Studio Madhouse
Le 08/12/2006 à 10:23Par Elodie Leroy
Depuis plus de trente-cinq ans, les studios Madhouse sévissent dans l'animation japonaise à travers des productions d'une qualité arrogante, comptant parmi leurs fidèles contributeurs des artistes phares comme Rintarô (Metropolis) et Katsuhiro Otomo (Akira), révélant des talents hors normes tels que Yoshiaki Kawajiri (La Cité Interdite, Ninja Scroll) et Satoshi Kon (Perfect Blue, Paprika). Depuis quelques années déjà, la renommée des studios Madhouse dépasse largement les frontières du Japon, un phénomène qui s'explique bien entendu par une plus grande diffusion des films et séries d'animation nipponne en Occident mais aussi par le développement par le studio de collaborations internationales. Ainsi, Madhouse faisait partie des heureux élus sollicités par les frères Wachowski pour le projet de courts métrages The Animatrix... Le dernier film de Satoshi Kon, Paprika, arrive actuellement en France, l'occasion de revenir sur l'histoire du studio, son identité et ses principales personnalités artistiques.
MADHOUSE STYLE
Les débuts
L'équipe fondatrice du studio Madhouse faisait à l'origine partie de Mushi Production, le studio du maître Osamu Tezuka, qui compte depuis 1963 quelques futures figures phares de l'animation - au hasard : Osamu Dezaki (Black Jack, Cobra, Lady Oscar), Akio Sugino (character designer sur Cobra et Black Jack), Shingo Araki (character designer de Saint Seiya) mais aussi un certain Shigeyuki Hayashi qui prendra plus tard le pseudonyme de Rintarô (Metropolis). Tous apprennent le métier auprès du père de l'animation avant de voler de leurs propres ailes. Au début des années 70, Mushi Production est sur le point de faire faillite et s'est déjà vidée de quelques uns de ses artistes majeurs : Shingo Araki et Akio Sugino ont fondé la société Jaguard à la fin des années 60 et Rintarô est en train de passer freelance. Encouragé par le succès de sa série Ashita no Joe (1970-71), Osamu Dezaki franchit lui aussi le pas en 1972 et fonde ses propres studios avec le producteur Masao Maruyama. Pour enrichir leur équipe, Dezaki et Maruyama font appel à d'autres talents tels que Yoshiaki Kawajiri, alors simple animateur âgé d'une vingtaine d'années. Les studios Madhouse étaient nés.
Disposant d'abord de budgets réduits, Madhouse se consacre d'abord essentiellement à la production d'OAV (Original Animated Video) et de films destinés au cinéma, et cela même si les studios comptent rapidement à leur actif l'animation de quelques séries télévisées à succès comme Jeu, Set et Match (Osamu Tezaki), dont ils produiront le film en 1979. Au début des années 80, les studios Madhouse animent et collaborent sur le long métrage Barefoot Gen (Mamoru Shinzaki, 1983), qui connaîtra une suite quelques années plus tard, tandis que Yoshiaki Kawajiri fait ses débuts de réalisateur avec Lensman (1984). C'est surtout grâce au long métrage Harmagedon, réalisé en 1983 par Rintarô et produit par la Kadokawa Shoten, que Madhouse obtient une vraie crédibilité en tant que studio d'animation. Les collaborations avec la Kadokawa se poursuivent d'ailleurs au cours des années qui suivent au travers de plusieurs projets prestigieux qui participent à étendre l'aura de Madhouse. Outre quelques futurs chef d'œuvres comme Metropolis et Millennium Actress, on citera à ce titre le film de science-fiction à sketches Neo-Tokyo (Manie Manie), réalisé en 1986 par trois cinéastes alors sur le point de jouer un rôle fondamental dans l'avenir de Madhouse : Rintarô, Katsuhiro Otomo et Yoshiaki Kawajiri. Les deux premiers allaient collaborer régulièrement avec le studio tandis que le troisième allait en devenir l'un des principaux piliers.
Quelques années plus tard, on assiste à l'arrivée d'une nouvelle génération de créateurs formée par les maîtres : Otomo révèle Satoshi Kon (Paprika, Perfect Blue) tandis que Kawajiri lance Takeshi Koike (The Animatrix : Record du Monde).
