Test DVD : Mammuth

L'éditeur ne trahit pas les partis-pris esthétiques des réalisateurs bien que le grain de l'image (élément primordial de la photo) soit étonnamment moins appuyé que lors de sa sortie en salles. En réalité, seuls un plan aérien (31min40) ainsi que les séquences où apparaît Isabelle Adjani s'avèrent être les plus grumeleuses, ce procédé esthétique permet ainsi d'illustrer les pensées secrètes de Serge (Gérard Depardieu). La mise en scène à l'arraché de Gustave Kervern et de Benoît Delépine n'arrange évidemment pas la définition, chancelante tout du long, mais au moins nous retrouvons la palette colorimétrique à tendance pastel de la première partie, alternant les intérieurs sombres et d'autres séquences plus lumineuses (tous les extérieurs), le piqué demeurant inexistant et les plans éloignés troubles. Les contrastes sont également perturbés par ces volontés artistiques sans pour autant être agressifs pour la rétine, et les plans rapprochés offrent étrangement plus de détails que ce à quoi on s'attendait, surtout quand la caméra se rapproche du visage de Gérard Depardieu que l'on peut admirer sous toutes les coutures, bien que le teint des comédiens demeure tantôt cireux tantôt blafard. Difficile donc de juger ce master qui n'offre évidemment pas une image immaculée mais plutôt des fourmillements inhérents aux conditions de tournage ainsi qu'une gamme de couleurs délavées voire volontairement désaturées. La texture si particulière de l'image demeure malgré tout aussi agréable qu'en salles.

La dynamique est de rigueur que votre choix se porte sur la stéréo ou sur la Dolby Digital 5.1. Dès la première image, la deuxième piste permet au spectateur de se plonger dans l'univers quotidien de Serge (l'usine, le supermarché) avec une spatialisation ardente, des frontales percutantes et des latérales incisives qui s'avèrent d'ailleurs étonnantes de présence pendant que Serge taille la route à la recherche de ses "papelards". Le caisson de basses se mêle aussi à la partie en mettant en valeur le rugissement de la Munch Mammuth 73 et la belle composition du brillant Gaëtan Roussel. Evidemment, la plupart des séquences de dialogues sont axés sur les avants mais la 5.1 brille par ses ambiances annexes. Quant à la stéréo, elle s'avère d'une précision sans faille avec un joli relief des dialogues et de la musique.

Making fuck off (52min55)

Il y avait bien longtemps que nous n'avions pas vu un making of aussi beau et intimiste que ce véritable petit film réalisé par Fred Poulet (Substitute) et produit par les réalisateurs de Mammuth dans le but de garder une trace d'un projet qu'ils n'étaient pas certains de pouvoir mener à bien. Présenté au Festival de Cannes en Séance spéciale, ce documentaire singulier tourné en Super 8 (on passe de la couleur au N&B avec un grain appuyé et un son rétro souvent décalé) alterne les images tirées du Festival de Berlin lors de la présentation de Mammuth en février 2010, d'autres filmées pendant la préparation du film (on y voit Delépine et Kervern se rendre chez Yolande Moreau pour la persuader de faire le film) puis évidemment les images issues du tournage proprement dit. Tous les comédiens du film sont ici présents comme Isabelle Adjani pleine d'autoparodie et qui emprunte la caméra de Fred Poulet pour filmer Gérard Depardieu sous toutes les coutures (les images sont d'ailleurs intégrées au montage du film). Ce module se clôt par une petite séance de pêche où Gérard Depardieu se livre à Fred Poulet comme rarement sur les derniers jours de son fils Guillaume, une confession poignante qui ne laisse évidemment pas indifférent. Avec sa forme baroque et son ton poético-déjanté, ce making of s'impose comme un prolongement parfait du film.