Les Immortels
Le 22/11/2011 à 16:40Par Camille Solal
Notre avis
Les Immortels : Critique
"Tarsem Singh revient !", c'est en substance ce qu'on pense lors de la première séquence du film Les Immortels. La présentation des Titans agit en effet comme une madeleine de Proust : on repense à la petite visite des horreurs dans l'esprit torturé du serial-killer de The Cell autant qu'au voyage initiatique dans le monde de mythes et de magie de The Fall. Et puis... plouf. Le film retombe presque immédiatement comme un soufflet, les aspirations picturales inhérentes au cinéaste font place à des effets de réalisation ringardes, des décors et costumes cheap et des dialogues vraisemblablement écrits sur un coin de nappe un soir de beuverie.
Pourtant on veut s'y accrocher, on veut pouvoir dire "Non, la bande annonce fait penser à 300 mais le film est très différent" mais tout ceci serait vain... car on pense à 300. En effet Singh semble cette fois être incapable de se créer un univers visuel qui lui est propre et qui soit à la hauteur de nos attentes. Colorimétrie, effets de ralenti, fonds vert, punchlines hurlées aux troupes et romance bazardée au profit de combats de mâles en rut aux torses huilés, rien ne manque si l'on souhaite vraiment se retrouver comme des coqs en pâte (si ce n'est Gerard Butler en fait). Mais pire encore, alors que l'histoire était propice à une véritable explosion visuelle (de préférence inédite), le scénario aligne des figures mythologiques connues qui pousseront sans nul doute n'importe quel spectateur/joueur à une étonnante comparaison avec les aventures de Kratos dans l'impressionnante saga vidéoludique God of War.
Pourtant, dans tout ce marasme de déconvenues, une lumière du nom d'Henry Cavill vient sauver le film du naufrage, l'empêchant de s'échouer sur la plage des blockbusters ringards. Sûrement conscient que Freida Pinto prend, comme d'habitude, plus la pose qu'elle ne joue (d'ailleurs, l'a-t-on déjà vraiment vu jouer ?) et que les autres acteurs affichent pour la majorité des rôles sans risque, ni ampleur, l'acteur redouble d'effort pour rendre crédibles les actions qui défilent sur la toile. Et il faut reconnaître que malgré le ridicule évident de certaines situations et décors, Cavill détonne, arrivant à prendre le film à bras le corps et à le pousser au rang de divertissement sans grande prétention certes, mais que certains spectateurs pourront néanmoins apprécier.
La preuve parfaite de cette terrible carence en nouveautés est que même les méchants (le Minotaure en tête) manquent cruellement d'ampleur, de style et d'originalité. Si encore Tarsem embrassait le côté cheap pour proposer un jeu sur les faux semblants, sur les illusions (comme ses références au travail de Maurits Cornelis Escher dans The Fall) ou sur les croyances antiques... Mais non, tout est convenu, léché comme une enveloppe prête à l'envoi. Si bien qu'on se demande si, finalement, le reste de sa filmographie inspirée d'oeuvres littéraires, picturales, romans graphiques et photographies ne fonctionnaient pas uniquement parce que ces références étaient un tant soit peu obscures ou inédites. La réponse pourrait ainsi mettre en lumière le problème majeur du film : le fait qu'il s'inspire cette fois d'un film récent à succès qui est devenu une véritable référence pour le public mainstream.
Finalement Les Immortels plaira donc peut-être à ceux venus chercher un ersatz de 300. Par contre, ceux qui se déplaceront pour suivre le travail de Tarsem Singh tomberont de haut et pourront choisir, à loisir, de voir en Les Immortels une erreur de parcours, l'exemple type du cinéaste broyé par le système hollywoodien ou bien encore la véritable identité d'un faiseur qu'on pensait intouchable et indiscernable. Et à la vue de la première bande annonce de son Blanche Neige, on serait malheureusement tenté de pencher pour la dernière hypothèse ...