La griffe Madhouse
Quand on pense Madhouse, des images de styles divers et issus d'univers variés viennent à l'esprit et il peut ainsi paraître difficile de cerner l'identité des studios. En remontant jusqu'à la démocratisation post-Akira de l'animation japonaise en France, on se rappelle forcément du choc La Cité Interdite. Yoshiaki Kawajiri dynamitait alors la production japonaise en imposant son audace et son sens inné de la mise en scène à travers ce film trash dans lequel il laissait libre cours aux dérives sexuelles les plus perverses tout en racontant une émouvante histoire d'amour. Auteur de projets forts sympathiques, comme la mini série d'OAV Cyber City Oedo 808, et de films cultes, tels que le chambara halluciné Ninja Scroll et le sublime film de vampire post-apocalyptique Vampire Hunter D : Bloodlust, Yoshiaki Kawajiri a largement participé à forger la réputation de Madhouse en tant que studio regorgeant de talents hors norme. Mais le nom de Madhouse évoque aussi certaines des plus belles œuvres réunissant les noms de Rintarô et Katsuhiro Otomo, à commencer par le très beau Metropolis, hommage ambitieux à l'œuvre de Tezuka dont Madhouse réalise l'animation. Plus récemment, Satoshi Kon confirme les affinités des studios avec les sujets de tendance métaphysique combinés avec un esprit de divertissement et une animation de haute volée, comme en témoigne le récent Paprika, qui fait écho aux précédentes œuvres filmiques (Perfect Blue, Millenium Actress) et télévisuelles (Paranoïa Agent) de l'auteur.
Pourtant, l'esprit Madhouse est loin de se résumer à ces quelques (géniaux) auteurs. Les studios se sont considérablement agrandis depuis le début des années 90 et ont eu le temps d'imprimer leur marque dans presque tous les genres de l'animation. Ainsi, Madhouse produit aussi bien des séries shônen (Beck, L'Epée de Kamui) que shôjo (Azuki Chan) voire fait quelques détours par le shônen-ai (Zetsuai 89). Les longs métrages ambitieux cités précédemment ne sont pas les seuls à viser un public adulte, certaines séries développant des univers échappant à toute classification, comme c'est le cas de Paranoïa Agent et Monster, mais aussi du subversif Gunslinger Girl, de l'étrange Boogiepop Phantom ou encore du sombre Texhnolyze. Parallèlement, Madhouse ne néglige pas le public adolescent ou même enfantin, comme le prouvent des séries telles que Cardcaptor Sakura ou Jubei-Chan.
Loin de manquer d'une identité propre, Madhouse se distingue par le soin constant accordé à la qualité et par l'originalité des styles et univers explorés. Lorsque ses productions ne sont pas adaptées de mangas brillants comme c'est le cas de Monster ou X, elles bénéficient souvent des talents uniques tels que le scénariste Chiaki Kuriyama, scénaristes de Texhnolyze mais aussi du film live Marebito, ou encore le metteur en scène et scénariste Katsuhito Ishii, davantage connu pour son long métrage Taste of Tea et qui scénarisera le prochain long métrage cinéma Madhouse, Red Line. D'un point de vue visuel, Madhouse semble bénéficier d'une grande liberté quant au choix des profils artistiques, les producteurs n'hésitant pas à faire appel à des dessinateurs atypiques tels que le coréen Peter Chung (Alexander Senki). Quelque soit le public auquel elles s'adressent, les productions Madhouse bénéficient aussi d'un soin constant accordé à l'animation et à la qualité du graphisme, le studio ayant su s'armer d'une batterie de character designers réguliers - Yoshinori Kanemori (X), Shino Masanori (Gungrave, Black Lagoon) - et de directeurs artistiques de talents - Yuji Ikeda (Monster, Ninja Scroll).
En résumé, le nom de Madhouse constitue la plupart du temps une garantie de qualité et bien souvent un gage d'originalité.
Des liens privilégiés avec certains mangakas
Le nom de Madhouse étant devenu un gage de qualité, il n'est pas étonnant que certains mangakas souhaitent ardemment voir leurs œuvres adaptées par les studios.
