Deux Soeurs Pour Un Roi
Le 26/03/2008 à 23:53Par Elodie Leroy
Que ceux qui cherchent en Deux Sœurs Pour Un Roi une fresque historique dans la veine d'Elizabeth passent leur chemin. Ce premier long métrage de Justin Chadwick adapté du roman The Other Boleyn Girl de Philippa Gregory s'apparente davantage à un pur drame en costumes, dépeignant la Cour royale de l'Angleterre du 16e siècle par le petit bout de la lorgnette à travers le vécu de ses deux (ou trois) personnages principaux. Ce qui ne constitue nullement un défaut pour qui s'intéresse aux enjeux qui sont les leurs. Deux Sœurs Pour Un Roi relate ainsi le destin tragique de deux jeunes femmes, Anne (Natalie Portman) et Mary Boleyn (Scarlett Johansson), des soeurs très proches en dépit de leurs caractères opposés. Leur vie bascule le jour où elles se retrouvent successivement poussées dans les bras du roi Henry VIII (Eric Bana) qui recherche une maîtresse afin d'assurer sa descendance, une tâche dont la reine ne parvient pas à s'acquitter. Jetées en pâture à la Cour, les sœurs Boleyn devenues rivales tentent de se faire une place mais deviennent vite les instruments du jeu cruel auquel se livrent les intrigants gravitant autour du souverain.
Si les luttes de pouvoir participent à construire le fil directeur du film, le cinéaste Justin Chadwick se contente d'effleurer leur dimension politique et s'attache surtout à décrire leur impact sur la vie d'Anne et de Mary. Faisant preuve d'une réelle empathie vis-à-vis de ses personnages, Chadwick pointe sans ménagement du doigt la condition révoltante des femmes de la Cour, dont la valeur se résume à leur pouvoir de séduction et leur capacité à mettre au monde des garçons. Les intentions sont fort louables mais la forme prend parfois un caractère trop démonstratif, le film étant loin d'atteindre les sommets d'une œuvre telle que Marie-Antoinette (Sofia Coppola), en termes de finesse comme de mise en scène. Cela dit, les thématiques de Deux Sœurs Pour Un Roi s'élargissent à mesure que la spirale s'accélère. En vérité, l'histoire a cela de passionnant qu'aucun personnage ne s'impose comme maître du jeu, comme si l'enfer de la Cour agissait par lui-même pour faire de tous ses sujets tour à tour les instigateurs et les victimes d'une machination. Interprété par Eric Bana, qui a su saisir à merveille la solitude de son personnage, le roi Henri VIII incarne à lui seul l'absurdité de ce système tournant à vide qui finit par écraser et déshumaniser les êtres. En outre, les valeurs familiales, que l'on présente de nos jours volontiers comme universelles, en prennent ici un sacré coup à travers l'attitude cupide et insensible du père. Le seul résidu d'humanité qui subsiste à la Cour demeure l'émouvante relation fraternelle qui relie Anne, Mary et leur frère George (Jim Sturgess).
Deux sœurs pour un roi réunit deux des comédiennes les plus talentueuses de la jeune génération actuelle, en l'occurrence Natalie Portman et Scarlett Johansson, la première jouant la carte du tape-à-l'œil et la seconde de la retenue. En somme, le film aurait pu être véritablement grandiose si Justin Chadwick avait su lui insuffler un peu plus d'ampleur. Le passé télévisuel du cinéaste constitue en fait à la fois le point fort et le point faible du film. Multipliant les gros plans, la mise en scène enferme les personnages dans le cadre mais aussi dans les décors outrageusement somptueux du palais, un parti pris qui vient admirablement servir le propos. Mais à force de filmer ses comédiens, et tout particulièrement ses comédiennes, le cinéaste en oublie presque de développer l'univers narratif qui les entoure, au point que Deux Sœurs pour un Roi finit par ressembler à un téléfilm de luxe qui n'existerait qu'à travers les visages de Natalie Portman et de Scarlett Johansson. Cela dit, le scénariste Peter Morgan (The Queen, Le Dernier Roi d'Ecosse) révèle une fois encore un grand talent pour faire monter la tension et susciter l'impression qu'un engrenage incontrôlable s'est enclenché, depuis le moment où le roi pose ses yeux sur les deux jeunes femmes jusqu'à l'issue tragique. Enfin, si la bande son trahit une certaine tendance aux excès mélodramatiques, les prestations remarquables de Portman et Johansson mais aussi des acteurs au jeu très nuancé qui leur donnent la réplique, Eric Bana et Jim Sturgess notamment, valent à elles seules le déplacement.