Bad Lieutenant : Escale à la Nouvelle-Orléans
Le 12/03/2010 à 18:42Par Elodie Leroy
La démarche de s'attaquer au classique d'Abel Ferrara était sacrément risquée, et là où d'autres se seraient contentés d'un copier-coller légèrement mis au goût du jour, Werner Herzog prend le contre-pied des attentes en abordant l'histoire et son personnage central sous un angle inédit. Entre polar ultra-violent et satire surréaliste, cette nouvelle version sous coke de Bad Lieutenant permet aussi de retrouver Nicolas Cage tel qu'on l'aimait dans les années 90, à savoir imprévisible et barré mais aussi touchant à ses heures. Une curiosité à découvrir absolument.
Découvrez ci-dessous la critique de Bad Lieutenant
CRITIQUE BAD LIEUTENANT : ESCALE A LA NOUVELLE-ORLEANS
Avouons-le, nous sommes consternés de voir le nombre de remakes actuellement en
route, que les films d'origine soient des productions étrangères récentes (européennes ou asiatiques), des classiques de l'horreur ou des classiques tout court. Pourtant, force est d'admettre qu'il est parfois bon de laisser ses préjugés de côté puisque certains remakes n'ont décidément rien à voir avec la mode de recyclage actuelle mais s'avèrent inspirés par une véritable démarche artistique. Bien mené, l'exercice peut même s'avérer passionnant, comme c'est le cas ici avec Bad Lieutenant : Escale à la Nouvelle-Orléans de Werner Herzog. Chef de file du Nouveau Cinéma Allemand des années 60-70, le cinéaste à qui l'on doit notamment Nosferatu et L'Énigme de Kaspar Hauser nous revient très en forme avec ce film qui revisite un monument du début des années 90. Le pari est d'autant plus admirablement relevé que l'idée même de proposer un remake d'un film d'Abel Ferrara est particulièrement casse-gueule. Précisons qu'avant de signer son film, Werner Herzog n'avait tout simplement pas vu le Bad Lieutenant original, et ce n'est peut-être pas plus mal.
Dès les premières séquences, on comprend très vite que ce Bad Lieutenant-ci n'aura pas grand-chose à voir avec l'original, que ce soit en termes de ton, de scénario ou de décor. La première bonne idée de Herzog est d'ailleurs d'avoir déplacé l'intrigue de New York City à la Nouvelle-Orléans, ce qui lui permet d'imprimer au film une atmosphère et une esthétique allant de pair avec le cadre géographique. Si l'on retrouve clairement certains traits de caractère marquant du personnage principal, notamment sa tendance à abuser des malheureux (ou des malheureuses) qu'il surprend en train de faire des bêtises, il n'est nullement question ici de nonne violée ou de rédemption par la religion. Entre thriller sec et satire des méthodes policières, Bad Lieutenant : Escale à la Nouvelle-Orléans met un peu de temps à dévoiler ses véritables intentions, ce qui peut au premier abord donner l'impression au spectateur de ne pas savoir sur quel pied danser. S'agit-il vraiment d'une comédie ? Werner Herzog nous mène-t-il ostensiblement en bateau ? Imprévisible, le scénario enchaîne les séquences avec un rythme soutenu, ne lésinant ni sur la violence cynique (l'intimidation d'une vieille dame), ni sur les répliques hilarantes, ni même sur les apartés complètement surréalistes, comme c'est le cas lors d'une scène musicale pour le moins insolite focalisée sur un caméléon. De quoi maintenir véritablement le spectateur intrigué jusqu'à la dernière minute de bobine.
Mais ce qui fait plaisir dans Bad Lieutenant : Escale à la Nouvelle-Orléans, c'est aussi de retrouver Nicolas Cage tel qu'on l'appréciait à ses débuts ou du moins jusqu'à l'aube des années 2000. Soit avant qu'il ne devienne la risée de toute la communauté cinépihlique avec ses contre-performances pathétiques de ces dernières années (The Wicker Man, Ghost Rider). L'acteur qui nous avait conquis avec des rôles barrés ou instables dans des films comme Eclair de Lune, Sailor et Lula, Leaving Las Vegas ou encore Adaptation retrouve enfin le grain de folie qu'on lui connaissait dans ce Bad Lieutenant et se montre tour à tour drôle, effrayant, attachant et révoltant. Le reste du casting lui donne fort bien la réplique, Eva Mendès confirmant sa capacité à insuffler une vraie profondeur même à un personnage qui a tout du cliché, tandis que l'on profitera de quelques sympathiques seconds rôles (Val Kilmer) et caméos (Brad Dourif, Michael Shannon...). Autant de bonne raison d'aller voir cette curiosité qui parvient admirablement à s'affranchir de son matériau d'origine.