Véritable empire dans le monde du manga, le studio Clamp, entièrement constitué de dessinatrices, a vu ses œuvres les plus prestigieuses portées à l'écran par l'équipe de Madhouse. Après l'adaptation contestable du chef d'œuvre Tokyo Babylon (1992-1994) par Kôichi Chigira, Rintarô frappe un grand coup en 1993 avec X², clip video sur un morceau explosif du groupe mythique X-Japan faisant office de bande annonce du long métrage prévu quelques années plus tard... Satisfaites du résultat - il faut le dire éblouissant de dynamisme et de maestria - les Clamp n'hésitent pas à poursuivre leur collaboration avec les studios. Réalisé par le même Rintarô en 1996, le long métrage X-1999 n'est peut-être pas aussi convaincant que le clip, mais Yoshiaki Kawajiri vient réajuster le tir en 2000 en lui consacrant une OAV, sorte de trip à l'atmosphère envoûtante, suivie d'une excellente série de 24 épisodes. Entre temps, l'alliance Madhouse / Clamp se voit couronnée de succès avec la série Cardcaptor Sakura, dont la diffusion atteint d'ailleurs nos contrées, un succès réitéré avec la série Chobits.
Outre les affinités avec Clamp, Madhouse semble entretenir de bonnes relations avec le mangaka Naoki Urasawa, auteur du génial manga Monster, dont l'adaptation virtuose constitue certainement l'une des séries les plus riches et incontournables du moment. Naoki Urasawa est aussi l'homme à qui l'on doit les mangas Master Keaton et Yawara !, œuvres dont les adaptations ont contribué à apporter une crédibilité aux studios Madhouse sur le marché de l'animation japonaise.
Entre l'est et l'ouest
Il était inévitable que des auteurs phares tels que Rintarô ou Yoshiaki Kawajiri, dont les œuvres majeures ont bénéficié d'une diffusion internationale, attirent l'attention des investisseurs en provenance des Etats-Unis. Travailler avec les Japonais représente pour ces derniers une double opportunité : apporter un coup de frais au marché américain de l'animation et réaliser des économies considérables - comparés aux coûts des productions américaines, même les coûts des films et séries les plus ambitieuses venues du Pays du Soleil Levant paraissent dérisoires.
Ayant fait forte impression avec les œuvres de Yoshiaki Kawajiri et leur manière unique de mêler le gore avec l'animation virtuose, les studios Madhouse se voient confier à la fin des années 90 l'animation de la série Spawn, diffusée sur HBO entre 1997 à 1999. L'occasion pour les dessinateurs de se déchaîner dans les scènes horrifiques (tortures, explosion de cervelles...) avec un budget encore plus important !
En 1996, le producteur Mataichiro Yamamoto, de Filmlink International, vient tout juste de fonder à Los Angeles la société Urban Vision Entertainment afin d'introduire des animes japonais aux Etats-Unis. A la même période, Yoshiaki Kawajiri est sollicité par Madhouse pour un projet ambitieux : une adaptation cinéma du roman Vampire Hunter D de Hideyuki Kikuchi, roman qui avait déjà donné lieu à une adaptation destinée à la vidéo en 1985 par Toyoo Ashida. Déjà fasciné par La Cité Interdite, Yamamoto entend parler du projet et décide non seulement d'en acquérir la licence mais aussi de participer à le financer. Urban Vision Entertainment obtient de superviser la post-production du film, le doublage et la musique (Marc D'Amrbosio) notamment, ainsi que la campagne publicitaire, projetant le film dans des conventions puis dans des festivals tels que le Festival du Film Asiatique de Fantasia (Montréal). Le résultat est une œuvre post-apocalyptique dont l'action et l'intensité dramatique s'enrichissent d'une esthétique gothique raffinée, inspirée du character design de l'incroyablement talentueux Yoshitaka Amano (mentionnons qu'il est aussi obligatoire de jeter un coup d'œil sur le artbook de l'artiste). Dans cette version de l'histoire du beau Dunpeal D, les fans de Kawajiri constateront une légère mise en sourdine des vices qui imprègnent habituellement l'œuvre du réalisateur (moins de sexe, par exemple), lequel reproduit en revanche quelques figures de style sympathiques de ses précédents films (l'homme qui sort de l'ombre des personnages, présence de femmes castratrices...). Mais qu'importe, le film reste un vrai bonheur.
