Super 8
Le 01/08/2011 à 10:38Par Yann Rutledge
Notre avis
CRITIQUE SUPER 8
A l'heure où Hollywood semble incapable d'imaginer un grand film d'aventure sans que le nom d'une superstar y soit attaché, J.J. Abrams réunit cinq gamins inconnus du grand public et ranime trente ans plus tard les classiques des années 80 dont Steven Spielberg - ici producteur - a installé les bases. La formule Abrams, nous la connaissons bien aujourd'hui. De la série Lost, les disparus à Star Trek en passant par Cloverfield qu'il a écrit et produit, chacune de ses créations tourne autour d'un groupe d'individus qui se retrouve embarqué dans une histoire beaucoup trop grande pour eux. Le récit repose alors sur les liens que les membres du groupe noueront entre eux et l'expérience humaine que chacun en tirera.
Si on a suivi Lost jusqu'au dernier épisode, ce n'est pas tant pour rassembler les pièces du puzzle que pour vivre avec les rescapés du vol 815 d'Oceanic Airlines l'aboutissement de leur périple. De la même manière, Cloverfield a beau être un film de monstre façon Godzilla, c'est bien l'histoire d'amour - et pas la destruction massive de New York - qui stimule entièrement le récit. La formule Abrams exige par ailleurs qu'un épais mystère voile le tout : montrer le moins possible de la menace qui pèse sur les héros permet de stimuler l'imagination du spectateur. Faire surgir la créature avec parcimonie, si possible dans un petit coin du cadre, et privilégier le développement des personnages, une recette immuable de nouveau appliquée sur Super 8. Le coeur du film se situe effectivement moins dans l'attaque extra-terrestre que dans les relations conflictuelles entre un père (Kyle Chandler, vu dans Demain à la une et Friday Night Lights) et son fils. Super 8 aurait été tout aussi réussi (si ce n'est plus) si la créature avait été écartée pour ne suivre que la bande de copains réaliser leur Nuit des morts-vivants à eux durant leurs vacances d'été. Super 8 est une véritable machine à voyager dans le temps rendant hommage à E.T. l'Extraterrestre, Monster Squad, Stand by Me, Explorers ou encore Les Goonies, à cette époque où les gamins vivaient en banlieue, s'échappaient de leur chambre dès la nuit tombée pour rejoindre leurs copains au coin du feu, rêvaient d'aventures et filaient en vélo à toute allure, loin très loin de leur parents qui ne comprenaient définitivement rien à rien. Une apologie de l'enfance rafraîchissante comme on en avait plus vu depuis que le cynisme est de rigueur à Hollywood.
Si on reprochait à Star Trek sa mise en scène trop télévisuelle, J.J. Abrams corrige le tir avec Super 8. A la caméra portée faussement chaotique se substitue un soin des cadrages et d'amples mouvements d'appareils. L'ombre du producteur plane sur chaque plan, c'est indiscutable. Super 8 pêche cependant trop rapidement par un trop grand mimétisme vis à vis des classiques de l'époque. Et pas qu'à l'image ! Même la bande originale de Michael Giacchino cite ouvertement l'oeuvre de John Williams et de Jerry Goldsmith, sans pourtant en posséder toute la puissance évocatrice. Bien qu'il ait été doublement écrit et réalisé par J.J. Abrams (une première après deux adaptations de séries TV cultes), Super 8 n'est pas la confirmation espérée d'un auteur comme a pu l'être en son temps Rencontres du troisième type pour Steven Spielberg. Le créateur de Lost est un habile conteur, c'est incontestable, peut-être même l'un des meilleurs en activité, mais c'est surtout un cinéaste qui encore aujourd'hui se cherche. Abrams a beau avoir des idées excitantes, saisir mieux que personne comment construire et conserver l'intérêt des spectateurs pour un récit, il lui reste encore à nous surprendre.
Critique de Super 8 publiée le 17 juin 2011.