La Forêt de Mogari
Le 05/11/2007 à 11:38Par Yann Rutledge
Film sur le deuil, Noami Kawase réussit avec La Forêt de Mogari le tour de force de nous conter une histoire loin d'être une oeuvre désespérament larmoyante, mais une ôde à la vie, d'une poésie et d'un optimisme rares par les temps qui courent. D'une rare beauté plastique, La Forêt de Mogari est une oeuvre universelle portée par deux acteurs habités. Subtile et sublime, Naomi Kawase signe une oeuvre touchante et précieuse. La cinéaste mérite amplement le Grand Prix de Cannes 2007.
Mogari désigne la période consacrée au deuil ou encore le lieu du deuil.
L'étymologie de ce mot serait Mo Agari, la fin du deuil.
On ne soulignera jamais assez l'incroyable travail sonore élaboré par Kawase et son ingénieur du son David Vranken. Ayant reconstruit en post-production quasiment tous l'environnement sonore du film (dialogue et ambiance), ils ont fait de la forêt un lieu hors de temps et de l'espace, une sorte de purgatoire pour ces deux êtres. Les gouttes de pluie tombant sur les feuilles d'arbres, le vent, les sons produits par la faune (en particulier par les insectes), tout est mis en oeuvre pour plonger les deux personnages dans un ailleurs. Livrés à eux mêmes dans une forêt au rôle exutoire, Machiko et Shigeki peuvent ainsi faire un retour sur eux-mêmes, faire le deuil de leurs proches et de ce passé atrophiant. Le vieil homme que l'on retrouvera à la fin du film recroquevillé comme un foetus contre la tombe de sa femme pourra ainsi "renaître".
Il est assez surprenant de voir que Naomi Kawase, récemment devenue mère, se soit penchée sur le thème de la mort et d'avoir suivit ce personnage de jeune mère ayant perdu son enfant... Peut-être tentait-elle d'exorciser ses démons à l'aide du cinéma comme elle l'avait déjà fait précédemment lors de la naissance de son enfant (Naissance et maternité - 2006), sur le lent et douloureux décès d'une de ses proches (Letter from a Yellow Cherry Blossom - 2003), ou sur la recherche de son père (Sky, Wind, Fire, Water, Earth - 2001). Le cinéma de Kawase est à l'image de cette forêt de Mogari : salvateur et nécessaire pour aller de l'avant.
Loin de tout drame familial franco-français qui ne s'intéresse qu'à l'individu et met de côté l'universalité de son propos, La forêt de Mogari est une oeuvre touchante d'une rare simplicité portée par une mise en scène habile et maîtrisée. Lentement mais sûrement, Naomi Kawase s'impose comme une cinéaste contemporaine majeure.