Avec la société Urban Vision Entertainment, Yamamoto poursuit sa collaboration avec Madhouse (et avec le producteur Masao Maruyama) au travers d'autres projets parmi lesquels on citera Psycho Driver, Bio-Hunter et la série Ninja Scroll (inspirée du film éponyme de Kawajiri).
L'autre rencontre marquante entre Madhouse et les Etats-Unis n'est autre que The Animatrix, projet de neuf courts métrages supervisé par Larry et Andy Wachowski, désireux d'enrichir l'univers de Matrix. Madhouse n'est pas le seul studio sollicité par les frères Wachowski qui font aussi appel au studio 4°C, lesquels sont impliqués dans des productions telles que Memories ou Steamboy.
Soutenus par le producteur Masao Maruyama, Yoshiaki Kawajiri et Takeshi Koike réalisent chacun un court métrage. Program, qui ne devait à l'origine durer que quelques minutes, s'appuie sur un scénario léger mais permet à Kawajiri de faire une belle démonstration de mise en scène, le look de l'héroïne pouvant éventuellement rappeler celui de Benten, l'un des détenus de Cyber City Oedo 808. Takeshi Koike, réalise quant à lui Record du Monde, court qui se démarque par une atmosphère oppressante et un style visuel très personnel.
A l'heure où les Etats-Unis ferment les portes de leurs studios d'animation 2D, devenus trop chers à entretenir face à l'ascension de la 3D, le Japon déploie plus que jamais sa créativité débordante à travers des projets ambitieux, d'une grande qualité artistique et scénaristique, inventivité dont Madhouse représente certainement l'un des emblèmes les plus éclatants. Le récent Paprika vient prouver s'il le fallait que l'animation traditionnelle est loin d'être en baisse de régime et qu'elle peut largement absorber les possibilités offertes par la 3D. Il est probable que des studios tels que Madhouse deviendront dans un avenir proche les principaux producteurs d'animation 2D, tandis que les studios américains continueront de développer la 3D. On peut parier sur un développement des collaborations entre les deux pays et le cinéma d'animation risque fort d'évoluer vers une nouvelle forme de cinéma, intégrant à la fois les miracles du numérique et la beauté irremplaçable du tracé par la main humaine.
LES PERSONNALITESS PHARES DU STUDIO MADHOUSE
Afin de pousser plus avant la découverte du studio Madhouse, voici une petite présentation de ses cartes maîtresses. A travers ces petites bio-filmographies, on notera à quel point la relation de maître à élève est importante dans l'industrie japonaise du cinéma d'animation. Quand Rintarô recrute Katsuhiro Otomo, Katsuhiro Otomo peut à son tour recruter Satoshi Kon. De son côté, Osamu Dezaki repère Yoshiaki Kawajiri, ce qui permet à celui-ci de lancer Takeshi Koike... Une histoire sans fin qui se répète dans tous les studios japonais d'animation.
Figure phare du studio Madhouse, dont il est l'un des principaux fondateurs, Osamu Dezaki fait ses débuts en 1963 au sein de Mushi Productions, le studio du maître Osamu Tezuka, aux côtés de Rintarô, Akio Sugino et Shingo Araki, avec lesquels il travaille notamment sur Astro Le Petit Robot. Jusqu'au début des années 70, Dezaki garde un statut d'indépendant, ce qui lui permet de travailler pour d'autres studios (on le retrouve aux côtés de Hayao Miyazaki et Isao Takahata sur Lupin III, pour la TMS). C'est le succès de sa série Ashita no Joe qui le décide à créer les studios Madhouse avec Masao Maruyama.
