Samsara : la critique du film
Le 27/03/2013 à 10:07Par Camille Solal
À mi-chemin entre une très longue publicité pour agence de voyages et un documentaire grossièrement moralisateur, Samsara tourmente le spectateur, le faisant un instant rêver aux sublimes paysages qu’offre la nature avant de basculer dans le cliché via une facile dénonciation de notre société, que l’on sait autodestructrice. Découvrez ci dessous notre critique de Samsara.
Film projeté en Avant-Première Française lors de l'Etrange Festival 2012.
Vingt ans après Baraka, Ron Fricke revient nous éblouir avec le sublime Samsara, projet titanesque ayant nécessité quatre années de production. Travaillé et mis en scène avec la technologie la plus pointue à ce jour, l'artiste nous montre ici toute la beauté, la richesse et la poésie de notre monde. Rappelant tour à tour le travail de photographes comme Andreas Gursky ou de cinéastes comme Tarsem Singh (The Cell et surtout The Fall), Fricke crée avec son film une véritable ouverture qui projette le spectateur avec une facilité déconcertante en plein coeur de territoires inconnus, colorés, somptueux et surtout, très impressionnants. Mais le film ne s'arrête pas juste à une "coûteuse soirée diapositives des endroits les plus somptueux de la planète" puisqu'il épouse aussi l'essence spirituelle des religions les plus ancestrales.
Hélas, à trop vouloir toucher son spectateur en plaçant l’humain au centre de son discours, Fricke transforme rapidement son oeuvre en récit didactique. Car si l'idée de transformer l'humain tour à tour en acteur et en victime du déclin de la société aurait pu être intéressante, à défaut d'être originale, c'est plutôt la manière choisie pour faire passer ce message qui pourra, elle, paraître bassement sentencieuse et particulièrement dérangeante. Sans voix off, le réalisateur décide d'user, voire d'abuser de l'effet Koulechov (une image influe sur le sens de celles qui l'entourent). Il clôt par exemple sa séquence sur l'indrustrialisation du monde qui passe par l'élevage des animaux, leur dépeçage et la mise en rayon de la viande par un couple d'obèses se goinfrant au McDonald et sur le gros ventre d'un patient dans un cabinet de chirurgien esthétique.
Si dans cet exemple le but est bien sûr, clairement, de faire sourire, il n'en sera pourtant pas de même pour toutes les séquences du film (notamment celle mettant en regard des plans sur l'élaboration des armes à ceux de soldats mutilés) ce qui pourra laisser au spectateur un goût amer et la désagréable impression qu'on lui assène un message et un mode de pensée auquel il se doit d'adhérer. Le documentaire n'est donc pas qu'une simple fresque à l'esthétique extrêmement travaillée avec des paysages flamboyants et de jolies mises en perspective de constructions humaines, c'est aussi une lourde dénonciation du comportement des humains et de leur manque de respect par rapport à leur corps, leur âme, leurs ancêtres, leur société et bien sûr à la nature elle-même.
En philosophie bouddhiste, Samsara signifie "le cycle de la vie, la renaissance". Ron Fricke traite ce thème symboliquement en commençant et concluant son film avec la même image d’une statue aux yeux grands ouverts, mais également de manière plus évidente, voire peu subtile, en mettant le spectateur face aux erreurs qui nuisent à l’épanouissement du monde dans lequel il vit. Si chaque spectateur recevra le film différemment avec une sensibilité qui lui est propre, les plus pessimistes pourront néanmoins penser qu'avec Samsara Fricke démontre, certes maladroitement, que parce qu’il est constamment freiné, le cycle ne pourra jamais être complet et la renaissance impossible.