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Frontière(s) : interview de Xavier Gens

Le 31/01/2008 à 12:34
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Interview de Xavier Gens pour Frontières

Petit rappel des faits. En 2005, Xavier Gens tourne Frontière(s), film d’horreur à tout petit budget (1,5 Millions €) avant de se faire lâcher par son distributeur Studio Canal qui trouvait le film un peu trop violent. Obligé de tourner les scènes les plus trash en cachette pour réussir à conserver l’aval de ses producteurs, le film verra finalement le jour grâce au soutien de Luc Besson qui décida de reprendre en main la distribution du film en assumant la classification « interdit aux moins de 16 ans ». Entre temps, Gens tourne Hitman pour le compte de la Fox, qui sort avant Frontière(s) et cartonne aux quatre coins des Etats-Unis et même en France, atteignant presque 800.000 entrées. Finalement, deux ans après la fin du tournage, son premier bébé déboule enfin sur les écrans hexagonaux, précédé d’une réputation de film ultra violent comme l’indique l’accroche dictée par le comité de classification présente sur l’affiche.


On avait déjà rencontré Gens à l’occasion d’Hitman, on le retrouve quelques semaines plus tard pour cette interview, quelques jours avant de le recroiser une dernière fois à Gerardmer. C’est qu’il serait attachant le bonhomme !

FA : Deux ans de post-production, c’est assez long. Comment avez-vous réussi à garder votre motivation intacte pendant tout ce temps ?

XG : C’était très difficile, mais en même temps, j’ai pu prendre beaucoup de recul sur Frontière(s) du fait que je suis parti faire Hitman et que cela m’a permis de faire un break en milieu de post-production (ndlr : entre février 2006 et août 2006). Après Hitman, il ne restait juste que trois jours de mixage et l’étalonnage de Frontière(s) à faire. Au final, je suis revenu vers le film avec un œil neuf, ce qui a entraîné quelques modifications au niveau du montage. J’ai pu retirer 2 ou 3 scènes qui rallongeait inutilement le film. J’ai fini le mixage et l’étalonnage, et le film a été fini fin Août pour être présenté à Toronto. Du coup, le fait de faire Hitman m’a permis de prendre pas mal mes distances avec Frontière(s) pendant quelques mois, ce qui n’est pas une mauvaise chose.
Hitman a cartonné. Craigniez-vous un échec commercial de Frontière(s) ?
Oui et non. Bien sûr j’aimerai que beaucoup de gens voit Frontière(s) ! Mais en même temps, je sais qu’il sera beaucoup moins exposé au grand public que n’a pu l’être Hitman. C’est aussi un film qui vise un public beaucoup moins large. C’est presque un film d’auteur, je dirais ! Frontière(s) vient des tripes, du cœur. J’ai mis toute mon énergie dedans. La sortie de Frontière(s) est donc très importante, mais je dirais que l’ambition commerciale du film n’en était pas le moteur prioritaire. Mon but avec ce film était vraiment de mettre en avant ma personnalité en tant qu’auteur - réalisateur. Donc finalement Hitman et Frontière(s) vont bien de paire, puisque qu’avec l’un je montre mon univers cinématographique, et avec l’autre je montre que je sais gérer un gros budget Hollywoodien.

 

Interview de Xavier Gens pour Frontières

 

Justement : d’une part, vous avez eu une pression financière et un besoin de résultats avec Hitman et de l’autre une pression artistique et une recherche de reconnaissance avec Frontière(s). Laquelle est la plus dure à gérer ?
La pression artistique je dirais, parce que finalement la pression financière n’est pas sur les épaules du réalisateur. Sur ce genre de projet, le réalisateur est simplement là pour faire du mieux qu’il peut, et le reste dépend du studio. Dans le cas d’Hitman, tout le monde sait que j’ai eu des problèmes en postproduction. Maintenant je vis avec mes frustrations étant donné que le film n’est pas comme du tout je l’imaginais au départ. C’est comme lorsque John McTiernan a fait le 13e Guerrier. Il a proposé une version au studio qui a été refusé. Aujourd’hui, tout le monde attend une director’s cut qui ne viendra jamais, parce qu’elle ne serait pas rentable pour le studio. Il fait savoir que même les versions longues des films doivent être validés par les majors pour sortir en DVD. Si elle n’y trouvent pas un intérêt commercial, alors ce n’est pas la peine. Parce que faire une director’s cut, ça veut dire une nouvelle musique, un nouveau montage, un nouveau mixage, un nouvel étalonnage… et tout ça pour une poignée de fan frustrés. Ça ne serait pas rentable ! Moi j’ai mon montage d’Hitman chez moi, mais je ne peux rien en faire…

Faites une projection !
Oui, je pourrais faire une projection pour les proches… Mais vu que le film est un succès commercial, le studio ne changera rien dessus (ou alors pas grand-chose), par peur de décevoir ceux qui ont aimé la version salle. La version unrated qui sortira en DVD sera légèrement plus violente que la version salle, mais n’aura quand même rien à voir d’un point de vue du rythme avec le montage que je leur ai proposé.