Depuis, Osamu Dezaki est l'initiateur de plusieurs œuvres cultes bien connues des Français, telles que la superbe série Lady Oscar (design de Shingo Araki, Michi Himeno et Akio Sugino), l'excellente série Cobra ou encore les OAV et le long métrage Black Jack (1993-95). Fonder les studios Madhouse n'empêche pas Osamu Dezaki de rester fidèle à l'école Tezuka en continuant à travailler pour les studios du maître - devenus entre temps Tezuka Productions, suite à la faillite de Mushi Productions. Toujours respectueux de l'esprit des œuvres qu'il porte à l'écran, Dezaki possède un style aisément reconnaissable, notamment à travers l'utilisation récurrente de splitscreen d'arrêts sur image en crayonné (souvent des dessins de son compère Akio Sugino).
Masao Maruyama
Co-fondateur de Madhouse, Masao Maruyama est le producteur des titres qui ont fait la célébrité du studio. Initiateur du projet Ashita no Joe réalisé par Osamu Dezaki, Maruyama a aussi travaillé à de nombreuses reprises avec Rintarô puisqu'il est notamment le producteur du long métrage à sketches Neo-Tokyo (Rintarô, Yoshiaki Kawajiri, Katsuhiro Otomo), des OAV Megalopolis, du film L'Epée de Kamui, du clip video X2 et bien sûr de Metropolis. Parmi les talents que Masao Maruyama a contribué à lancer, on compte des noms tels que Yoshiaki Kawajiri (La Cité Interdite, Ninja Scroll, Vampire Hunter D : Bloodlust) ainsi que Satoshi Kon (Perfect Blue, Millennium Actress, Paprika). On lui doit aussi plusieurs adaptations de mangas de Clamp, comme la série Cardcaptor Sakura, les OAV Tokyo Babylon, le clip vidéo X². Le nom de Maruyama est aussi au générique de titres réputés tels que Jubei-chan, Trigun (dont il est producteur exécutif) et de projets atypiques comme l'étrange Texhnolyze, l'incroyable Boogiepop Phantom, et plus récemment l'excellent Monster. Enfin, Masao Maruyama a travaillé avec les frères Wachowsky sur Animatrix en assurant la fonction de producteur de l'animation des OAV réalisées au sein du studio Madhouse.
Rintarô
Si Rintarô ne travaille pas exclusivement pour Madhouse, il n'en est pas moins depuis plus de vingt ans un collaborateur très régulier, voire l'un des piliers. Vétéran de l'animation, Rintarô débute en 1958 à la Toei avant d'être engagé deux ans plus tard par Osamu Tezuka qui fonde alors ses studios Mushi Productions. Lorsque ces derniers font faillite au début des années 70, Rintarô décide de travailler en indépendant, ce qui lui permet de développer de bonnes relations avec des studios émergents, tels que Madhouse, tout en continuant à travailler avec son maître Tezuka. La collaboration entre Rintarô et les Studios Madhouse débute dès le début des années 80 avec Harmageddon, dont le character design est assuré par un certain Katsuhiro Otomo, alors peu connu. Toujours chez Madhouse, Rintarô réalise L'Epée de Kamui en 1985 et bien sûr le segment Labyrinth-Labyrinthos de Neo-Tokyo (1987), film qu'il produit avec Masao Maruyama. Rintarô fait appel à Madhouse pour l'animation du sombre Megalopolis (1991) et du clip vidéo X² (1993), bande-annonce choc du long métrage qu'il met en scène trois ans plus tard, le plus contestable X-1999. Son chef d'œuvre Metropolis, dont le scénario est signé Katsuhiro Otomo, s'inspire d'une œuvre du maître Osamu Tezuka et réunit les studios Madhouse et Tezuka Productions. Rintarô est par ailleurs l'auteur de Galaxy Express 999, produit par la Toei.
Katsuhiro Otomo
Mangaka, réalisateur, scénariste, character designer... Le grand Katsuhiro Otomo, créateur de Akira, a plus d'une corde à son arc. Ses mangas Domû, Akira ou encore Mother Sarah (dont il a écrit le scénario) ont fait le tour du monde. On se souvient encore du choc qu'avait provoqué en 1991 son premier long métrage Akira, chef d'œuvre encore inégalé du cinéma d'animation (et du cinéma tout court), à une époque où une campagne anti-"japoniaiserie" des plus douteuses était à l'œuvre en France. Du point de vue français, Otomo peut se vanter au moins d'une chose : avoir révolutionné l'image de l'animation japonaise en balayant les préjugés dus à l'ignorance.
