FilmsActu.com

Les Trois Royaumes : Pour/Contre

Le 13/02/2009 à 15:26
Par
Notre avis
4 10

POUR : 13/20

Les investisseurs avaient réclamé pour le marché international un montage plus court privilégiant l'action. John Woo s'y est plié en réduisant en deux heures ce qui était initialement développé en quatre. Cisaillé et saucissonné de toute part, Les Trois Royaumes n'en est pas honteux pour autant et s'avère même parfois plutôt spectaculaire. Inégal et sans surprise certes, mais assurément efficace. 2h25 qui passent comme une lettre à la poste et c'est déjà ça de pris.

Contre : 7/20

Déception, déception... Quinze ans après les films qui ont fait sa renommée à l'international, que reste-t-il du cinéma de John Woo ? Plus grand-chose si l'on en croit cette fresque épique ampoulée qui étale son gros budget 2h25 durant pour ne jamais décoller sur le plan dramatique. Si la direction artistique impressionne, John Woo sous-exploite ses comédiens à travers des rôles clichés et ne se rattrape même pas dans les scènes de batailles, pleines d'idées intéressantes mais peu mises en valeur par une réalisation et un montage poussifs. On gardera tout de même à l'esprit qu'il s'agit là d'une version remontée pour le public occidental, ce qui pourrait expliquer bien des choses. Cette version-ci, en tout cas, est d'un ennui à toute épreuve.

Critique Les Trois Royaumes : Pour/Contre

Critique Les Trois Royaumes : Pour/Contre

POUR, par yann rutledge


Malgré tout l'attachement que nous portons à John Woo (ses films ont assurément charpenté notre cinéphilie), reconnaissons que lors de son escapade hollywoodienne le cinéaste n'était devenu que l'ombre de lui-même, enfilant sans vértiable logique best-of wooien (Volte/Face), film de guerre naïf plus qu'humaniste (Windtalkers) au milieu de trucs véritablement abominables (M:I 2, Paycheck). L'annonce de son retour en Chine à la barre d'une super-production budgétée à 80 millions de dollars était donc pour beaucoup escomptée comme sa résurrection. Le résultat, Les Trois Royaumes, un film de guerre épique de plus quatre heures, divisé en deux volets pour son exploitation en Asie, mais qui se retrouve en Occident allégé de plus de deux heures (!) parce que nous les Blancs nous nous fichons bien de l'Histoire de la Chine et surtout parce que si on va voir un film chinois c'est pas pour s'emmerder quatre heures mais pour pour se prendre la patate d'action... Il n'y a pas écrit pigeon sur notre front, nous avons très bien compris que ce remontage avait plus pour but de rassurer les distributeurs étrangers, afin qu'ils ne mettent pas des billes dans un diptyque inexploitable. Est-ce que pour autant John Woo a vendu son popotin ? Bien heureusement non.


Il ne faut donc pas prendre la version des Trois Royaumes qui sort dans nos salles comme le film qu'avait initialement conçu le réalisateur de Une Balle dans la tête, mais comme un condensé en deux heures de ce qui doit être raconté en plus de quatre. John Woo y a en effet réduit au minimum nécessaire les enjeux du récit ainsi que la psychologie de ses héros, au risque d'ailleurs que certaines séquences intimistes soient brouillonnes (en particulier celles concernant Tony Leung et sa femme). Rien de réellement honteux pour autant puisque même en faisant le minimum syndical, les comédiens (Takeshi Kaneshiro, Tony Leung et Zhang Fengyi en tête) ont assez de charisme pour donner vie à leurs personnages. Cela manque de profondeur, c'était prévisible, mais nous attendrons de voir le montage chinois, plus étoffé, pour juger si John Woo y est simpliste ou juste pris par le temps. A défaut d'être shakespearien, Les Trois Royaumes se rattrape sur l'aspect épique de son histoire, et force est de constater que sur ce point il ne déçoit pas. Après une exposition un peu longuette qui s'explique par le nombre important de personnages principaux (une bonne dizaine tout de même), Les Trois Royaumes ne contient en 2h25 de métrage miraculeusement que très peu de temps morts, John Woo enchaînant les séquences de batailles au croisement du crasseux Seigneurs de la guerre de Peter Chan, de l'épique Troie de Wolfgang Pertersen et de la folie sanglante des films de Chang Cheh (The Deadly Duo, Heroes Two). Des batailles terrestres et navales stratégiquement tout aussi inventives les unes que les autres, chose rare pour ce genre de grosse production, le simple fait de présenter 5 000 soldats à l'écran justifiant à certains leur manque d'originalité.