 

Interview de Xavier Gens pour Frontières

 

Pour en revenir à Frontière(s) : quel est la chose la plus dure à gérer quand on a pas de moyens sur un film ?
Le plan de travail ! Chaque jour, nous faisions une ou deux heures supplémentaires... parfois quatre ! Et je tiens à redire une nouvelle fois que, sans l’équipe du film, rien n’aurait été possible. Ils n’étaient pas payés pour ces heures sup’, alors qu’ils étaient déjà à –30% des salaires habituels ! Et ils se sont quand même donnés à fond. On était une vraie famille sur le tournage et je crois que du coup, ça a rendu le tournage beaucoup plus simple. J’ai eu des soucis avec mon producteur, qui avait lui-même des soucis avec le distributeur, qui avait acheté le scénario d’un film interdit au moins de 16 ans et qui voulait un « moins de 12 ». J’ai dû lutter contre vents et marées pour que le film ressemble le plus possible à ce qu’il y avait sur le papier, c’est à dire un vrai film trash dans la droite lignée des films des années 70. Ca a vraiment été ça la plus grosse difficulté.

Et c’est là qu’Europa est arrivé ?
Oui. Au départ, j’avais quelques appréhension, dues à la réputation de Luc Besson. Je me disais qu’on allait charcuter mon film, qu’il allait être formaté… Et en fait pas du tout. Besson m’a dit qu’il voulait un film interdit aux moins des 16 ans et que le film sortirait tel quel. C’est pour ça que lorsque Europa m’a proposé de faire Hitman, je n’ai pas pu refuser. C’était une super opportunité pour moi vu que je n’avais plus la malédiction du deuxième film.

Etiez-vous au courant que tout le monde vous attendait un peu comme le messi du cinéma de genre en France ?
Non, pas du tout. Vous savez, il ne faut pas écouter ce que les gens disent de vous. Ni en bien, ni en mal. Si j’avais entendu ça à l’époque, vous n’imaginez pas la pression que j’aurai eu. J’essayais de rester le plus à l’écart possible, pour ne pas me laisser influencer par des espérances ou des critiques qui ne seraient pas miennes. Et si je ne l’avais pas fait, le film ne serait pas du tout pareil aujourd’hui, puisque ma démarche n’aurait pas été honnête. Et puis les fans de genre m’attendaient peut-être, mais moi je ne suis pas qu’un fan de cinéma de genre. Faire du gore pour du gore ne m’intéresse pas. J’aime raconter des émotions humaines avant tout, et j’aime tout aussi bien le film d’horreur, que le thriller ou le film d’aventure. Avec Frontière(s), j’ai trouvé un bon médium pour faire passer mes idées. Mais tous mes films ne seront pas comme ça !

 

Interview de Xavier Gens pour Frontières

 

Comment expliquez-vous que le cinéma de genre français marche aussi mal?
Je pense qu’il y a encore et toujours cette appréhension du film français en général. Les gens voient que le film est français, alors c’est forcément mauvais. Les gens préfèrent mettre 9€ pour voir un film américain parce qu’ils sont « sûrs de la marchandise ». C’est comme quand tu vas au restaurant : 9 fois sur 10 tu prends ce que tu as l’habitude de manger. Et puis il y a le problème de fond qui est que personne n’a éduqué le public Français à aller vers un cinéma différent. Le premier a réussir sur ce terrain, c’est Alexandre Aja avec Haute Tension. Avant lui, les films de genre en France n’étaient franchement pas terribles. Et là encore, c’est Besson qui a pris le risque. Et puis il y a eu Canal Plus avec French Frayeur, qui a ouvert une brèche dans laquelle tout le monde s’est engouffré. Le problème aujourd’hui, c’est qu’on a jamais eu autant l’occasion de faire du cinéma de genre en France, mais que les distributeurs sont très frileux à sortir les films en salles. C’est le serpent qui se mort la queue, et je mets ma main à couper que dans deux ans le cinéma de genre français n’existera de nouveau plus. Allez voir des films de genre français : c’est une démarche civique ! (rires)

Pour finir. Viggo Mortensen et Philip Seymour Hoffman : info ou intox ?
Intox dans le sens où ils n’ont rien signé. Info dans le sens où il y a une vraie intention de ma part et de la part du producteur de les avoir sur le film. Maintenant, en fonction des plannings, on attend leurs réponses. Quoiqu’il arrive, on cherche à monter un casting de cette trempe, pour faire un grand film épique de série A… avec des cannibales.

 

Interview de Xavier Gens pour Frontières







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