Katsuhiro Otomo est lui aussi un habitué des studios Madhouse depuis qu'il a été engagé en 1983 par Rintarô pour le character design de Harmagedon. Dans la foulée, il s'illustre dans le film à sketches Neo-Tokyo (1983), dont il réalise le segment The Order to Cease Construction. A l'instar de Rintarô, l'auteur conserve par la suite son indépendance et met ses talents au service des studios Madhouse mais aussi des studios 4°C (Steamboy) ou encore Tezuka Productions (Metropolis). Katsuhiro Otomo est aussi le découvreur d'un talent émergent des studios Madhouse : Satoshi Kon, qu'il recommandait pour la réalisation de Perfect Blue après des collaborations fructueuses sur Memories et Roujin-Z. Peut-être parce qu'il a bouleversé les préjugés occidentaux sur l'animation japonaise, Katsuhiro Otomo reste à ce jour la référence ultime pour bon nombre d'aficionados français.
D'abord mangaka, Satoshi Kon est repéré en 1980 par Katsuhiro Otomo, impressionné par son manga Kaikisen. Otomo lui confie en 1991 le character design de Roujin-Z (Hiroyuki Kitakubo, 1991), avant d'adapter lui-même un manga de Kon, la comédie horrifique World Appartment Horror (1991). La collaboration entre Satoshi Kon et Katsuhiro Otomo se poursuit avec le segment Magnetic Rose de Memories (1995), dont Kon signe les layouts. S'il poursuit parallèlement sa carrière de mangaka, Satoshi Kon passe à la réalisation avec le célèbre Perfect Blue, l'histoire d'une idole qui décide d'abandonner sa carrière de chanteuse afin de se consacrer au métier d'actrice et qui va sombrer dans la schizophrénie et la paranoïa. Audacieux dans son contenu et novateur dans sa narration, Perfect Blue obtient un grand succès critique et public doublé d'une renommée mondiale, propulsant Kon au rang des réalisateurs qui comptent dans l'animation japonaise. Son métrage suivant, Millennium Actress, rendant véritablement hommage au cinéma à travers le parcours d'une actrice, est une réussite encore plus éblouissante d'un point de vue artistique, Kon ayant bénéficié cette fois d'un vrai budget de long métrage. Plus léger dans sa tonalité, le sympathique Tokyo Godfathers vient confirmer le talent d'un réalisateur au parcours décidément exceptionnel. Le rêve se poursuit avec Paranoïa Agent, série télévisée fantastique de treize épisodes, tous superbement écrits et dont les thématiques préfigurent largement son long métrage suivant, l'excellent Paprika, qui bénéficie actuellement d'une distribution mondiale. A ce jour, Satoshi Kon a réalisé un sans faute.
A la fois réalisateur, scénariste, character designer et animateur, Yoshiaki Kawajiri est l'un des auteurs phares des Studios Madhouse. Recruté en 1972 par l'équipe de Ashita no Joe, Yoshiaki Kawajiri est rapidement promu directeur d'animation avant de se lancer dans la réalisation avec Lensman (1983). Il enchaîne avec le segment Running Man du film à sketches Neo-Tokyo (1987), au générique duquel il voit son nom apposé aux côtés de ceux de Rintarô et Katsuhiro Otomo. Le tournant décisif de sa carrière se fait la même année avec le fabuleux long métrage La Cité Interdite, film stupéfiant à travers lequel il impose définitivement son univers sombre, ses thématiques personnelles et sa maîtrise incomparable de la mise en scène. Depuis, on lui doit des œuvres uniques telles que Demon City Shinjuku (1988), dont il est aussi le character designer, la série Goku Midnight Eye (1989) ou encore la mini série de trois OAV Cyber City Oedo 808 (1989). Parmi ses chef d'œuvres, on mentionnera surtout le sublime Ninja Scroll (1993), mélange inspiré de chambara, de fantastique et d'horreur dans un monde peuplé de démons. On est aussi en droit de se pâmer devant son Vampire Hunter D : Bloodlust, adaptation du roman de Hideyuki Kikuchi servie par le character design du génial Yoshitaka Amano, et devant la série X, réalisée d'après le manga éponyme de Clamp (une bien meilleure interprétation de l'univers des dessinatrices que celle de Rintarô). Yoshiaki Kawajiri est aussi mêlé à deux segments de The Animatrix : il a écrit et réalisé Program et scénarisé Record du Monde de Takeshi Koike.
