Fright Night
Le 12/09/2011 à 16:40Par Camille Solal
S'il commence de bien belle manière, Fright Night s'enfonce peu à peu dans une structure narrative convenue jusqu'à finir sa bobine sur les rotules, pompant allègrement des références du genre pour combler les failles d'un scénario aussi rapidement abandonné qu'un lycan sur le bord d'une autoroute. Du film on ne retiendra finalement que le cabotinage jubilatoire de David Tennant, les beaux yeux d'Imogen Poots et la piètre interprétation d'un Colin Farrell aussi anémique que le prince de Transylvanie. On pourra donc sans problème préférer l'original de Tom Holland, kitsch et culte, à cette nouvelle version au demeurant sympathique mais qui n'assume jamais ses tentatives osées de renouvellement du genre. Dommage car on s'attendait à bien plus de mordant… et de fun. Découvrez ci-dessous notre critique complète de Fright Night.
"Je préfère être un has-been qu'un never-been" a un jour lancé le sémillant Benjamin Castaldi à l'illustre Mickaël Vendetta lors d’une joute verbale qui nous a retourné le cerveau comme une crêpe aux oignons. C'est peut-être ce qu'a dû ressentir Ed (Christopher Mintz-Plasse) lorsque Charley (Anton Yelchin) l’a renié, lui son ami d’enfance, pour les beaux yeux d'Amy (Imogen Poots, un nom à coucher dehors, un physique à se damner). Car c’est ainsi que débute le film : Charley revient chez lui, quelque part dans une ville non loin de Las Vegas, croisement d'Agrestic, de Wisteria Lane et de Suburbia, matte ouvertement les fesses de sa strip-teaseuse de voisine, échange quelques banalités avec sa mère (Toni Collette) et prend la poudre d’escampette aux bras de sa superbe copine. Si tout semble donc aller joyeusement dans ce meilleur des mondes, le spectateur n'est cependant pas dupe, car comme toujours dans ces quartiers résidentiels assemblés comme des Lego, les habitants se révèlent bien vite aussi artificiels que leur maison en carton pâte.
Si l'on n'est pas vraiment étonné d’apprendre que Charley s’est délesté de ses vrais amis afin d’exister socialement (franchement, qui l'en blâmerait ?), le voir en couple avec Amy revient cependant à imaginer Michael Sheen aux bras de Kate Beckinsale ou de Rachel McAdams, c’est étonnant, ça pique franchement les yeux mais c’est pourtant vrai. On ne sait donc pas trop comment mais Charley est bien un ancien has-been qui a su grimper l’échelle sociale étudiante, devenant un "inbetweener", un croisement bâtard coincé quelque part entre les stéréotypes des sportifs virils et l'asociabilité des nerds. Ici donc, point d’histoire à l’eau de rose sur comment le bouffon du collège parviendra à faire chavirer le cœur de la plus jolie fille de la classe : le couple improbable est déjà ensemble dès le début du film, créant pour l'occasion un petit vent d'air frais appréciable. Alors que défile une introduction somme toute plutôt efficace (à base d’accessoires pointus un brin signifiants et de placement de produits à peine intrusifs), le jeu des apparences trompeuses s’arrête soudainement à l’arrivée de "Jerry le vampire" (Colin Farrell). En effet, aucun doute sur la nature du nouveau venu, on sait immédiatement que Jerry est un être de l'au-delà, un vilain pas piqué des hannetons qui tue et transforme sans vergogne. Une vélocité qui aurait été fraîchement accueillie si elle n'engendrait pas un problème de taille : au lieu de profiter du voyage avec nous, partageant à l’occasion un cocktail maison d'eau bénite, Charley, qui en sait toujours moins que le spectateur, se retrouve à devoir courir derrière la locomotive du récit.
Si le premier acte du film est réussi, jouant sur les apparences, sur les codes de genre et sur un court-circuitage des pistes scénaristiques évidentes (la relation amoureuse entre Jerry et la mère de Charley, le trip d'espionnage à la Paranoiak, etc.) la narration explose soudainement en vol, enchaînant les figures attendues et autres pillages scandaleux (visiblement les scénaristes connaissent Une Nuit en Enfer de Rodriguez et Vampires de Carpenter et veulent nous le faire savoir). Point d'orgue de cette prise de risque éventée, la phrase sortie de nulle part : "Si tu lui plantes ce pieu dans le coeur, ceux qu'il a mordu reviendront à la vie". Wait... what ? Et puis quoi encore, si tous les enfants du monde se tiennent par la main on verra des licornes gambader sur des arcs-en-ciel ? Ainsi le glas résonne et nous glace le sang, pour ne pas dire nous le coagule tant le scénario file ensuite en toute quiétude sur un chemin de croix étonnament plaisant mais sans véritable surprises.
Côté acteurs, pas vraiment drôle ni effrayant, Christopher -McLovin- Mintz-Plass n'a définitivement pas sa place dans le film, Anton Yelchin a pris un sérieux coup de vieux, Colin Farrell fait le stricte minimum en vampire ténébreux cliché et Toni Collette semble avoir accepté son rôle pour payer la rénovation de sa villa (la façon dont son personnage est écarté de l'histoire est, à ce titre, hilarante de bêtise). De tous, c'est bien le génial David Tennant (Docteur Who) qui tire son épingle du jeu tant l'acteur est juste parfait dans le rôle de Peter Vincent, l'illuminé de service qui apporte un brin de folie jouissif à l'histoire. Côté réalisation, on sent chez Craig Gillespie une volonté franche de tenter des choses afin de ne pas se reposer sur la banalité exemplaire de la caméra-épaule comme vecteur de tension. La course poursuite en voiture en est un bel exemple puisqu'il réalise un plan séquence qui n'est pas sans rappeler les fameuses scènes du miroir et du train de Sucker Punch, tournoyant autour de ses personnages dans un endroit exigu alors que la menace poursuit les protagonistes, dépasse leur véhicule et attaque violemment la carcasse. Hélas, n'est pas Zack Snyder qui veut et Gillespie l'apprend à ses dépends puisque cette scène, parmi d'autres, manque cruellement de rythme et noie dans l'oeuf une volonté pourtant évidente d'apposer un style à son film. Enfin, un bon point puisque la 3D, à défaut d'être percutante, demeure ici un cran au-dessus de nombre de conversions inutiles auxquelles on a eu droit cette année. Certes, on est loin d'affirmer que cela vaut la fameuse surtaxe mais avec quelques étincelles et divers objets qui jaillissent un chouïa hors de l'écran, on a tout de même l'impression d'être -un peu- moins trompé sur la marchandise.
Au final Fright Night n'est rien d'autre qu'une série B sympathique qui aurait pu rester dans les mémoires si elle avait su montrer ses crocs et ne s'abandonnait pas si rapidement à des facilités inexcusables. Ce remake de Vampire, vous avez dit vampire ? réalisé par Tom Holland en 1985 demeurera donc ce petit film dont les créateurs sont tellement peu sûrs de sa qualité intrinsèque qu'ils assènent au spectateur les "meilleures scènes du film" lors du générique de fin. De quoi nous faire dire qu'il y avait effectivement quelques passages amusants... mais quand même bien pieu. Euh, peu.