The Wolfman
Le 09/02/2010 à 18:28Par Elodie Leroy
Découvrez ci-dessous la critique de Wolfman de Joe Johnston
Depuis une quinzaine d'années, il est devenu difficile de trouver de bons films de monstre en général et de vrais films de loup garou en particulier. L'exploitation du mythe au cinéma s'est même sérieusement gâtée en 1994 avec Wolf, film pompeux réalisé dans le but affiché d'offrir un traitement "intelligent" du sujet (une intention qui en disait long sur l'estime qu'on portait à celui-ci) et qui a surtout accompli la prouesse d'éloigner le public du genre qu'il prétendait renouveler. Ces dernières années, on a pu assister à un retour du loup garou sous d'autres formes, entre Dog Soldier en 2002 qui s'imposait davantage comme un survival et s'intéressait peu au mythe, et les nombreuses histoires proposant une nouvelle vision de la créature, plus civilisée et organisée en meute, à travers sa guerre ancestrale contre le vampire. C'est le cas dans la saga Underworld dont le troisième opus a au moins pour mérite de témoigner d'un intérêt graphique pour les bestiaux, ou encore dans Twilight qui utilise les deux mythes de manière exclusivement romantique. Soit, les légendes sont aussi faites pour donner lieu à différentes interprétations. Le seul souci, c'est que la dimension horrifique du loup garou a presque disparu avec le temps. Or un film de loup garou est avant tout un film d'horreur. Joe Johnston (Jumanji, Hidalgo) l'a fort bien compris avec cet excellent remake du Loup-Garou (1941) de George Waggner, qui effectue un retour aux sources salvateur.
La première qualité visible de The Wolfman est d'imposer immédiatement son univers en plantant son récit dans un vrai décor de cinéma. Du village paysan à la forêt hantée par une brume épaisse, qui distille une atmosphère fantastique, en passant par le manoir partiellement occupé des Talbots, qui réserve quelques recoins sombres et abandonnés, The Wolfman nous plonge en quelques images dans une ambiance de XIXe siècle aux allures gothiques et teintée d'un onirisme comparable à celui de Sleepy Hollow. A l'inverse de ce qui se produit dans un Sherlock Holmes, autre production américaine se déroulant dans l'Angleterre du XIXe et sortant ces jours-ci, on croit immédiatement à ce retour fantasmé dans le temps. Appelé au secours par sa belle-sœur Gwen (Emily Blunt), Lawrence Talbot (Benicio del Toro) revient dans la maisonnée familiale après des années d'absence mais arrive trop tard pour sauver son frère des griffes du monstre qui répand la terreur dans les environs. Alors qu'il mène son enquête indépendamment de l'inspecteur (Hugo Weaving) dépêché sur place et qui le soupçonne, Lawrence est lui-même attaqué par la bête. Confronté à l'incrédulité et aux persécutions des hommes, il va devenir un paria. Si le scénario obéit à une logique bien connue des amateurs du genre, et pour cause puisqu'il rend hommage aux classiques (le film de Waggner mais aussi l'inoubliable Loup Garou de Londres de John Landis), l'histoire contée dans The Wolfman tire parti du mythe et de sa dimension folklorique tout en lui apportant un coup de jeune grâce aux moyens modernes. Outre l'habituelle dualité homme/animal et le comportement schizophrène du loup garou, le film s'intéresse véritablement à son personnages central, à sa quête d'identité et à sa relation père/fils avec Sir John Talbot (Anthony Hopkins), allant jusqu'à ouvrir la voie vers une lecture oedipienne de sa condition.
Bonne nouvelle, l'histoire ne tente jamais de se réfugier derrière un quelconque alibi moral : la bête tue et massacre furieusement quiconque se trouve sur son chemin. Témoignant d'un véritable amour pour la créature velue, la réalisation de Joe Johnston impose l'apparence mi-homme mi-bête de celle-ci avec une remarquable facilité et sans aucun soupçon de ridicule. Les griffes meurtrières sont filmées complaisamment tandis que les hurlements du monstre font l'objet de plans d'une noire poésie grâce à une photographie et un étalonnage aux petits oignons. C'est beau et les moments de bravoure sont légion. Outre les nombreux carnages, sanglants et absolument jouissifs sans jamais sombrer dans l'esbroufe, The Wolfman nous fait cadeau d'une scène de panique générale dans Londres anthologique mais aussi de deux superbes transformations, passages obligés du genre qui achèvent de rétablir la dimension inquiétante du loup garou en tant qu'aberration de la nature et expression de la bestialité de l'homme. Cerise sur le gâteau, on se surprend à s'émouvoir de la destinée infernale de Lawrence, interprété à la perfection par un Benicio del Toro qui inspire une empathie immédiate et se voit donner la réplique par un casting irréprochable, de Emily Blunt à Hugo Weaving en passant par Anthony Hopkins qui n'avait pas été aussi bon depuis des années.
Première publication le 29/01/2010 à 11h49