 

Critique Critique Les Trois Royaumes : Pour/Contre

 

Par-dessus tout, ce retour en Chine permet à John Woo de revenir vers un cinéma plus féroce, dantesque, un cinéma dans lequel les héros, véritables bêtes de guerre usées, fatiguées, aveuglées par la poussière, affrontent la rage au ventre une armée de pas moins de 800 000 hommes. Une hargne que nous n'avions pas vu plaquée à l'écran chez lui depuis Une Balle dans la tête. La grâce aérienne façon Tigre et Dragon n'a heureusement ici pas son mot à dire, John Woo désirant capter l'essence chaotique qui règne au coeur des affrontements. Seul souci, malheureusement de taille, le cinéaste échoue à mettre en valeur les chorégraphies du prodigieux Corey Yuen. Sans doute dépassé par l'énorme et pesante logistique qu'impose une telle production, il cède à la facilité de cadrer (en longue focale) ses héros pas plus large que leurs épaules, empêchant ainsi une bonne lisibilité des mouvements. Frustrant tant on sent que Corey Yuen y a délivré quelques unes de ses chorégraphies les plus brutales. Le cinéaste se rattrape bien heureusement sur la dernière demi-heure par une impressionnante bataille navale nocturne qui rappellera au détour d'un ou deux plans la bataille du Gouffre de Helm du Seigneur des Anneaux. Royal.

 

Malgré les défauts inhérents à la condensation en deux fois moins de temps d'un récit qui se développe normalement sur plus de quatre heures, Les Trois Royaumes est au final suffisamment spectaculaire et généreux pour que nous ne puissions pas faire la fine bouche. Maintenant quant à savoir si le film signe la rédemption tant attendue de John Woo (mais peut-être serait-il temps de se faire une raison), nous attendrons bien évidemment la version intégrale pour nous prononcer.

Critique Les Trois Royaumes : Pour/Contre

Contre, par Elodie Leroy

 

Longtemps considéré à juste titre comme le maître de l'action, John Woo s'essaie à présent comme la plupart des grands réalisateurs chinois et hongkongais de sa génération au genre de la fresque guerrière. Une perspective qui laissait présager du meilleur de la part d'un cinéaste dont les polars brillaient justement par un esprit chevaleresque directement emprunté au cinéma de Chang Cheh. Seulement voilà, les immenses succès qu'ont été les récents films de Zhang Yimou, Feng Xiao-Gang ou encore Peter Chan sont passés par là et ont eu le temps d'imposer des codes qui commencent un peu à friser le formatage. Si le récent Les Seigneurs de la Guerre de Peter Chan en jouait intelligemment pour développer les règlements de compte personnel et idéologique entre ses personnages, Les Trois Royaumes s'embourbe dans les passages obligés du genre et s'impose comme une fresque pompeuse et sans saveur.

 

John Woo mérite toutefois le bénéfice du doute : la faute incombe peut-être au remontage réalisé pour le public occidental, sur lequel nous nous basons pour cette critique et qui condense en 2h25 un diptyque qui s'étale à l'origine sur plus de 4h. Un tel historique explique largement le premier échec de cette version des Trois Royaumes : intéresser le spectateur à son histoire. Avec des enjeux guerriers et politiques aussi complexes, il est indispensable d'accorder une attention toute particulière à la gestion du rythme, une notion qui semble avoir complètement échappé aux monteurs lorsqu'ils se sont attelés à la première heure de bobine, qui enchaîne les échanges dialogués en passant complètement à la trappe le propos historique (vaguement expliqué par une voix off... en anglais!) mais aussi le développement des protagonistes. En effet, malgré un casting de première classe, les personnages s'avèrent tous unidimensionnels, à commencer par celui de Zhang Fengyi (Adieu ma Concubine, L'Empereur et l'Assassin) qui se résume à sa double obsession pour la victoire et pour une femme. Face à lui, Tony Leung reste désespérément fade dans le costume du général Zhou Yu. Lui qui inspirait tant le réalisateur et donnait le meilleur de lui-même dans Une Balle dans la Tête et A Toute Epreuve. L'acteur a beau s'escrimer ici à faire des figures circulaires au ralenti avec son épée, rien n'y fait, pas plus que les séquences lourdingues qu'il partage avec sa partenaire (Lin Chilin, aussi expressive qu'une statue). Les seconds rôles ne tirent guère le film vers le haut, entre un Chang Chen (Tigre et Dragon) figé et un Shido Nakamura (The Neighbor N°13, Lettres d'Iwo Jima) scandaleusement sous-exploité. Le bilan des courses est que l'histoire a beau être objectivement riche en tragédies, la tension dramatique ne décolle jamais. Encéphalogramme plat. Et dire qu'il y a une quinzaine d'années, John Woo nous éblouissait avec ses action men flamboyants ! Et ce ne sont pas les tentatives téléphonées d'imprimer un semblant de lyrisme à l'ensemble (oh, la belle colombe qui survole les montagnes...) qui vont sauver l'entreprise.