En plus d'être un dessinateur et un animateur hors pair, Kawajiri est un auteur à part entière. Il possède un univers reconnaissable entre mille, visuellement parlant bien sûr (la finesse de son character design) mais aussi de par les thématiques qui reviennent de manière obsessionnelle. La violence graphique et malsaine qui imprègne son œuvre - souvent agrémentée de scènes de sexe impliquant des démons - se voit magnifiquement contrebalancée par une touche de romantisme. De même, les héros de Ninja Scroll et La Cité Interdite, ont un rapport des plus ambigus au sexe opposé et doivent faire face à des femmes castratrices (la fameuse femme araignée) dont la présence répond à celle d'héroïnes flamboyantes et tragiques.
Yoshiaki Kawajiri revient en 2007 avec Highlander : Vengeance, production américaine et adaptation animée sur le thème de Highlander.
Figure montante des Studios Madhouse, Takeshi Koike est recruté en 1988 par Yoshiaki Kawajiri qui l'emploie d'abord comme intervalliste sur La Cité Interdite, une collaboration qui se renouvelle sur Midnight Eye Goku, avant que Koike ne se voit confier la direction de l'animation des méchas sur Cyber City Oedo 808. Au cours des années qui suivent, on retrouve Koike en tant qu'animateur au générique de The Wind of Amnesia (Kazuo Yamazaki, 1990), Ninja Scroll (1993), du segment Stink Bomb de Memories (1995), de X-1999 (Rintarô, 1996) et de Vampire Hunter D : Bloodlust (Yoshiaki Kawajiri, 2000).
Takeshi Koike fait en 2000 un passage remarqué à la réalisation avec la séquence d'ouverture du film live Party 7, de Katsuhito Ishii, le metteur en scène de Taste of Tea (film dans lequel on retrouver une séquence animée dont Koike est l'un des auteurs). La collaboration avec Ishii s'avère décidément fructueuse puisqu'elle se poursuit avec la mini série Trava, qu'ils co-signent tous les deux. On parle même d'une contribution de Koike au character design de la séquence animée de Kill Bill consacrée à O-Ren Ishii. Le talent unique de Koike n'a pas échappé aux frères Wachowski qui lui confient en 2003 la réalisation de Record du Monde, sixième OAV de The Animatrix dont Yoshiaki Kawajiri écrit le scénario. Takeshi Koike déploie son univers très stylisé marqué par une utilisation des noirs qui évoque celle que l'on retrouve chez Frank Miller, célèbre dessinateur américain que le jeune réalisateur cite volontiers parmi ses références majeures. Enfin, Takeshi Koike s'est récemment illustré dans la réalisation du pilote de Afro Samurai et dans la réalisation des animations clés de la série Texhnolyze. Il ne restait plus à Koike qu'à passer à réalisation de longs métrages, ce qu'il fait à présent avec Red Line, prochain film des studios Madhouse, une histoire de courses automobiles dont le scénario s'inspire d'une idée de Katsuhito Ishii...
Yoshinori Kanemori
Après avoir débuté dans l'animation chez Asahi Films puis chez Studio Hard, Yoshinori Kanemori intègre en 1984 les Studio Madhouse. Avant tout character designer et animateur, Kanemori s'est aussi essayé à la réalisation. Son œuvre la plus connue reste Alexandre Le Grand, série pour le moins controversée dont le character design est assuré par l'artiste coréen Peter Chung, auteur de la géniale série Aeon Flux. Que l'on aime ou que l'on déteste, il est presque impossible de rester indifférent à l'atmosphère malsaine de Alexandre Le Grand et surtout au trait pour le moins atypique de Peter Chung, un style qui peut au premier abord entraîner une réaction de rejet avant de déclencher une certaine fascination. Alexandre Le Grand mérite très certainement plusieurs visions pour être apprécié à sa juste valeur. La série a par ailleurs donné lieu en 2000 à un film réalisé par Yoshinori Kanemori.
