Cleaner
Le 19/03/2008 à 08:55Par Arnaud Mangin
Le trois premières minutes de Cleaner sont géniales, point ! Quelques secondes décalées qui reposent sur une narration un peu hors norme à propos de la mort, du chagrin que ça peut véhiculer mais surtout de l'énorme business engendré par le passage à trépas. Si le reste du film se montrera un peu plus inégal au point de se cataloguer sans mal dans l'énorme bibliothèque des œuvres anodines, on s'en souviendra surtout comme la réalisation la plus surprenante de Renny Harlin qui nous sert ici de l'anti-Renny Harlin. On ne sait pas encore quelle mouche la piquée (une tsé-tsé, à tous les coups), où s'il a vidé un camion de lexomil avant de démarrer le tournage, mais Cleaner s'impose comme un tournant inattendu dans la filmographie du maître ès hélicoptères explosés et un thriller particulièrement encourageant à défaut d'être passionnant.
L'expression "Œuvre de la maturité" est particulièrement horripilante parce qu'elle ne veux absolument rien dire, mais elle trouverait pourtant presque son intérêt ici tant le réalisateur signe un revirement artistique à la limite du croyable. Certes, sortant à peine d'un blockbuster pour crétins, deux ou trois tics persistent ça et là dans quelques jeux de transitions (même si dans le même registre, Les Experts c'est la foire du trône à côté), mais le bonhomme tombe le masque et révèle un certain savoir-faire dans le cinéma indépendant calme. Un calme olympien même, tout en réserve, à la limite du ronflant dans une dernière bobine qui enchaîne 2-3 temps morts, qui se dédouane avec surprise des pétarades d'usage pour creuser des thématiques autre part que sous le terrorisme atomique. Parce qu'en plus, c'est touchant...
Cleaner part d'un postulat franchement pas idiot et peu connu des petites sociétés qui remettent à neuf les logements des particuliers après qu'un décès salissant y ait eu lieu. Une industrie macabre, permettant de se déconnecter en tant qu'être humain pour laisser place à une mécanique typiquement professionnelle. Tellement mécanique que lorsque le petit patron Samuel L. Jackson est sollicité pour nettoyer une scène de crime, il ne se rend pas immédiatement compte que c'est le mystérieux assassin lui-même qui a entrepris la démarche, effaçant donc tout indice possible. L'occasion rêvée pour mener lui-même l'enquête... En gros du policier de gare pas près de faire sauter une braguette, d'autant plus qu'il tourne un peu en rond en plus de livrer une galerie de suspects expéditive, mais qui prêche une sage sincérité.
Ces gens là, devant et derrière la caméra, aiment un certain cinéma plus vraiment tendance mais encore suffisamment riche de sens pour véhiculer un véritable intérêt. Celui de parler de gens, de leurs rapports à la vie, à la mort, à l'amitié et à la famille. Des histoires de pères et de filles... Ces petites choses généralement traitées connement (surtout à Hollywood) mais qui, sous couvert d'une enquête plan plan, demeurent la plus belle réussite du film jusqu'à sa dramaturgie principale révélée en même temps que l'identité du tueur. Une dramaturgie presque cornélienne qu'on aurait vraiment saluée si elle ne s'était pas noyée dans un final s'écoulant en eau de boudin sur un plan typiquement policier que le réalisateur lui-même a un peu de mal à suivre. Une révélation un peu naze, quoi, mal amenée mais tellement juste dans son fond qu'on ne peut pas totalement blâmer la chose.
Alors oui, foutue expression, Renny Harlin accouche ici de son œuvre de la maturité. Bien sur, les illusions sont encore un peu floues à l'heure où le bonhomme prépare déjà un film avec John Cena (bonjour finesse) mais on se dit désormais que le type à qui l'on doit l'insondable merde qu'est Le Pacte du sang sera probablement un jour capable de pondre un thriller façon Eastwood, bourrée d'idéologies saines. C'était le pari impossible du moment... on aurait mieux fait de miser dessus.