 

Critique Les Trois Royaumes : Pour/Contre

 

Du côté des qualités, il serait scandaleux de ne pas reconnaître l'ampleur de la logistique et le travail titanesque de reconstitution mobilisé pour le film - Tim Yip, ici directeur artistique et chef costumier, est décidément un magicien. Sur le plan des scènes d'action, le bilan s'avère en revanche mitigé. Nous aurions aimé vous dire que Les Trois Royaumes était sauvé par des joutes guerrières grandioses, mais contre toute attente, John Woo déçoit énormément sur ce point en tant que metteur en scène - un autre montage n'y changerait rien. Pourtant, il y avait matière à faire monter l'adrénaline puisque les batailles contiennent leur lot de tactiques intéressantes, notamment lors d'une séquence où l'armée de Zhou Yu adopte une formation en trigrammes de Pakua pour piéger l'adversaire, ou encore lors d'un incendie spectaculaire ravageant une nuée de bateaux. Autant de potentiels moments de bravoure partiellement sapés par une incapacité à rendre l'espace à l'écran, entraînant un manque de lisibilité de l'action et donc d'ampleur. En d'autres termes, non seulement Les Trois Royaumes ne distille aucune émotion mais aucun souffle épique ne traverse l'action. Rien à voir avec les batailles stupéfiantes du récent Les Seigneurs de la Guerre, qui proposaient chacune une expérience intense et viscérale. Qui eût cru il y a quelques années que Peter Chan serait capable de surpasser à ce point John Woo sur un tel terrain ? Enfin, la réalisation poussive ne permet jamais de retrouver la rage d'un film comme Une Balle dans la Tête qui captait la laideur de la guerre en prenant littéralement au tripes (et au coeur) - là encore, c'est vers le film de Peter Chan qu'il faudra se tourner pour revivre une expérience digne de ce nom.

 

Il est cependant souhaitable d'attendre l'oeuvre intégrale pour se prononcer définitivement sur la qualité du récit car nous savons à quel point un remontage peut tout changer. La décision de proposer une version pour l'Occident et une version pour l'Asie s'avère à ce titre désolante. On a connu les charcutages de Miramax, mais à présent, c'est à la source que se font les versions "occidentalisées", c'est-à-dire vidées de toutes les scènes insufflant peut-être tout son intérêt au film. A force de prendre le spectateur occidental pour un ignare incapable de s'intéresser à l'Histoire de l'Empire du Milieu, les studios chinois finiraient-ils par saper leurs propres productions ? C'est ce qui semble s'être passé ici si l'on en croit le décalage entre le succès critique du film en Asie et la piètre qualité de ce qui nous est proposé ici. En tout cas, si l'on se fie à cette version, il semble que le cinéma de John Woo ait décidément perdu son âme.

 

Critique Les Trois Royaumes : Pour/Contre








Depuis 2007, FilmsActu couvre l'actualité des films et séries au cinéma, à la TV et sur toutes les plateformes.
Critiques, trailers, bandes-annonces, sorties vidéo, streaming...

Filmsactu est édité par Webedia
Réalisation Vitalyn

© 2007-2024  Tous droits réservés. Reproduction interdite sans autorisation.