Propriété Interdite

Critique Propriété Interdite

Première chose : il va être très difficile de parler de Propriété Interdite sans en déflorer les tenants et les aboutissants ni le déroulement de son intrigue, anxiogène au possible mais surtout perpétuellement imprévisible. Second point : c'est avec des yeux lourdement écarquillés que l'on sort du film, sans réellement savoir ce que l'on vient de regarder, ni même parvenir à prendre un parti quelconque. L'objectif d'Hélène Angel n'est d'ailleurs même pas de nous pousser à aimer ou conspuer son film mais surtout de nous infliger une expérience de cinéma extrême, faite de bric et de broc dans les moyens mis en œuvre, mais étonnement fascinante. Et ça fonctionne, comme l'attesteront sans le moindre doute les nombreux silences qui accompagneront le visionnage de cette étrange pellicule sitôt le générique de fin entamé. En tout cas, sous couvert d'un pitch de base lorgnant vers un film d'atmosphère très classique du ghost-story paranoïaque très proche de la série B,  misant à fond sur son cadre isolé et sa grande maison qui craque lorsque les lumières s'éteignent, Propriété Interdite s'autorise des audaces à tour de bras dans son portrait de la folie nourrie par le malaise social. Une destruction des barrières morales, hiérarchiques et communicantes comme l'on abat la cloison d'une maison que l'on voudrait totalement remettre à neuf sans avoir peur du sacrifice.

Le film est une sorte de salade printanière où se mélangent des ingrédients qui n'ont normalement absolument rien à faire ensembles. Comme si Philippe Lioret, Marina De Van et Michael Hanneke s'étaient serré les coudes et avaient livré le plus sombre d'eux même pour mieux malmener leur spectateur, trimballé d'expositions théâtrales en film d'horreur face à des cassures de ton multiples amplifiant le malaise ambiant. Un couple retape la demeure d'un syllogomane pour mieux la revendre, après que ce dernier s'y soit suicidé. Pourtant, Claire (étonnante Valérie Bonneton de Fais pas ci, fais pas ça) est persuadée qu'un intrus y rôde lorsque son époux s'endort et c'est à peu près tout ce qu'il y a à raconter. La curiosité (du spectateur comme de l'intrigue elle-même) méritant d'absorber le reste elle-même, quitte à se sentir agressé. Les peurs sont là, de tous bords, de toutes natures, surgissent sans crier gare comme un sale fait divers poussé par la sauvagerie et l'inconfort absolu qu'elle suscite fait de Propriété Interdite un futur film mal aimé, mais une expérience névrosée à tenter.