Erreur de la banque en votre faveur
Le 03/04/2009 à 08:19Par Michèle Bori
Trop léger et pas assez engagé au vu du sujet abordé, Erreur de la banque en votre faveur ne parvient jamais à exploiter le potentiel subversif de son postulat de départ. Un film qui plaira à ceux pour qui "la crise" est juste un film avec Vincent Lindon et Patrick Timsit. Un film qui devrait aussi pousser la commission de classification des films à créer une nouvelle catégorie : Interdit aux moins de 45 ans.
Nouveau film du tandem Michel Munz / Gérard Bitton, à qui l'on doit Ah ! Si j'étais riche et Le cactus ainsi que les scénarii des deux La vérité si je mens, Erreur de la banque en votre faveur se pose comme la comédie "que tout le monde attend" en ce début de printemps. Un duo connu aux commandes, un casting trois étoiles (Gérard Lanvin, Jean-Pierre Darroussin, Barbara Schulz, Eric Berger, Martin Lamotte, le très bon Scali Delpeyrat) et un sujet qui parle à tout le monde en ce moment (la banque !); bref, tous les ingrédients sont là pour que le spectateur se sente en terrain connu en se rendant dans les salles obscures. Et le spectateur aurait tort de se priver, puisqu'il s'agit là d'une comédie tout ce qu'il y a de plus sympathique, avec son scénario light, son ton léger, ses comédiens qui "passent à la télé" et sa mise en scène ... qui passera aussi très bien sur le petit écran. Sauf que voilà, s'il nous arrive parfois de ne pas bouder notre plaisir devant des comédiens rigolotes et sans prétention (les Ch'tis, Mes stars et moi, plus récemment Incognito), celle-ci nous est restée un peu en travers de la gorge. Pas à cause de ses qualités intrinsèques, au final dans la moyenne de ce que nous offre le cinéma populaire français actuellement, mais plutôt à cause de l'étrange sensation d'insatisfaction qu'elle nous a laissée dans la bouche.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que la sortie d'Erreur de la banque en votre faveur arrive à un bien étrange moment. En pleine crise boursière, alors que toutes les banques du monde sont pointées du doigt pour leurs exactions financières, voici un film dont les héros sont deux messieurs tout-le-monde profitant d'un délit d'initié pour s'enrichir allégrement en boursicotant avec l'argent d'une banque de quartier ! Elle est belle, l'ironie du sort. Elle en deviendrait même drôle, si le film dont nous parlons ici était à la hauteur de la coïncidence en arrivant à apporter ne serait-ce qu'une once de point de vue sur la situation qu'il dépeint. Las, avec sa morale nauséeuse (en creux, "l'argent fait le bonheur") et sa vision ultra libérale de la société que certains qualifieraient de puante (en France, il y a les riches, et les pauvres qui veulent devenir riches), Erreur de la banque en votre faveur, sous ses faux airs de comédie franchouillarde, fait irrémédiablement penser à une certaine émission de la première chaîne, qui depuis presque 20 ans fait son beurre sur les histoires de pognon. Un indice, les initiales de cette dernière sont CCC et elle est présentée par Jean-Pierre Pernaut... Le film de Bitton et Munz parle donc de fric, du pouvoir du fric, de la beauté du fric et des problèmes liés au fric. Inutile de préciser qu'en cette période ou les médias, les politiques et même les concierges nous rabattent les oreilles avec le pouvoir d'achat, les milliards qui partent en fumée ou encore la peur de ne pas avoir une retraite décente, un film dans lequel le brouzouf est roi, ça lasse. Ca ennuie. Ca énerve même, surtout que pour une fois qu'un film français parvient à avoir une résonance contemporaine via un fait de société, il est déprimant de constater qu'il ne parvient jamais à élever son sujet pour se montrer un tant soit peu corosif. Pourtant, renvoyer des contradictions à la face du spectateur et le bousculer un peu dans son fauteuil ne sont pas des crimes, que l'on sache. Avec un tel sujet, Munz et Bitton auraient pu se lâcher. Ils ne l'ont pas fait. Un défaut qui fait d'Erreur de la banque en votre faveur un film bien trop inoffensif. Pire, c'est là un vrai film pour ceux qui ne veulent pas qu'on les embête le dimanche soir entre deux pages de pubs. Plus de place disponible dans le cerveaux ?