel. Selon le souhait du réalisateur, la version restaurée de 2010 s'appuie sur la deuxième mouture de Tant qu'on a la santé. La complexité de cette restauration provenait également du fait de sa structure en quatre tableaux différents concernant le traitement des couleurs. Le segment Insomnie renvoie au Nosferatu de Murnau et a été réalisé dans des teintes monochromes bleus excellemment rendus. Les noirs y sont également denses et les ombres portées étonnantes. Tandis que les segments suivants (Le Cinématographe, Tant qu'on a la santé) sont présentés dans une copie N&B aussi soignée que les deux premiers longs métrages, le dernier tableau intitulé "Nous n'irons plus au bois" fait penser à des photos jaunies par les années qui ont passé. La palette chromatique apparait donc jaunâtre et sensiblement sépia et là encore, aucun problème ou accroc n'est à signaler. Le master est lisse, le piqué affûté, mais le problème des moirages persiste sur les surfaces rayées.
Tant qu'on a la santé
Avec Le Grand Amour, Pierre Etaix réalise son premier film en couleur. Le négatif de ce film a été retrouvé en mauvais état avec quelques images déchirées. Malgré le soin indéniable apporté par les restaurateurs, les couleurs demeurent vieillottes, les visages quelque peu cireux et nous constatons divers tremblements et fourmillements plus marquées que sur les autres films, en particulier durant la séquence du rêve. Si le grain est plus appuyé la propreté de la copie est évidente et les noirs conservent une certaine densité.
En revanche, Pays de cocagne, du fait de son tournage en 16mm voit son master plus altéré que les autres films de l'intégrale. Les images semblent parfois provenir d'une caméra Super-8 et certaines séquences, notamment en N&B sont très marquées par le grain tandis que les couleurs demeurent légèrement surannées. Une fois de plus, la restauration est bel et bien passée par là, la copie est propre et la condition actuelle du master dépend des conditions de tournage d'origine. Le piqué y est médiocre, les images prises sur le vif entraînent quelques pertes de la définition avec troubles et flous.
Heureux anniversaire (12min58)
Ce deuxième court-métrage de Pierre Etaix, co-réalisé et co-écrit avec Jean-Claude Carrière, a obtenu l'Oscar du meilleur court-métrage en 1963 ainsi que le prix du meilleur film de court-métrage du British Film Academy. Dans ce film une jeune femme prépare la table pour fêter son anniversaire de mariage. Le mari (Pierre Etaix) se trouve coincé dans les encombrements parisiens. Les quelques arrêts pour les derniers achats ne font que le retarder davantage. Débordant de gags visuels à se tordre de rire et de trouvailles sonores, Heureux anniversaire est une véritable merveille.
DVD 2 - Yoyo
Le Cauchemar de Méliès (4min13)
Répondant à une commande de La Sept dans le cadre d'une soirée thématique sur le cinquantième anniversaire de la mort de Georges Méliès, Pierre Etaix réalise en 1988 ce court-métrage en vidéo mélés à quelques images de synthèse (de l'époque) d'après un scénario original écrit par Georges Méliès "Rêve d'artiste". Reprenant la forme des premiers films de l'histoire du cinéma mixé avec quelques effets spéciaux modernes, Le Cauchemar de Méliès met en scène Christophe Malavoy, grimé en Méliès pour l'occasion, et rend hommage aux premiers effets spéciaux.
DVD 3 - Tant qu'on a la santé
Rupture (10min38)
Voici le tout premier court-métrage de Pierre Etaix, encore une fois co-écrit et co-réalisé avec Jean-Claude Carrière en 1961. Ce petit bijou, projeté en première partie de La Guerre des boutons d'Yves Robert, raconte l'histoire d'un homme qui reçoit une lettre de rupture de sa bien-aimée. Dans l'enveloppe il retrouve sa photo déchirée. L'amoureux blessé décide de lui répondre. Stylo à encre, porte-plume, table de travail, timbres-poste, papier et encrier deviennent alors diaboliquement récalcitrants comme si la vengeance n'était pas un plat qui se mange froid mais qui ne se mange pas. Pierre Etaix pose les bases de son personnage lunaire, maladroit mais terriblement attachant, et la fin du court-métrage demeure encore aujourd'hui inattendue.
DVD 4 - Le Grand Amour
Pierre Etaix, naturellement (30min59)
A l'occasion de la ressortie de ses films au cinéma et de la sortie du coffret Intégrale, Pierre Etaix raconte les grandes étapes de sa carrière (ses débuts au music-hall), ses rencontres déterminantes (Jacques Tati, Jean-Claude Carrière), la création de son "personnage", et partage son amour pour le cirque et le slapstick. Devant sa table de maquillage, on le voit se métamorphoser petit à petit en clown, métier qu'il a toujours voulu faire éperdument depuis sa plus tendre enfance. A travers de nombreuses photos et les témoignages de Jean-Claude Carrière (ami, co-scénariste et co-réalisateur), Marc Etaix (son fils) et Roger Trapp (comédien et ami), se dessine le portrait d'un des plus grands artistes français. C'est aussi l'occasion de voir rapidement Pierre Etaix se produire sur la piste ou à l'oeuvre dans son bureau où il élabore encore aujourd'hui des gags avec comme ici l'aide de mini-voitures.
DVD 5 - Pays de cocagne
En pleine forme (13min55)
A l'origine, ce court-métrage réalisé en 1965 faisait partie du long métrage Tant qu'on a la santé. En 1971, Pierre Etaix revoit son montage et extrait le segment En pleine forme pour en faire un court-métrage individuel et le remplace par la partie intitulée Insomnie. Dans ce film poético-hilarant, Pierre Etaix égratigne le camping et la vie des résidents logeant les uns sur les autres. Seul et tranquille au milieu d'un champ, le personnage principal se voit réprimander par un garde-champêtre qui le conduit sur un terrain de camping rappelant fortement un camp de concentration.
L'Ile aux fleurs (12min36)
L'éditeur a visiblement donné carte blanche à Pierre Etaix qui a sélectionné ce court-métrage brésilien réalisé par Jorge Furtado en 1989. A mi-chemin entre le documentaire et le film expérimental, L'Ile aux fleurs suit le parcours d'une tomate, de sa culture à la vente en supermarché jusqu'à son arrivée à la décharge de L'Ile aux fleurs (banlieue de Porto Alegre, à l'extrême Sud-Est du Brésil) après que la tomate ait été jetée à la poubelle. Multi-récompensé à travers le monde (dont l'Ours d'Argent au Festival de Berlin en 1990), le film de Jorge Furtado est devenu culte avec son humour très noir, son montage fait de collages d'images et de photos détournées, le tout commenté par une voix légère. Plus de vingt ans après, L'Ile aux fleurs n'a pas pris une ride, demeure malheureusement d'actualité et s'impose comme l'un des premiers cris d'alarme concernant la situation inexpugnable des pauvres au Brésil, obligés d'aller se nourrir dans les décharges au milieu des animaux.
Outre une enveloppe contenant cinq cartes-postales reprenant les visuels des affiches des films de Pierre Etaix, vous découvrirez un encart consacré à la restauration des films, mais surtout un superbe livret de 112 pages intitulé "La Grosse tête", conçu par Marc et Pierre Etaix, comprenant des textes, photos et illustrations de ce dernier. Vous y découvrirez quelques notes autobiographiques, citations, affiches, sculptures, peintures et autres créations de Pierre Etaix.