Bien avant Alexandre Le Grand (1999-2000), Yoshinori Kanemori avait imposé ses talents d'animateur dès 1979 sur Galaxy Express 999 et avait assuré le character design et l'animation de Queen Millenia en 1982. Depuis son arrivée aux studios Madhouse en 1984, Kanemori a largement prouvé que son registre ne se limitait pas au style de Leiji Matsumoto puisque le dessinateur et animateur a aussi travaillé sur plusieurs adaptations des œuvres de Clamp. On le retrouve ainsi au character design de la série Cardcaptor Sakura mais aussi de la superbe série X, adaptation du manga éponyme par Yoshiaki Kawajiri.
FILMOGRAPHIE SELECTIVE
Voici une filmographie sélective des titres essentiels du Studio Madhouse. Les titres sont classés par catégorie, avec d'abord les films et OAV puis les séries, et par ordre chronologique.
Films et OAV
L'Epée de Kamui (1985), film de Rintaro
Neo Tokyo (1986), film de Micky Yoshino, produit par Rintaro et Masao Maruyama
La Cité Interdite (1987), film de Yoshiaki Kawajiri
Demon City Shinjuku (1988), OAV de Yoshiaki Kawajiri
Goku : Midnight Eye (1989), film de Yoshiaki Kawajiri
Cyber City Oedo (1990-1991), 3 OAV de Yoshiaki Kawajiri
Megalopolis (1991), 4 OAV de Rintarô
Ninja Scroll (1993), film de Yoshiaki Kawajiri
Gunm (1993), film de Hiroshi Fukutomi
Memories (1995), film de Koji Morimoto, Tensai Okamura et Katsuhiro Otomo
X-1999 (1996), film de Rintarô
Perfect Blue (1998), film de Satoshi Kon
Alexander (2000), de Rintaro et Yoshinori Kanemori
Vampire Hunter D (2000), film de Yoshiaki Kawajiri
Millennium Actress (2001), film de Satoshi Kon
Nasu, un été andalou (2003), OAV de Kitaro Kosaka
Tokyo Godfathers (2003), film de Satoshi Kon
The Animatrix : Program (2003), OAV écrite et réalisée par Yoshiaki Kawajiri d'après un concept d'Andy et Larry Wachowsky
The Animatrix : Record du Monde (2003), OAV réalisée par Takeshi Koike, écrit par Yoshiaki Kawajiri d'après un concept d'Andy et Larry Wachowsky
The Animatrix : Au-delà (2003), OAV réalisée par Kôji Morimoto d'après un concept de Andy et Larry Wachowsky, peinture digitale additionnelle par le studio Madhouse
Final Fantasy VII (2005), OAV de Morio Asaka
Paprika (2006), film de Satoshi Kon
Séries
DNA² (1994), de Junichi Sakata
Street Fighter (1995), de Yoshinori Kanemori, Morio Asaka et Sunao Katabutchi
Trigun (1998-2006), de Satoshi Nishimura
Master Keaton (1998-1999), de Masayuki Kojima
Cardcaptor Sakura (1999), de Morio Asaka
Di-Gi Charat (1999-2000), de Hiroaki Sakurai
Jubei-Chan (1999), Akitaro Daichi
Boogiepop Phantom (2000), Shigeyuki Suga et Takashi Watanabe
X (2001-2002), de Yoshiaki Kawajiri
Chobits (2002), de Morio Asaka
Ninja Scroll (2003), de Tatsuo Sato
Gungrave (2003-2004), de Toshiyuki Tsuru
Gunslinger Girl (2003-2005), de Morio Asaka
Texhnolyze (2003-2006), de Hirotsugu Hamazaki
Monster (2004-2005), de Masayuki Kojima
Beck (2004-2006), de Osamu Kobayashi
Paranoïa Agent (2004-2006), de Satoshi Kon
Paradise Kiss (2005), de Rintaro
Death Note (2006), de Tetsuro Araki